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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Bon Plan littérature, hommage de Stanley Péan à Jacques Stephen Alexis

Publié par siel sur 14 Septembre 2011, 09:40am

Catégories : #CULTURE

En fouinant sur le net, j'ai découvert ce texte de Stanley Péan

 qui a également un bloglink

 

qui témoigne de son admiration pour Jacques Stephen Alexis

dont, je vous le rappelle, cette année marque le 50ème

anniversaire de son assassinat par les Duvalier et leur clique

 

J'éprouve, quand je lis Alexis

-de la joie, pour le soleil et  la chaleur de ses  mots même quand ils sont gris :

 "...Port-au-Prince, baignait dans un jus ultra-marin, une vraie soupe de calalou-djondjon."


-de la fierté, l'élégance de cet enfant d'Haïti

qui nous parle avec délicatesse et générosité des miséreux du pays,

"


-de la tendresse pour la fragilité  et la solitude de l'homme

sensibles  derrière le pari  de vouloir  à  tout prix  faire coïncider

ses idées et  ses actes.

 

-de la tristesse et de l'amertume face au gachis de cette  jeune vie enlevée par des voyous incultes.


-de la colère à la pensée que les assassins de cette belle âme humaine

ont réinvesti, depuis 2004, tous les rouages de l'Etat.

 

Quelque part, le destin d'Alexis me fait penser à celui du Roi Christophe.

Venu trop jeune dans un monde trop vieux.

Moi aussi tout comme Stanley Péan, je me sens toujours en deuil de Jacques Stephen Alexis.

 

 

Hommage de Stanley Péan

Le Vieux Vent Caraïbe porte l’écho de bien des rumeurs au sujet de Jacques-Stéphen Alexis. On sait que cette étoile filante des lettres haïtiennes, né le 22 avril 1922 dans la ville des Gonaïves, était le fils du journaliste et romancier Stéphen Alexis [1889-1962], fondateur du journal L’Artibonite et auteur du roman Le Nègre masqué (1933). Aux antipodes de ces sanmanman, dont les méfaits ternissent l’histoire de mon amère patrie, Jacques-Stéphen Alexis aurait pu se réclamer de nombreux pères et parrains. La légende l’inscrit par sa mère dans la filiation directe de Jean-Jacques Dessalines, premier chef d’État haïtien, qui proclama l’indépendance aux Gonaïves justement, le 1er janvier 1804. Et l’on sait aussi l’influence considérable qu’exerça sur lui son aîné Jacques Roumain [1907-1944], initiateur du roman haïtien moderne en quelque sorte, dont le célèbre Gouverneurs de la rosée compte parmi les chefs-d’œuvre de la littérature francophone.

Inscrit à dix-huit ans à la Faculté de médecine de Port-au-Prince, le futur maître à penser du « réalisme merveilleux » en Haïti se fait remarquer avec un essai sur le poète Hamilton Garoute. Militant actif dans des organisations étudiantes, Alexis fonde, avec quelques condisciples, La Ruche, un groupe très marqué par les Surréalistes, qui s’est fixé pour mission l’avènement d’un printemps littéraire et social et la chute du gouvernement corrompu d’Élie Lescot. C’est à cette époque, au milieu des années quarante, qu’il fait paraître ses fameuses « Lettres aux hommes vieux » qui ébranlent l'opinion publique et contribueront à provoquer la révolution de 1946, au terme de laquelle tombera le régime Lescot. Leaders étudiants de cette révolution, Jacques-Stéphen Alexis et son contemporain René Depestre sont éloignés du pays.

Poursuivant ses études de médecine à Paris, Jacques-Stéphen Alexis participe au Premier Congrès des écrivains et artistes noirs en 1956 à La Sorbonne, avec une conférence historique sur le « réalisme merveilleux des Haïtiens ». Au pays natal, il a déjà acquis au sein de l’intelligentsia haïtienne une réputation d’écrivain de tout premier plan, notamment grâce à Compère Général Soleil, ambitieuse fresque historique et illustration de sa théorie qui révèle à la fois l’influence du Cubain Alejo Carpentier et de Jacques Roumain (qu’on reconnaît sous les traits du personnage du gauchiste Pierre Roumel). Suivront Les Arbres musiciens (1957), chronique de la croisade « anti-superstitieuse » menée conjointement par le gouvernement Lescot et le clergé catholique contre le vodou et ses adeptes ; L'Espace d'un cillement (1959), premier volet d’une pentalogie, hélas! inachevée, sur les cinq sens ; enfin, Romancero aux étoiles (1960), un recueil de contes et de nouvelles, dont l’une m’a inspiré certains éléments de mon roman Le Tumulte de mon sang (1991). Tous publiés chez Gallimard, les livres d’Alexis témoignent de son amour proprement charnel pour son pays, pour son peuple et pour la langue française, de son engagement humaniste indéfectible et de son attachement à ce qu’il appelait la « grande amour humaine ».

Il va de soi, pour moi, d’idolâtrer Jacques-Stéphen Alexis, dont l’écho des exploits est parvenu jusqu’à mes oreilles d’adolescent haïtiano-québécois élevé au Saguenay, comme quoi le Vieux Vent Caraïbe souffle là où bon lui semble. Il est facile de vénérer l’écrivain doublé de l’homme d’action qui fonde et dirige le Parti d'Entente Populaire, une formation politique qui s’oppose au sanguinaire régime de François Duvalier. Au fil de ses va-et-vient entre Haïti et l’étranger (Union Soviétique, Chine, etc.), Alexis cherche des alliés politiques pour organiser la lutte contre le dictateur. Après une escale à Cuba, il débarque clandestinement en Haïti avec quelques complices, mais il est vite capturé, torturé et probablement assassiné sans qu'on n'ait jamais pu rassembler avec certitude les circonstances de sa mort. Il n’avait que trente-neuf ans.

J’admire aussi Alexis pour sa carrière fulgurante, pour la rigueur de sa pensée esthétique et politique et pour son destin héroïque. Mais je dois reconnaître avec le recul qu’Alexis trop jeune martyr vaut infiniment moins qu’un Alexis qui aurait atteint son plein potentiel d’écrivain et de personnage historique. Je reste inconsolable de cette tragédie qui a ravi à Haïti et au reste du monde cet homme droit, profondément épris de la vie, de la justice, de la solidarité. Ils sont toujours trop peu nombreux de cette trempe ; d’où l’inexpugnable sentiment de deuil qui m’étreint encore aujourd’hui quand le Vieux Vent Caraïbe chuchote son nom à mon oreille…


Stanley Péan
 
Extrait de Compère Général Soleil

« La nuit respirait fortement. Il n'y avait pas de monde dans la cour. Pas un chat. Alors cette ombre plus noire que la nuit joua des pattes, tel un coryphée papillonnant. L'ombre lissait son corps dans le devant-jour, par à-coups, telle une puce.

Cette nuit-là, le vieux faubourg était bleu-noir. Tout le quartier Nan-Palmiste, qui pourrit comme une mauvaise plaie au flanc de Port-au-Prince, baignait dans un jus ultra-marin, une vraie soupe de calalou-djondjon. Des voiles violâtres, annonciateurs d'aurore, plaquaient le ciel d'ébène. Et l'homme d'ombre ondulait, se lissait, faufilant à pas pressés dans la cour. Le devant-jour était frais, très frais ; les masures semblaient presque roses.

'Non..., non, pas un homme, pas une chatte !', songea Hilarion. Il rit, et ses dents marbres luirent dans l'ombre.

Ce nègre était presque nu, presque tout, tout nu. Un nègre bleu à force d'être ombre, à force d'être noir.

Il continuait d'avancer.

Une frisée, une chouette-frisée, ricana sinistrement sur la nuit. Le nègre trembla à ce signe de mauvais augure ; tous ses cheveux tressaillirent, mais il continua. Hilarion, en effet, n'avait pas son bon ange, il songeait si fort, que les réflexions sortaient tout haut de sa bouche. Hilarion parlait tout fort dans la demi-nuit. Tout haut, comme les fous, dont la bouche n'a point de paix.

Car, il ne faut qu'une petite miette, pour qu'un pauvre malheureux devienne fou. La misère est une femme folle, vous dis-je. Je la connais bien la garce, je l'ai vue traîner dans les capitales, les villes, les faubourgs de la moitié de la terre. Cette femelle enragée est la même partout. Par elle, dans les haillons de tous les crève-la-faim, il y a un poignard d'assassin, ou de fou, c'est la même chose. Femelle enragée, femelle maigre, maman de cochons, maman de putains, maman de tous les assassins, sorcière de toutes les déchéances, la misère, ah ! elle me fait cracher !»
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Source : Blog Gwadiary - La gwada et moi
 

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