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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


A ne pas rater, 25 novembre, conférence sur l'agriculture en Haïti avec Marc Dufumier

Publié par Elsie HAAS sur 23 Novembre 2009, 10:10am

Catégories : #CULTURE


Agriculture en Haïti, Migration en France, le lien ?

Le CHF ainsi que les ONG de l’Espace de Partenariat Franco-Haïtien (CCFD, AVSF, MDM, AFVP, Défi, Solidarité Laïque, l’Appel, le GREF etc.) vous invite à une conférence débat sur le thème « Agriculture en Haïti, Migration en France, le lien ? ». En présence de Marc Dufumier, agronome, il s’agira d’aller au-delà des idées préconçues, de faire un état des lieux de la situation agricole en Haïti et de la migration haïtienne en France, d’étudier des rapports de causes à effets possibles et de faire se rencontrer acteurs du développement et acteurs des droits des étrangers en France.

Mercredi 25 novembre de 17h30 à 21h, Espace Louise Michel, 42 rue des Cascades, 75020 Paris.

 

On a parlé à plusieurs reprises sur ce blog de Marc Dufumier et de ses réflexions sur le monde rural haïtien.

Ca fait des années que Marc Dufumier explique, analyse, démontre que les agriculteurs haïtiens sont des gens expérimentés mais qui manquent surtout de soutien de la part de l'Etat.

Un exemple de ce qu'il dit :

 

 "En Haïti

Alors, là, en Haïti, on ne peut le nier, il y a de l'érosion. Mais c'est parce que les agriculteurs n'ont jamais pu dégager des revenus suffisants pour acquérir les moyens qui leur auraient été nécessaires pour mettre au point des systèmes de production agricole susceptibles de nourrir une population en croissance rapide. Mais là encore, ne nous y trompons pas : la paysannerie a su faire preuve d'une grande imagination pour inventer de nouveaux systèmes de culture et d'élevage ; le seul problème est qu'ils ont été contraints de le faire sans grands moyens, et donc dans une position défensive à l'égard des aléas climatiques et des risques économiques. Les paysans haïtiens sont des descendants d'esclaves très familiarisés avec l'économie de marché. Leurs ancêtres ont eux-mêmes été vendus comme de vulgaires marchandises. Et après l'indépendance acquise de haute lutte en 1804, ils ont pu cultiver, pendant un certain temps, de la canne à sucre et des caféiers pour le marché international. Mais soumis aux multiples prélèvements opérés par les commerçants usuriers et les gouvernements contraints de payer à la France le prix de leur " indépendance ", les paysans haïtiens n'ont jamais pu, quand la situation démographique l'exigeait, disposer des revenus suffisants pour acquérir les moyens qui leur auraient permis de réaliser des transferts de fertilité organique depuis les zones incultes vers les aires cultivées. Le passage de l'abattis-brûlis à la culture en continue s'est opéré au prix d'un travail toujours plus intense, pour éliminer les " mauvaises herbes, mais sans que la reproduction de la fertilité des sols puissent être correctement assurée.

Mais même comme cela, si vous regardez le champ d'un paysan haïtien, qu'observez-vous ? Dès qu'arrive la première pluie, il sème un peu de tout : du maïs, du sorgho, du haricot, du pois-Congo (une espèce de légumineuse légèrement arbustive) et quelques patates douces ou cucurbitacées rampantes, etc. Cela paraît fouillis et de nombreux agronomes ont qualifié ces systèmes de grappillage. Mais attention : dans le couple maïs-sorgho, si le temps est sec, c'est le sorgho qui l'emporte ; et si la pluviométrie est correcte, c'est le maïs qui s'en sort bien. Bref, quel que soit le temps, on a toujours un petit quelque chose. Les risques de récolte nulle sont infimes. A noter aussi que le sol est déjà tout couvert de végétation quinze jours après la première pluie. Il n'y a plus une goutte de pluie qui tombe directement sur le sol, au risque de provoquer une érosion intense. Rares sont aussi les rayons du soleil qui parviennent à terre ; la plupart sont interceptés par les diverses feuilles superposées et servent donc intégralement à la photosynthèse et à la production de calories alimentaires. Les bactéries qui vivent en synergie avec les légumineuses fixent l'azote de l'air et aident donc à la production des protéines. La ration alimentaire serait presque équilibrée si les paysans n'étaient pas contraints de vendre leurs légumes secs (haricot et pois-Congo), pour acquérir des vêtements, acheter des médicaments ou rembourser leurs dettes.

Ici encore, c'est très savant et cela n'a pas été une invention d'agronomes mais celles de paysans travailleurs. Malheureusement, c'est défensif et ne permet pas d'accroître les productions. Cela permet au mieux d'en maintenir le niveau ; car les conditions économiques sont très dures : pas de biomasse suffisante et absence d'animaux pour la production et les transferts de matières organiques susceptibles de maintenir le taux d'humus dans les sols cultivés.

 Pas si bête le paysan !

Mais pour un agronome du Nord, les paysans n'en font pas moins des choses invraisemblables ! Ils mettent leurs graines de pois-Congo dans les mêmes trous que les semences de maïs. Alors, là, on se dit qu'il va y avoir de la concurrence entre les deux plantes, pour la lumière, l'eau et les éléments minéraux. A la question " pourquoi faites-vous ainsi ? ", la réponse est : " le maïs est mâle, le pois-Congo est femelle. Il faut donc les mettre dans le même lit pour que ça se féconde ". Risible ? Oui, à première vue ; car l'agronome sait bien que le maïs a ses propres fleurs mâles et femelles, et que chaque fleur de pois-Congo est à la fois même et femelle. Et on n'a jamais vu le pois-Congo fécondé par du maïs ! Si donc on veut jouer au technocrate méprisant, il suffit de dire que ces idiots ne connaissent rien à la botanique et refuser de porter attention à de tels propos. Mais je m'arrête là : car le problème est qu'ils ont raison. On a fait l'essai

Il nous fallait faire la comparaison des deux méthodes (semis dans les mêmes trous et dans des trous séparés). Car lorsque c'est toute une société qui parle ainsi, il faut la prendre au sérieux. Toute société a créé ses propres codes, des tabous, un imaginaire, une forme d'enchantement du monde [qui répond au désenchantement du monde que critique Max Weber], jusque dans l'éducation sexuelle des enfants. On nous objectera que c'est " traditionnel " ; et c'est vrai. Mais si cela dure depuis des siècles, et si les gens ne rejettent toujours pas la pratique, c'est que, peut-être, c'est efficace.

On a donc fait l'expérience : effectivement, lorsque les graines sont semées dans le même trou, le maïs fait d'abord de l'ombre au pois-Congo. Ce dernier développe moins vite sa partie aérienne mais davantage sa partie racinaire. Ainsi, au moins, le pois-Congo ne fait pas d'ombre au maïs et ne provoque aucun effet dépressif sur le rendement du maïs. Pour ce qui est des racines, le maïs a un enracinement fasciculé, le pois Congo a un enracinement pivotant ; ils sont donc complémentaires. De plus, en pleine saison des pluies, la concurrence pour l'eau n'est pas exagérée. Après la récolte du maïs, au moment où la saison sèche approche, le pois Congo se retrouve en plein soleil. Mais comme il a pu développer sa partie racina ire, il peut trouver de l'eau en profondeur et résiste bien à la sécheresse. Il y a donc encore de la photosynthèse pendant deux à trois mois après la fin de la saison sèche. Mais si on met les graines dans deux trous séparés, le pois Congo fait de l'ombre au maïs et diminue son rendement. Et comme il n'a pas développé suffisamment ses racines, il ne peut guère résister à la saison sèche : Rendement dérisoire !

J'ai appris la vraie agronomie auprès des paysans. Les concepts scientifiques m'ont sans doute aidé à mieux comprendre leurs pratiques et à interpréter ce qu'ils m'ont dit, à leur façon. Mais Il faut toujours être à leur écoute et en terminer avec cette prétention à vouloir imposer de l'extérieur des solutions standards.

Voir http://www.ogmdangers.org/action/cr_conference/Dufumier_02.htm

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