Première impression : malaise
Deuxième impression : angoisse
Troisième impression : alarme
Malaise à cause de son ton sinistrement monocorde, celui d'une élève à laquelle on a donné un texte à lire.On aurait presque pitié du personnage qu'elle joue.
Angoisse à cause d'un sentiment diffus de "déjà vu" dans les propos qui disent tout le contraire de la réalité. Mieux, qui reportent sur les autres les dérives mêmes du pouvoir Tèt Kale.
Cette inversion, ce déni de réalité nous plonge dans le monde de Kafka. Ou encore de celui du roman de George Orwell 1984 dans lequel la population d'un pays est soumise à une amnésie collective grâce à une manipulation de la langue (la guerre devenant la paix par exemple) et de l'Histoire ( la dictature devenant la démocratie par exemple).link
Duvalier Jean-Claude accompagné de ses potes militaires et macoutes.
Alarme parce que ce sentiment de "déjà vu", en dehors de la référence au monde de la littérature occidentale, ramène au monde réel et cruel des 2 Duvalier.
En effet, vous pourrez en visualisant les vidéo du père et du fils, retrouver dans leurs discours cette stratégie de la propagande mensongère en toute tranquilité et sur ton monocorde également.
Fond et forme sont comme un copié/collé.
Les techniques de manipulation sont identiques :
-désignation de boucs émissaires, (l'opposition)
-menaces et intimidations latentes,(attention ! Nous sommes gentils mais nous avons de quoi vous mater)
-dénégation de toute responsabilité dans les événements ( Maître Michel n'est pas l'avocat de celui qui a porté plainte contre l'épouse et le fils du président, mais un simple délinquant- qui défie la justice -évidemment pas comme Calixte Valentin présumé assassin d'un jeune homme)
- attribution d'un satisfecit au pouvoir( tout ce que nous entreprenons est Bien et pour le Bien de la population)
- agitation de la peur ( attention ! les kidnappings peuvent revenir - à croire que la rumeur qui attribuait au secteur des Ninjas, des Gregory Brandt, des Guy Philippe, Chamblain les actes criminels perpétrès avant le départ d'Aristide, n'était pas sans fondements . D'ailleurs un rapport passé sous silence montre que la majorité des actes délictueux commis par les gangs des quartiers populaires ont été financés par le secteur de la bourgeoisie)
Carnaval de 1986. Représentation de Tontons macoutes à l'effigie du père Sicot.
On peut craindre que la majorité des Haïtiens passe à côté de ce que ce discours contient comme menace contre leurs droits recouvrés en 1986. Dans la mesure où, à l'inverse de ce qui se passe en A. Latine, le travail de mémoire dont fait partie le décodage des outils de propagande de la dictature des 2 Duvalier a été écarté au profit d'une sorte d'alzeihmer collectif. On sait pourquoi : trop de collaborateurs dans les hautes sphères de la société.(Comme en Espagne post-franquiste par exemple)
Ainsi, il sera très difficile pour les Haïtiens de comprendre qu'il y a une concordance de momentum entre la loi prise par la Cour Constitutionnelle de la RD et le retour de l'extrême droite à la tête du pays. Il ne s'agit pas de hasard. Le moment a été bien choisi parce que les accointances, entre les tenants de cette idéologie des 2 côtés de l'île qui ne sont plus à démontrer, offraient cette ouverture.
Martelly et Cinés ambassadeur d'Haïti en RD depuis 2004
On peut même aller plus loin, en pensant que le choix de Cinéas par Latortue comme ambassadeur d'Haïti en RD- choix dénoncé, pour complicité sous les Duvalier avec la "marchandisation" des paysans, par des intellectuels de la RD, mais pas par ceux d'Haïti- s'inscrivait dans cette problématique et représentait un pas en direction de cette "dénationalisation" des Haïtiens nés et vivant en RD depuis 1929.
Il faut rappeler qu'à partir de 2004 les chiffres des échanges économiques -au profit de la RD- se sont accrus jusqu'à atteindre des pics à partir du séisme avec les contrats de construction.
Jamais le pays n'avait été aussi dépendant de la RD - si ce n'est pendant la période du coup d'Etat de 1991 à 1994 et, là encore, ça ne s'est pas fait sans programmation. Et, c'est précisément au cours de cette période où Haïti devient le 2ème partenaire économique de la RD qu'est prise cette mesure agressive et humiliante contre les descendants d'Haïtiens, et par là même contre Haïti.
L'humiliation, comme je ne cesse de le répéter sur ce blog, joue un rôle très important dans les relations du monde extérieur avec Haïti. Un truc que Chavez avait bien compris et qu'il essayait de réparer. Galeano, de son côté en parle très bien de ces offenses systématiques et continues, Chomsky aussi...bref tous les intellectuels conscientisés qui ont étudié cette histoire.
Humiliation, qui va du harcèlement contre son économie, jusqu'à celui contre sa population, sa culture. E,t bien évidemment, son histoire. D'où mon animosité revendiquée (pas à vie mezanmi, en attente de leur mea culpa) à l'encontre de la frange de gens aliénés, dépourvus d'empathie, de dignité, à l'esprit puéril, revanchard, qui ont eu la prétention, l'outrecuidance de vouloir réécrire l'histoire d'Haïti en boycottant la commémoration des 200 ans de son indépendance.
En 2004, Chamblain et ses mercenaires venus de la RD
Ces révisionnistes, qui allaient jusqu'à clamer dans les média de France et de Navarre que la "dictature " d'Aristide était pire que celle de Duvalier et que, par conséquent, il fallait le "punir" en boycottant la commémoration et en invitant les troupes de l'ONU à venir "pacifier" le pays,- comme si Aristide était à lui seul tout le pays et en portait seul le poids de l'histoire- portent une lourde responsabilité dans cette loi, qui se situe au même niveau d'indignité dans le révisionisme, que leurs "gouyades" de 2004 auxquelles participaient activement l'actuel président de la République.
Ce sont les jeunes que, du haut de leur droit d'ainesse et de leur notoriété, ils ont entrainé à leur suite, qui se retrouvent aujourd'hui dans un marigot, dont ils se plaignent avec force gnan, gnan, d'être forcés de parler, quand ils sont invités dans leurs rencontres littéraires en France. En 2003/2004, ils "capitalisaient" sur la situation politique d'Haïti. Maintenant, il s'agit d'un "regard biaisé". Voirlink
Haïti, ce n'est pas ça.
Néanmoins, peuple haïtien, comme disait Toto Bissainthe dans une de ses chansons " Haïti, la route est longue... Haïti respire..."seul le peuple peut sauver le peuple. Ne laisse à personne le droit de te désigner des boucs émissaires.
Jacques Roumain fut emprisonné en France pour s'être élevé contre le massacre perpétré par Trujillo. Il nous montre, encore une fois, la route.
Voici notre Haïti.
Pour lui, pour tous ceux qui se sont battus pour faire de ce pays une terre libre, en mémoire des Indiens génocidés auxquels les hommes et femmes qui ont fait l'indépendance ont donné à ce pays un nom indien, en mémoire de toutes celles et ceux assssinés par le gouvernement de Trujillo, en mémoire de toutes celles et ceux qui depuis 1929 ont donné leur sang, leur sueur et leurs vies à la RD, pour nous autres, faisons en sorte sans haine, dans l'intelligence et la créativité de courtcircuiter le projet mortifère des Tèt Kale, avatars roses du duvaliérisme et de prendre ensemble le chemin de la reconnaissance.
Il nous faut apprendre, non pas à "dechouke" des hommes, mais à "dechouke" l'indignité d'un système.
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