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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Gouvernance et développement économique (2 de 5) Par Leslie Péan

Publié par siel sur 1 Juillet 2014, 09:05am

Catégories : #L.PEAN chronique

Par Leslie Péan, 18 juin 2014

La centralisation excessive de l’autorité au Palais national autour du Président de la République a aussi conduit à l’effritement des pouvoirs des autorités locales. L’anarchie régnante au niveau de la gouvernance a causé des comportements irresponsables tant au niveau des autorités qu’à celui des populations qui coupent les arbres pour cuire leurs aliments, ne respectent pas les normes minimum d’assainissement et construisent des taudis sur les flancs des montagnes, généralisant la bidonvilisation à travers le pays. Ainsi, la capitale est passée de 140000 habitants en 1950 à près de 3 millions d’habitants aujourd’hui. La déforestation et l’érosion qui s’en suivent conduisent à des inondations et à une catastrophe écologique. En moins d’un siècle, la couverture végétale qui était de 60 pour cent en 1923 a diminué à moins de 2% de forêts en 2012. L’industrie du charbon de bois avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 700 millions de dollars[i] et dans lequel travaillent plus 200 000 personnes offre une solution à moyen terme dans un environnement caractérisé par l’absence d’une gouvernance éclairée.

Monnaie

Enfin la mauvaise gouvernance est patente au plan de la politique monétaire. La mauvaise gouvernance de Papa Doc s’est particulièrement fait sentir au niveau de la politique monétaire désastreuse de la Banque Nationale de la République d’Haïti. Dans un une-deux de passes courtes durant la décennie allant du 25 octobre 1960 au 10 octobre 1970, Hervé Boyer et Clovis Désinor qui ont été les deux ministres des finances de l’époque, ainsi qu’Antonio André, PDG de la Banque nationale, avaient pour principal souci de ne pas déplaire à François Duvalier. Sous leur gouverne, les réserves de changes du pays ont fondu complètement et sont même devenues négatives. On se souviendra que la Convention de 1919 entre Haïti et les États Unis assujettissait la parité fixe de 5 gourdes pour un dollar au maintien de réserves de devises totalisant 30% de l’émission monétaire. Au milieu des années 1960, le montant des réserves de change affiché au bilan consolidé du système bancaire était négatif. La dégringolade de la gourde avait ainsi commencé !

Quel meilleur exemple des effets néfastes d’une mauvaise gouvernance surla valeur de la monnaie nationale et par voie de conséquence sur le développement économique. À la date du 18 juin 2014, le taux de change a franchi la barre des 45 gourdes pour un dollar américain. Les agents économiques continuent d’afficher une préférence pour le dollar comme réserve de valeur[ii]. En effet, au cours des trois dernières années, soit de septembre 2011 à septembre 2013, le taux moyen de dollarisation des dépôts dans le système bancaire est de 60.1% tandis que celui des prêts est de 51.8%. Les mesures prises pour tenter de soutenir la valeur de la gourde se sont révélées sans effet et la dollarisation de l’économie nationale continue. Les interventions de la banque centrale sur le marché des changes n’ont pas pu empêcher la détérioration du taux de change.

Haïti, un cas très particulier

La reproduction en note en bas de page de l’intégralité de la déclaration de James R. Clapper en anglais n’est pas pour donner le vertige. Elle est plutôt faite à l’intention des personnes intéressées à conduire une analyse plus fine des résultats auxquels est arrivée la communauté du renseignement de la plus grande puissance mondiale sur le cas très particulier d’Haïti. L’accent mis par les 16 agences composant la Communauté du Renseignement Américain sur les rapports entre gouvernance et développement économique constitue un indicateur pertinent de l’importance du sujet. Ce n’est donc pas pour le plaisir d’aborder un thème récurrent dans la rhétorique actuelle que je discute de la question, mais plutôt pour donner tout son sens à une problématique souvent galvaudée même par ceux qui ont théoriquement les moyens de faire autrement. Pour forcer la pensée là-dessus et inviter à porter attention à la gouvernance dans un État fragile. Surtout dans un contexte où la première action d’envergure du gouvernement « élu » en mai 2011 a été d’attaquer le système de gouvernance en vigueur avec les maires élus pour les remplacer par des Agents Exécutifs Intérimaires (AEI) nommés par le pouvoir exécutif.

La gouvernance n’est pas une panacée au-dessus des luttes de pouvoirs et de classe dans une société. Elle est elle-même traversée de part en part par ces luttes. On le voit en clair aux Etats-Unis d’Amérique dans le cadre de la gouvernance du secteur bancaire et financier ou encore dans celui des luttes pour ou contre le système de santé (Obamacare). Dans le premiers cas, le refus de transparence dans la gestion du système bancaire et financier a conduit à la crise mondiale de 2008 et obligé l’État américain à secourir le secteur privé bancaire avec un pactole de plus de 700 milliards de dollars. Comme le dit Simon Johnson, ancien économiste en chef du Fonds Monétaire International (FMI), les États-Unis sont devenus un État captif, c’est-à-dire « un État où les intérêts personnels prennent le pas sur les décisions officielles »[iii]. Dans le second, les milieux conservateurs républicains s’opposent à la réforme du système de santé voulue par le président Obama.

En Haïti, depuis l’époque de l’esclavage, la gouvernance autoritaire a été appliquée avec la politique du fouet. C’est avec le bâton que le colon, par l’intermédiaire du commandeur, gouvernait l’espace de Saint-Domingue. Comme le dit l’autre Pou ti moun dezòd, gen de Ayisyen ki itilize baton, matinèt, rigwaz ak fwèt kòm pwofesè pou fè edikasyon ti moun. Yo pa kwè nan "chita pale pou edike". (Pour les enfants turbulents, certains Haïtiens utilisent le bâton, le fouet fait avec des lanières de cuir comme des instruments d’enseignements pour assurer leur éducation. Ils ne croient pas dans le “dialoguer pour éduquer”). Soulignons rapidement que nos pères fondateurs Louverture, Dessalines et d’autres ont été d’abord des commandeurs. La violence du fouet et du bâton est centrale dans les rapports sociaux avec les effets de subjectivation qui l’accompagnent. Il y a donc une gouvernance par la mort, une « gouvernementalité » pour parler comme Michel Foucault alliant « technique de domination exercée sur les autres et technique de soi »[iv]. La politique du bâton à tout-va n’a pas entraîné la cohésion sociale et elle entretient une gouvernance répressive qui ne cesse de se dévoyer.

La gouvernance de la délinquance

En abordant la question de la gouvernance en Haïti, James R. Clapper a mis l’accent sur le président Michel Martelly au pouvoir depuis Mai 2011. Selon le directeur de la Communauté du Renseignement Américain, les difficultés et obstacles rencontrées par le président Michel Martelly seraient dues, d’une part, au Parlement (en particulier le Sénat) contrôlé par l’opposition qui aurait différé l’organisation d’élection sénatoriales et locales, et, d’autre part, aux attentes insatisfaites de meilleures conditions de vie et d’opportunités économiques. Cette analyse du directeur de la Communauté du Renseignement Américain est erronée et ne reflète pas la réalité. Ce n’est pas l’opposition démocratique au Sénat ou à la Chambre des députés qui a empêché le président Martelly d’organiser des élections législatives, municipales et locales en 2011, 2012 et 2013 pour le renouvellement du tiers du Sénat (10/30), de 140 conseils municipaux et de 570 conseils d’administrations de sections communales (Casec).

C’est plutôt le président Martelly qui n’a pas organisé les élections locales et a nommé plutôt des gens dévoués à sa cause à travers le pays afin de tenter de se constituer une base populaire avec les fonds publics, la corruption et le clientélisme. En effet, le 11 mai 2012, le Ministère de l’Intérieur, dirigé par Thierry Mayard Paul, a publié un communiqué remplaçant les maires élus par des Agents Exécutifs Intérimaires (AEI) nommés par le pouvoir exécutif. Une décision qui été immédiatement dénoncée par le maire Jean-Claude Fignolé, président de l’Association des maires de la Grand-Anse (Amaga). Cette mesure arbitraire du président Martelly est en contradiction avec la Constitution et avec les principes élémentaires de la bonne gouvernance. D’ailleurs les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir sur le plan du développement économique. La France par la voix de son premier ministre Jean Marc Ayraut a immédiatement réagi et a gelé tous les fonds destinés aux projets en attente d’exécution dans le cadre de la coopération décentralisée.

La violation de la Constitution par les pouvoirs de dictateurs et d’apprentis dictateurs pour se faire élire ou réélire est une constante de la gouvernance autoritaire. Les élections ne sont pas libres et transparentes et les organismes chargés de les organiser sont à la solde du pouvoir exécutif. Pendant longtemps, l’armée d’Haïti a joué un rôle majeur dans le choix du vainqueur aux urnes. Aujourd’hui, c’est plutôt à travers le contrôle de la machine électorale et des autorités locales que la fraude électorale s’organise. Ainsi s’explique l’acte fondateur du gouvernement Martelly de remplacer les autorités locales élues par des Agents Exécutif Intérimaires (AEI). De vrais extra-terrestres inventés pour les besoins d’une cause qui ne peut pas dire son nom.

La solidarité entre les maires, du moins ceux de la Grand’Anse, s’est manifestée immédiatement au cours d’une réunion organisée le 15 mai 2012 contre cette optique antiautoritaire. Selon le reportage d’Yvon Janvier,

« Le président de l’Amaga, dont l’opinion a été partagée par toute l’assistance, n’y est pas allé par quatre chemins. Il voit dans cette décision un subterfuge du gouvernement, non redevenu opérationnel alors, pour contourner la pression de l’international qui s’oppose au processus de révocation des maires. Le pouvoir, en changeant ainsi le statut de ceux-ci, veut placer sous sa coupe des agents qu’il peut par la suite remplacer à n’importe quel moment sous un prétexte quelconque. En effet, selon les informations dont elle dit disposer, l’Amaga croit que les communes de Moron et de Chambellan, bastions du député Sorel Jacinthe, opposant au président Martelly, sont les premières municipalités ciblées[v]. »

Suite à cette rencontre de l’Amaga, le président de l’organisation Jean-Claude Fignolé adressera une lettre en date du 16 mai 2012 au ministre de l’Intérieur de laquelle j’extrais le paragraphe suivant :

« L'AMAGA, œuvrant pour le renforcement de la démocratie par celui du processus de décentralisation, souhaite , Monsieur le Ministre, que vous vous arrêtiez a ces remarques brèves et que vous preniez à cœur de rentrer la circulaire incriminée. Et surtout que vous proposiez au nouveau gouvernement d'organiser au plus vite, d'ici à deux mois, les élections municipales aux fins de renouveler le mandat des Maires. S'ils sont encore à leur place, la faute est à qui?[vi] »

En réalité, la délinquance du pouvoir dans ses côtés obscurs a créé des points de rupture à la base bien avant cet arrêté du 11 mai 2012. Au fait, le président Martelly a montré le bout de l’oreille comme l’atteste l’arrêté du 7 Décembre 2011 nommant les six délégués départementaux et celui du 18 janvier 2012 nommant les 39 membres des commissions communales dans 13 communes. Ces mesures arbitraires avaient provoqué de nombreuses protestations, dont celle de la Fédération Nationale des Maires Haïtiens (FENAMH), organisée le 23 février 2012 par son président Moise Charles Pierre, accompagné de 3 maires destitués : M. Alexy Fortuna (commune Estère), M. Marc André Dubois (commune Ennery) et M. Brunel Joseph Métayer (commune Anse-Rouge). Les tensions introduites par l’administration Martelly ont abouti à l’impasse.

Dès le 3 février 2012, Jean-Claude Fignolé, maire des Abricots, avait dû écrire une lettre publiée dans Le Nouvelliste[vii], à Marie Yolène Gilles, Responsable de la plate-forme des droits humains, pour dénoncer les atteintes à sa sécurité personnelle de la part de Norman Wiener, le délégué départemental nommé par le président Martelly. Le cri de Jean-Claude Fignolé a été entendu et nombre d’écrivains ont immédiatement manifesté leur solidarité envers lui. Le pouvoir essaie par la peur de créer l’isolement et de caporaliser les consciences. Le sort fait à Jean-Claude Fignolé et symptomatique de la question sociale en Haïti. Face à un maire qui démontre par des actions concrètes son intelligibilité du « pays en dehors », comme il le fait aux Abricots, le pouvoir se met en quatre contre toute nouvelle éthique génératrice d’autres rapports sociaux.

Cette action à la genèse du pouvoir de Martelly pour étouffer la gouvernance locale venant d’initiatives à la base qu’il ne contrôle pas constitue la dynamique profonde de ce gouvernement. Au fait, le président Martelly est devenu lui-même le jouet de cette dynamique qui le dépasse complètement. Des observations sur les élections locales ont été présentées au gouvernement, mais le président de Martelly a refusé d’entendre. Dans la tradition désuète du présidentialisme absolu, il a utilisé les moyens de la corruption pour acheter les consciences des députés afin que ces derniers lui obéissent aveuglément. Il importe de comprendre que les moyens matériels existaient bien pour organiser ces élections locales et sénatoriales. Le président Martelly a préféré les utiliser pour organiser six carnavals afin d’endormir les consciences. (à suivre)

[i] Anna-Maija Mattila Litvak, « Cooking With Green Charcoal Helps to Reduce Deforestation in Haiti, », USAID, March 13, 2014.

[ii] Haiti: Seventh Review Under the Extended Credit Facility, Requests for Waiver of Nonobservance of Performance Criterion, and Modification of Performance Criteria—Staff Report; Press Release; and Statement by the Executive Director for Haiti; IMF Country Report 14/105; April 29, 2014

[iii] Simon Johnson, « Les États captifs de leurs banques », Le Monde, 2 mai 2014.

[iv] Michel Foucault, « Les techniques de soi », Dits et Ecrits. t. IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 785.

[v] Yvon Janvier, « A, E, I : les maires protestent ! », Le Matin, 21 mai 2012.

[vi] Jean-Claude Fignolé, « Lettre à Monsieur le Ministre Thierry Mayard Paul », Collectif Haiti de France, 16 mai 2012.

[vii] « L'écrivain Jean-Claude Fignolé craint pour sa vie », Le Nouvelliste, 3 février 2012.

1-Clinton et Martelly. 2-Martelly président lors d'une rencontre avec la diaspora. 3- Député mettant un genoux à terre pour glorifier Martelly. 4- Martelly président au cours d'une manifestation publique. 5- Membres du gouvernement rose lors de la commémoration des 2 ans de Martelly au pouvoir.6- premier ministre Lamothe et ministre du tourisme MMe Balmir-Villedrouin et drapeau US.
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