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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Cette « école française » de la guerre contre-révolutionnaire

Publié par siel sur 19 Décembre 2013, 16:55pm

Catégories : #INTERNATIONAL

Mustapha Benfodil
Malika Rahal. Historienne du temps présent

Sollicitée par nos soins pour décrypter le « cas » Aussaresses, Malika Rahal, historienne, chargée de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent (CNRS), mettra, avant tout, en exergue la complexité du personnage.

 

« La figure du général Aussaresses, témoin rare de l’usage de la torture et des méthodes contre-insurrectionnelles durant la guerre d’indépendance, me semble finalement assez complexe. D’une part du fait de la personnalité de l’homme : il existait chez lui une dimension bravache et ‘‘plastronneuse’’ (…) qui jette une ombre de suspicion sur son témoignage. Compte tenu des relations entre les officiers parachutistes, et notamment entre Paul Aussaresses et Jacques Massu, il n’est pas entièrement à exclure, à mon sens, qu’Aussaresses ait endossé des responsabilités et des actes revenant à d’autres. (…) Mais sur le fond, cette répartition des responsabilités ne change rien, et l’éventuel “serment de silence” entre eux ne recouvre désormais que les cas individuels – même s’ils sont parfois infiniment douloureux », analyse-t-elle.

 

L’auteur de Ali Boumendjel, Une affaire française, une histoire algérienne (Barzakh, 2011) dissèque avec précision le dispositif politico-militaire qui a engendré la machine répressive incarnée par Aussaresses : « Ses mémoires confirment de l’intérieur le mécanisme de la répression — notamment durant la « Bataille d’Alger » tels qu’ils ont été décrits par les historiennes Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche.

 

Et le tableau est accablant : l’armée joue le rôle qu’on lui demande de jouer dans les guerres contre-révolutionnaires, elle agit en contravention de tous les principes démocratiques de fonctionnement de la justice et de contrôle du pouvoir civil sur le pouvoir militaire », observe l’historienne, avant d’ajouter : « Et l’on en sait beaucoup plus grâce à lui sur l’existence et le fonctionnement de ce qu’on a appelé un ‘‘escadron de la mort’’, la façon dont les parachutistes liquidaient leurs détenus par dizaines ». Malika Rahal revient ensuite sur le deuxième acte de la vie d’Aussaresses : son récit. Le tortionnaire se met à écrire et se fait l’apologiste de ses propres crimes. Et cela fait désordre.

 

Perversité du tortionnaire

Elle rappelle comment la publication des Mémoires d’Aussaresses lui ont valu une condamnation alors qu’il jouissait de l’impunité la plus totale, « du fait des lois d’amnistie », pour les atrocités qu’il avait commises. « Il est donc — faute de mieux — poursuivi pour avoir parlé. Il y a à cela un effet pervers », relève la chercheuse du CNRS.
Pour la petite histoire, Malika Rahal avait tenté d’interviewer Aussaresses. Voilà comment cela s’est terminé : « Je travaillais lors de son procès sur la biographie de l’une de ses victimes, l’avocat du FLN Ali Boumendjel. Une fois la condamnation d’Aussaresses confirmée en appel, il a définitivement refusé de me parler. Peut-être le procès aura-t-il servi de leçon à d’autres qui auraient pu vouloir parler, les encourageants plus encore au silence ? » Le récit d’Aussaresses, souligne l’historienne, renvoie forcément au débat sur la torture « initié par l’intervention de Louisette Ighilahriz, animé par les journalistes du Monde et de L’Humanité, qui secoue la société française profondément ».


Elle précise que « cette fois, les révélations étaient nombreuses et installaient durablement le thème : le rôle de pédagogue des méthodes contre-insurrectionnelles à Fort Bragg (plus grande base d’entraînement pour les forces commandos au monde, située en Caroline du Nord, ndlr) joué par le général Aussaresses révélait qu’il existait une ‘‘école française’’, avec des ramifications jusque dans les régimes dictatoriaux d’Amérique latine ».

 

Malika Rahal insiste sur le fait que le personnage, si exubérant soit-il, ne doit pas occulter la responsabilité du pouvoir politique qui a couvert ses crimes 

 

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