Ces dernières années, à travers les discours véhiculés dans notre société, la gente féminine haïtienne se retrouve associée à des clichés discriminants, des stéréotypes négatifs: matérialiste, infidèle, femme facile etc. Fort de cela, les violences à son encontre, soutenues à travers des chansons et discours populaires, se normalisent peu à peu. À l’ère où des femmes du monde entier s’imposent et changent des vies, découvrons celles qui hier ou encore aujourd’hui ont créé leurs pages d’histoires dans notre pays, en commençant par Yvonne Hakime Rimpel.
Par Wyddiane Prophète
Yvonne Hakime Rimpel, militante et journaliste féministe, est née à Port-au-Prince en 1906. Très tôt, elle manifeste un intérêt particulier pour les études, cependant, à ses 14 ans, malgré son désappointement, elle arrête tout pour épouser le fiancé choisi par ses parents. Elle se sépare bientôt de son mari, avec qui elle a 4 enfants, dont un garçon mort-né. Elle se marie deux fois par la suite. De ses mariages, elle a 5 autres enfants. Dotée d’une forte personnalité, Yvonne brave les réprobations de ses parents, les opinions de l’époque, pour parachever seule son éducation, par la lecture et la fréquentation de salons littéraires.
Dans la société où Yvonne évolue, des lois, des pratiques purement machistes mènent l’époque. Les femmes sont reléguées au second plan, bon nombre de leurs droits leur sont refusés, entre autres, le droit de vote. Yvonne, malgré tout, refuse d’accepter l’autorité des hommes surtout quand celle-ci se révèle injuste. Elle est pour l’équité des genres. Elle s’engage donc passionnément à changer les conditions de vie de la femme haïtienne, en s’affirmant militante féministe autant dans la presse que dans la politique.
En 1934, après l’occupation américaine, la ligue féminine d’action sociale, l’une des premières organisations féministes d’Haïti est fondée. Yvonne devient l’une de ses collaboratrices très actives. Elle brille par sa présence à toutes les réunions, toutes les manifestations visant à défendre la gente féminine haïtienne. Un vent nouveau souffle sur le pays, sous l’acharnement de jeunes militantes désireuses de s’émanciper. La ligue initie bon nombre d’activités en cette première moitié du XXème siècle entre autres, l’éducation civique des femmes, les cours du soir pour les ouvrières, la création de bibliothèques, des pétitions aux instances concernées pour l'ouverture d'écoles pour filles...
Dans sa vie privée, Yvonne est aussi militante dans l’âme, ses enfants gagnent leur argent de poche aussi bien que leurs sorties en fonction du nombre de cours dispensés au personnel domestique du quartier sous sa galerie improvisée en école du soir. En 1935, la ligue publie le premier journal du pays écrit par des femmes « La voix des femmes ». Les femmes rédactrices de ce journal, sont les seules du pays à égaler les hommes sur le plan intellectuel. Yvonne est appelée parmi ces rédactrice qui se servent de leurs mots pour véhiculer des idées , des idéaux dans le souci de bâtir un avenir meilleur.
Dans la vie politique, les femmes ne chôment point. Dans les débats avec les autorités de La Chambre, Yvonne unit sa voix aux autres afin d’obtenir le droit de vote aux femmes. Une vague antiféministe règne sur le pays, mais les femmes tiennent vaillamment tête aux Hommes. Après maintes violences à leur encontre, elles obtiennent gain de cause : en août 1957, un décret de lois reconnait l’égalité politique entre hommes et femmes.
Naissance du journal L’escale
Dans les années 1951, Yvonne crée son propre journal "l'Escale", un bi-hebdomadaire d'information, oú elle use de ses mots pour analyser, dire la vérité sur des écrivains, des femmes, des journalistes et hommes politiques. À souligner qu’elle complimente, critique sans mâcher ses mots. Pour elle, ce qui importe c’est la liberté des voix dans la presse, la liberté et le respect des femmes dans le pays. Au lendemain du droit de vote des femmes, Madeleine Bouchereau, membre fondatrice de la ligue féminine, présente sa candidature au Sénat du département de l’Ouest, d’autres femmes, comme Yvonne se préparent à voter.
Lors des élections présidentielles de 1957, la plupart des femmes de la ligue dont Yvonne, prennent position pour le candidat Louis Déjoie, ingénieur agronome, planteur de Cannes à sucre, haïtien. Dans son journal « l'Escale », Yvonne ne prend pas de demi-mesure pour dénoncer les agissements de l’heure qui conduiront à l’élection de François Duvalier, dans son article « A moi, mon général ». Elle dénonce au grand public, les nombreux méfaits du gouvernement du général Kebreau, chargé d’organiser les élections, afin d’installer François Duvalier au pouvoir. Elle somme le général de s’éloigner de son mauvais entourage afin d’organiser des élections purement démocratiques.
Quand « Papa Doc » remporte les élections, Yvonne ne s’avoue pas pour autant vaincue, dans un climat des plus despotiques, elle critique le gouvernement du président en place, dans la dernière parution de son journal, son article « Peuple à genoux attends ta délivrance » s’élève énergiquement contre une affaire d’arrestation. Elle fera malheureusement bientôt les frais de son franc-parler.
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Yvonne Rimpel: parcours atypique d'une militante féministe haïtienne | Loop Haiti
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