Trump de retour à la Maison-Blanche. Et aux Affaires étrangères, un ancien sénateur de Floride qui s’est déjà illustré dans des opérations de déstabilisation au Venezuela. À quoi faut-il s’attendre dans ce pays qui dispose des plus grandes réserves de pétrole au monde ? Nous avons interrogé Carolina Escarrá, politologue, professeure à l’Université de Caracas et membre du Parti socialiste unifié du Venezuela fondé par Hugo Chavez et au sein duquel elle travaille au programme de formations.
Marco Rubio a été nommé par Trump comme Secrétaire d’État [ministre des Affaires étrangères]. En 2019, lorsqu’il était sénateur de Floride, Rubio était en première ligne pour tenter de remplacer le président Nicolas Maduro par son principal opposant, Juan Guaido. À quoi le Venezuela doit-il s’attendre avec le retour de Trump et Marco Rubio aux Affaires étrangères ?
Il n’y a rien à attendre de Trump, de Rubio ou même de personnages comme Kamala Harris. Qu’ils soient républicains ou démocrates, les dirigeants des États-Unis veulent juste s’approprier le pétrole et les ressources naturelles du Venezuela. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour nous imposer un président qui se pliera à leurs exigences : soit ce vieil homme, Edmundo González Urrutia ; soit évidemment María Corina Machado.
En 2002, avec le soutien d’agences étasuniennes telles que l’USAID et la NED – connues pour financer des activités de déstabilisation – Machado a créé une organisation internationale, la Súmate. Elle agit en fait comme un Conseil national électoral parallèle pour contester le résultat des urnes. Rappelons que la Constitution vénézuélienne établir cinq pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir citoyen et le pouvoir électoral.
Ces manœuvres de l’opposition soutenue par les États-Unis n’ont pas fonctionné du temps de notre président éternel, Hugo Chavez. Et ça n’a pas abouti non plus avec notre président actuel, Nicolas Maduro. Mais nous savons que les États-Unis n’ont pas abandonné la partie. D’autant plus que Marco Rubio a constamment soutenu l’opposition apatride du Venezuela pour tenter de renverser le gouvernement et accaparer nos ressources. Trump a d’ailleurs évoqué ce rôle durant sa campagne.
Le président Maduro a tendu la main à Donald Trump pour engager des relations diplomatiques loin des hostilités de 2019. Ne penses-tu pas que cette proposition pourrait être acceptée ?
Dans un premier temps, j’ai pensé que c’était peine perdue. Mais le monde n’est plus le même qu’en 2019. Il y a cinq ans, on ne parlait pas de ce que Chavez évoquait déjà de son temps, à savoir « le monde multipolaire et pluricentrique ». La situation est différente aujourd’hui. Il faut tenir compte des évolutions géopolitiques pour répondre à cette question.
Ainsi, le soutien de la Russie au Venezuela s’est bien renforcé ces dernières années. Certes, le Brésil entrave notre intégration aux BRICS. Mais de son côté, Poutine s’est montré ferme pour appuyer officiellement la candidature du Venezuela. Nous avons aussi d’autres appuis dans le monde[1]. Il faudrait donc que Trump et Rubio puissent négocier une intervention au Venezuela. Ils l’avaient fait en 2020, mais notre intelligence populaire a pu la contrer. Vont-ils essayer à nouveau ? Ils pourraient se concerter avec des pays frontaliers du Venezuela comme le Brésil, la Colombie, Aruba ou la Guyane pour organiser une intervention militaire. Ce serait la seule façon pour eux de tenter d’évincer Nicolas Maduro du gouvernement.
Le Venezuela a montré une grande habilité pour sauver la révolution bolivarienne et faire échouer l’opération Guaido à travers laquelle les pays occidentaux avaient reconnu comme président légitime celui qui avait perdu les élections en 2018. Penses-tu que Trump a appris la leçon que le Venezuela lui a donnée ?
Pas du tout (sourire). Pas seulement parce que Trump est Trump, mais aussi parce qu’il a décidé d’appliquer les décisions de son secrétaire d’État. Aux Affaires étrangères, Marco Rubio ne va pas laisser le Venezuela tranquille, ni tout autre pays considéré comme un ennemi des États-Unis simplement parce qu’il ne se plie pas aux volontés de Washington. Il y a aux États-Unis, en Israël et dans d’autres nations qui se sentent supérieures au reste du monde ce sentiment de « destinée manifeste ». Les autres pays devraient suivre leur volonté. Par ailleurs, depuis 1913 et la doctrine érigée par le président Woodrow Wilson, les États-Unis considèrent que toute l’Amérique leur appartient, depuis la Patagonie en Amérique du Sud jusqu’au Canada en Amérique du Nord. C’est l’application du Droit divin. Cette mentalité de supériorité et de domination n’a pas changé. On peut le constater aussi à travers le génocide de Gaza. Les Israéliens ont cette même façon de penser que les États-Unis et les Britanniques. Ils forment une triade.
Source: Investig’Action
3 questions à Carolina Escarrá sur Trump et le Venezuela
Nous avons interrogé Carolina Escarrá, politologue, professeure à l'Université de Caracas et membre du PSUV fondé par Hugo Chavez.
https://investigaction.net/3-questions-a-carolina-escarra-sur-trump-et-le-venezuela/
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