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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Conille annonce « zéro tolérance pour les corrompus » ! -Par Sergo Alexis et Huguette Grenz

Publié par Sergo Alexis et Huguette Grenz sur 17 Juin 2024, 09:24am

Catégories : #AYITI ACTUALITES

Le gouvernement de Gary Conille est formé et ses membres ont été installés à la vitesse de l’éclair. Une célérité qui indique que les nouveaux responsables ont décidé  de ne pas traîner les pieds devant l’urgence de se mettre au travail,   car ce peuple qui souffre le martyr n’en peut plus. Un exploit : boucler tout cela en moins deux mois et demi alors qu’en général nos politiciens agissent sans empressement quand il faut prendre des décisions ; un Président peut parfois prendre des mois avant de choisir son Premier ministre et de faire ratifier son choix par le Parlement. Ce manque d’empressement s’explique souvent par des divisions au sein de la classe politique, causées par des intérêts strictement individuels, sans lien avec une quelconque idéologie.

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, c’est la première fois que le pays s’est doté d’un gouvernement qu’on peut considérer comme légitime, quand bien même il ne serait pas « constitutionnel » ; jusqu’ici personne ne l’a encore qualifié de de facto. Légitime parce qu’issu de longues et laborieuses négociations et d’un accord assez large entre différents groupes politiques des plus représentatifs du pays.

Maintenant il va falloir au Premier ministre Gary Conille de mettre à exécution la feuille de route de l’accord du 3 avril 2024 : procéder à la création du CEP, composé de personnes « intègres, crédibles, compétentes et non partisanes », comme il l’a annoncé dans son discours de circonstance. Cette équipe devra normalement nous conduire vers des élections que le nouveau chef de l’Exécutif promet d’être « libres, transparentes et inclusives ». Il a mentionné les autres défis qui l’attendent : l’insécurité, la misère et la crise politique et institutionnelle. Ce qui semble aussi lui tenir à cœur, c’est la nécessité d’une harmonisation de points de vue pour que la nation ne soit plus aussi désunie et fragilisée par l’instabilité politique. En effet, le venin de la division nous a jusqu’ici rongés et détruit toute chance de faire nation.

Ce qui est réjouissant pour les plus démunis, c’est l’annonce de Conille concernant la corruption qu’il entend combattre avec la dernière rigueur. À cette fin, le chef de l’Exécutif a promis d’engager tout son gouvernement. « Zéro tolérance pour les corrompus », a-t-il martelé. Car la corruption mais également les excès de privilèges accordés aux hauts fonctionnaires et parlementaires que Conille n’a pas relevés, sont aussi responsables de la pauvreté des masses populaires laissées en dehors du partage des richesses de la nation. Nous espérons que le CPT et le gouvernement travailleront à jeter les bases d’un changement de paradigme pour qu’enfin les futurs gouvernements parviennent à faire la révolution économique et sociale que les successeurs de nos ancêtres révolutionnaires n’ont pas faite.

C’est en tout cas, un discours captivant et chargé d'émotion, ponctué de trémolos dans la voix, qui l'a même conduit à boire un peu d'eau pour pouvoir continuer son allocution au moment où il s’adressait au peuple qui croupit dans la misère et l’ignorance. On sent qu’il y avait de la conviction dans ses propos.

Zones d’ombre

Cependant, des doutes surgissent lorsqu’il étale son ambitieux programme économique, sanitaire et infrastructurel. Ce projet, non seulement onéreux, paraît excéder les capacités d’un gouvernement de transition. De surcroît, il a omis de dévoiler où il trouvera les ressources financières nécessaires pour sa réalisation.

Il en est de même pour la réforme constitutionnelle. Comme nous l’avons rappelé dans plusieurs de nos éditoriaux, l'actuel gouvernement pourrait déjà amorcer des discussions sur ce sujet, mais il ne lui revient pas constitutionnellement de le réaliser. Qu’on se rappelle la levée de boucliers qui avait suivi la décision de Jovenel Moïse d’imposer pareille réforme en recourant au référendum, interdit par la Constitution de 1986. D’autant plus que ce gouvernement de transition ne dispose pas suffisamment de temps pour réaliser pareil projet qui nécessitera des débats nationaux : on doit aussi écouter la voix de la population haïtienne car cette problématique ne concerne pas uniquement la classe moyenne intellectuelle et les dirigeants politiques !

Nous avons aussi relevé quelques zones d’ombre dans les discours de Gary Conille et du président du Conseil présidentiel de transition (CPT), Edgard Leblanc Fils, concernant l’insécurité. Pour lutter contre les gangs, ils misent uniquement sur la police nationale et les militaires tout en soulignant l’importance de renforcer leur formation. À aucun moment les deux chefs de l’Exécutif n’ont fait référence à l’arrivée des forces étrangères d’intervention comme si cette idée faisait désormais figure d’un fâcheux espoir et que les Haïtiens doivent désormais compter sur leurs propres moyens. Pourtant, Mme Maria Isabel Salvador, la représentante spéciale de l’ONU en Haïti, était présente à la cérémonie d’investiture. Est-ce une manière de calmer les ardeurs des nationalistes haïtiens qui préconisent une solution exclusivement haïtienne, ou tout simplement l’expression d’un agacement face à la lenteur de cette intervention étrangère si longtemps prévue ?

Les critiques

Des accusations sont portées contre deux ministres du nouveau gouvernement. Georges Fils Brignol, nommé à la Santé, serait le beau-fils du conseiller présidentiel, Gérard Gilles. Celui-ci selon les critiques n’aurait aucune expérience et de surcroît pas de diplôme de médecine comme il le prétend. Pour se défendre, l’intéressé aurait déclaré qu’il était absent le jour de la remise des diplômes. Bizarre ! Quant à Marie Françoise Suzan, choix également controversé, elle serait la maîtresse de ce même Gilles et n'aurait jamais participé à aucune lutte en faveur des droits de la femme en Haïti.

Des critiques ont également été formulées à l'encontre de Conille, qui se présente comme un défenseur de la lutte contre la corruption alors qu’il a nommé Nesmy Manigat à la tête de son cabinet, ce dernier étant accusé de complicité de corruption avec le régime PHTK qui aurait, selon la rumeur publique, détourné des fonds de l'éducation nationale les deux fois qu’il en était le Ministre.

Nous espérons que le nouveau Premier ministre et les membres du CPT sont conscients que c’est une longue avenue parsemée d’obstacles qu’ils ont devant eux. Qu’ils sauront corriger les imperfections du gouvernement. Car tout le monde souhaite qu’ils réussissent et que les citoyens s’engagent pour cette grande mutation annoncée. Cela ne sera pas facile car dans le même temps, l’insécurité n’a pas fini de faucher des vies et de détruire les biens.

Nous sommes de nouveau, 38 ans après la fin de la dictature, au point de départ. Nous ne pouvons, pour le bien du pays, que souhaiter bonne chance à ce gouvernement !

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