« Mourir en combattant sied mieux au soldat qu’être libre dans la fuite.» (Miguel de Cervantès)
Dès l’âge de sept ans, la vie de Francesca Lamisère, – l’héroïne de mon roman « Mourir pour Vivre ou La Mort pour la Vie » –, bascula complètement. Elle changea comme le ciel automnal: clair le matin, orageux le soir. Pour l’exprimer de manière compendieuse, la vague migratoire,– devenue létale avec le massacre de 1937 de Trujillo –, qui entraina ses parents en République dominicaine, le décès de sa vieille grande tante en charge de son élévation, son ignorance des réflexions de Chrysippe de Soles à propos de l’existence humaine ne lui eurent pas permis d’échapper aux étreintes d’une destinée impitoyable.
Martin Gray, l’auteur célèbre du best-seller « Au nom de tous les miens », coécrit avec Max Gallo, décrit la vie de l’Homme comme un arbre au milieu de la bourrasque : « Elle bascule toujours entre l’ombre et la clarté, l’espoir et le désespoir, la tourmente et la paix.» Celui-ci nous enseigne à ne pas « fuir le vide » qui peut à tout instant s’ouvrir sous nos pas, mais plutôt à le regarder pour le contourner avec intelligence et sagesse.
Ce n’est pas facile pour les êtres humains, fragilisés par les mauvaises circonstances de la vie, de marcher le long de ce « fleuve qui coule vers demain », sans céder à la tentation de se noyer dans les courants de leurs épreuves. Néanmoins, et fort heureusement, il y en a qui ont réussi à enjamber le gouffre de désolation, à planer au-dessus du cratère de désarroi, et qui sont parvenus, finalement, à vaincre l’inexpugnabilité de la fatalité.
Isabelle Filliozat, la psychothérapeute française, écrit : « La vie n’est pas un long fleuve tranquille.» Chacun de nous en fait l’expérience. À cause des chutes et des rapides disposées le long du trajet, la navigation vers la destination ultime des terriens reste sourcilleuse, malaisée, raboteuse et dangereuse. Assez souvent, elle ressemble aux promenades solitaires de François-René de Chateaubriand à la campagne, au milieu de la forêt tapissée de « feuilles séchées », déposées par le vent pleurard sur le sol tourmenté. Certains d’entre nous, fatigués de marquer le pas sur les bruyères de la mélancolie, décident carrément de tout abandonner, de mettre fin au voyage de manière abrupte et violente.
En prenant connaissance de la légende d’Artephius, l’homme qui prétendait découvrir l’élixir miraculeux,capable de prolonger la vie, et qui s’amusait partout à vanter son âge, 2025 ans, la première question qui vient en tête: « Où et comment l’être humain serait-il arrivé à puiser la force nécessaire de vivre toute une éternité dans cette galère de tourmentes, ce laboratoire de maladies, cette vaste plantation de découragements…? Bref, cette factorerie qui génère, multiplie les problèmes de toutes sortes ?»
Il existe des flots de témoignages sur l’expérience de la mort qui emplit la culture populaire. Des milliers d’individus prétendaient qu’ils avaient effectué le voyage dans l’après vie. Et, fait étonnant, ils ne cachèrent pas leurs frustrations d’être revenus sur terre. Des écrivains tels que Dr Raymond Mouy, Jean Markale, Dr Karlis Osis, Dr Erlendur Haraldsson et tant d’autres ont beaucoup exploré le phénomène de « la vie après la mort ». Ainsi que les frères Bogdanoff, Igor et Grichka, décédés de la pandémie du siècle. L’essayiste Rabah Rabhi, que l’on connaît sous le nom de Pierre Rabhi, a tenté lui-même de cerner l’énigme en effleurant le « doute méthodique » préconisé par Descartes. « Je ne sais pas s’il existe une vie après la mort. Mais je me demande s’il en existe une avant la mort », s’interrogeait le défunt cofondateur du Mouvement Colibris?
Pour beaucoup de gens, la mort symbolise la seule porte qui donne accès à la sérénité spirituelle. Cette opinion rejoint la sagesse que l’on puise dans les révélations lucaniennes : « Dieu cache aux hommes le bonheur de la mort afin qu’ils puissent endurer la vie. » Souvent, la mort se présente à l’entrée de notre résidence comme l’ange de délivrance. Plusieurs l’ont même implorée pour qu’elle soit venue en hâte à leur secours.
Il est donc difficile, sauf à quelques exceptions près, pour l’être humain de tenir longtemps sur ce radeau de vicissitudes qu’est la vie. Les intempéries morales et physiques excavent l’esprit et le corps des marginalisés affaiblis, et elles y déposent des lots de malheurs insupportables, susceptibles de générer des cellules tumorales, quasi impossibles à énucléer.
Certaines gens comme Francesca Lamisère, l’héroïne du roman, avaient commencé à porter les stigmates du désespoir même avant l’adolescence. Dans bien des cas, leur psyché n’avait pas produit assez d’étincelles d’énergie pour fortifier leur chair.
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