Dany Laferrière: le modèle parfait de l'anti Québécois *
Par Andrée Ferretti --- L'homme a confiance en lui et a l'audace de sa colossale ambition. Même s'il a vu le jour en Haïti, pays malheureux s'il en est, il sait depuis toujours qu'il n'est pas né pour un petit pain. Autrement dit, il est d'un peuple libre qui n'a aucune notion de la résignation, qui n'éprouve aucun sentiment d'infériorité à vivre aux crochets de la charité universelle, sachant d'instinct qu'il est une source de richesse pour les organisations qui président à ses incessants besoins de renflouement. Mieux, d'un peuple qui se soucie comme de sa première chemise du regard que pose le monde sur lui.
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Je ne me suis intéressée qu'à cette intro - carrément malveillante- dans son instrumentalisation des déboires du peuple haïtien pour attaquer l'écrivain.
Dans les cénacles littéraires les polémiques sont légion. A droite comme à gauche. Dans tous les pays.
C'est normal qu'il y en ait qui ne soient pas satisfaits, qui soient envieux et irrités pour différentes raisons. C'est le jeu, rien de nouveau. Faut voir les querelles entre Hugo et ses contemporains pour avoir une idée que dans ce monde là, on ne se fait pas de cadeau et que ce n'est pas nouveau.
Ici, Mme Ferretti n'attaque pas Dany Laferrière directement.
Ce qui est franchement dégoutant, je dirais même vicieux, c'est qu'elle passe par l'expression de son mépris pour le peuple haïtien pour le toucher.
M. Anthony Phelps avait, à un certain moment, prié ses anciens collègues de Radio Canada d'arrêter d'accoler "le pays le plus pauvre de l'hémisphère ouest" à chaque fois qu'ils citaient le nom d'Haïti. Il en avait profité pour leur rappeler que c'était en partie, grâce à des enseignants haïtiens chassés de leur pays par une dictature, par ailleurs soutenue par le Canada et les autres pays amis d'Haïti, que le Québec avait pu mener à bien sa réforme de l'éducation.
Comme d'hab, les toujours et mêmes personnages du Granlakouzen, avec la Madone des Zen devant la bande lui étaient tombés dessus. Oh la la, il n'aurait pas dû dire ça. Ca va fâcher les Canadiens qui, après tout, auraient pu ne pas accueillir ces exilés haïtiens.
Faut quand même pas déconner.
Le Quebec, 1) à ce moment de son histoire avait besoin de ces Haïtiens- là, comme la RD a eu besoin des coupeurs de canne. 2) Si le Canada avait mené une politique contre la dictature- et non pas pratiqué le même laisser faire (avec appréciations du jury) que ses alliés français et étatsuniens, les Haïtiens lettrés et diplômés seraient restés dans leur pays où ils auraient pu transmettre leur savoir à une jeunesse à laquelle cet enseignement a grandement manqué. Et dont on voit, 50 ans plus tard les répercussions de ce manque, de cette rupture phénoménale avec le savoir, de cette immersion dans le "faire noir" pendant 30 ans avec ce que L. Péan a justement dénommé " la pénurie intellectuelle". VOIR Dany Valet de Vision 2000 promeut le "briganday"
En fait le Québec s'est rempli alors qu'Haïti se vidait. C'est le peuple haïtien qui a souffert de cet exil des cerveaux. Comme il a souffert de l'abandon de la production nationale de vivres, par le fait que ses dirigeants- soutenus par le Canada, entre autres- préféraient l'expédier de l'autre côté de l'île pour faire prospérer la RD et son business touristique dans lequel ces pays ont fortement investi.
Par ailleurs, Mme Ferretti, devrait savoir que le peuple haïtien, n'a pas demandé que les plans néo-libéraux lui tombent sur la tête et le mettent à plat comme un pneu dégonflé. Au contraire, si elle suivait un tout petit peu l'histoire récente de ce pays, elle verrait que le peuple haïtien justement est celui, parmi ceux des Amériques et des Caraïbes, qui a le plus résisté à l'implantation de ces plans, dénommés par lui "plans de la mort".
C'est parce que, précisément, ce peuple refusait de tomber dans la "mendicité", dans la dépendance à l'aide, c'est pour briser cette résistance que son gouvernement canadien, fidèle à sa ligne politique réactionnaire, lui a programmé en 2004 un nième coup d'Etat sous la houlette de M. Coderre, récemmment élu maire de Montréal. Ce n'est un secret pour personne, sauf pour Mme Ferretti.
Avant d'insulter gratuitement le peuple haïtien, Mme Ferretti devrait commencer par poser un certain nombre de questions aux élites politiques et économiques de son pays.
Pourquoi avoir soutenu la dictature des Duvalier ?
Pourquoi avoir ouvert vos portes dans les années 1960 aux lettrés haïtiens ?
Pourquoi les touristes québecquois abondaient en Haïti pendant la période paradisiaque de la dictature, alors même que bon nombre d'exilés y étaient interdits de séjour ?
Pourquoi les entreprises canadiennes, comme Gillian, se sont-elles installées en Haïti pour faire fabriquer leurs T-Shirts ?
Pour aider les Haïtiens ?
Pourquoi Martelly et sa gang de duvaliéristes maquillés en rose ont-ils été placés au pouvoir en Haïti ?
Dans l'intérêt du peuple haïtien dont 700 000 électeurs ont voté pour lui ?
Pourquoi, actuellement, le Canada mène des tractations secrètes avec le gouvernement haïtien pour l'exploitation de son sous-sol ?
Elle pourrait leur demander, aux élites de son pays, si c'est par amour pour le peuple haïtien- ce qui semble ne pas être le cas, vu le peu d'estime dans lequel Mme Ferreti le tient- qu'elles s'immiscent depuis si longtemps et avec une telle constance dans les affaires intérieures haïtiennes.
Il se pourrait que, grâce aux réponses données, l'écrivaine-philosophe, adopte une différente approche du peuple haïtien, dont elle ne semble pas comprendre la teneur des réalités politico/économiques auxquelles il est enjoint de se soumettre ou de partir pour aller chercher la vie ailleurs.
Laissons-lui, par fair play, l'excuse de l'ignorance. Nous savons que les média taisent les dessous des cartes - quoique pour une philosophe elle paraissse bien mal-informée...
Disons que la pénurie intellectuelle, ce n'est pas seulement chez les lettrés haïtiens qu'elle sévit...
Mais là où nous ne trouvons aucune, mais aucune excuse à Mme Ferretti, c'est d'avoir introduit dans un règlement de comptes entre elle et Laferrière, le peuple haïtien, dont M. Laferrière lui-même, n'a jamais prétendu qu'il en était, dans quel que domaine que ce soit, l'ambassadeur ou le miroir.
Et le (peuple) "qui se soucie comme de sa première chemise du regard que pose le monde sur lui" vous dit madame, que ce regard est celui fabriqué par la politique de soutien au statu quo de votre gouvernement; et par la collaboration de vos media à cette manufacture de domination économique, de charité chrétienne mais néanmoins rentable (on ne se refait pas) et de condescendance avec une petite pincée de racisme pour agrémenter la mauvaise sauce- comme présente dans votre prose.
Mais ça, c'est la mode ici en France: on n'est jamais, il semblerait, plus rebelle que quand" on dit tout haut ce que les autres pensent". Et que donc, quand on brandit son racisme et crache son mépris.
Et nous savons qu'au Québec imiter Paris, être en phase avec les écrivains et réacs et médiatisés, c'est un must. Arriver à les dépasser sur leur propre terrain, c'est l'orgasme assuré.
Eh bien, on vous souhaite bien du plaisir Mme Ferretti - sans vous fatiguer...
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