Je lis ceci dans un article faisant une éloge dithyrambique de Radio Kiskeya :
"Les dérives de Fanmi Lavalas entre 2000 et 2003 causant la mise à sac des antennes de la station de Boutiliier..."
Or, Guy Phillipe a avoué publiquement avoir été l'auteur de ce sabotage. Ce qu'il n'a pas dit, c'est que cette action menée de concert avec l'ex-patron de Reporters Sans Frontières passé depuis à l'extrême droite, avait pour unique objectif de lancer une fatwa contre Aristide qualifié de "prédateur de la presse". Par la suite, il était possible de voir exposées des énormes affiches avec le portrait d'Aristide et la mention "prédateur de la presse", sur le parvis de la mairie de Paris. Action médiatique qui autorisait tous les konze et autres réactionnaires boycotteurs de la commémoration du bicentenaire de l'Indépendance d'Haïti, à se présenter comme des progressistes aux yeux du "blan". Parce qu'il était crucial pour les organisateurs du coup, au moment où un Colin Powel traitait de voyous la bande à Chamblain , Grenn-Sonnen, Guy Philippe et par ricochet les gnbistes, de vernir, de roséifier leur coup.
Deux hypothèses en guise de réponse :
1- La technique de propagande : répétez un mensonge mille fois et il deviendra une vérité. Ca, c'est le cas de M. S. Lucas qui persiste à prétendre que c'est Aristide en personne qui aurait requis en 2004 l'intervention de la Minustha. Même si les documents officiels sont là pour le démentir et signalent comme 2 et 2 font 4, que le Premier ministre de l'époque, Latortue l'oncle, a déposé une requête auprès de l'ONU pour cette intervention. Il n'empêche que beaucoup d'Haïtiens à force de voir répéter ce mensonge en ont fait une vérité.
2 - La dissonance cognitive : basez ses actions, pensées, réflexions, comportements sur une certitude et découvrir soudain qu'elle est fausse. Acceptez de reconnaître ses erreurs, signifie une remise en question de la base sur laquelle vous avez construit vos argumentaires et convictions. Et qui questionne votre propre crédibilité en tant qu'acteur reconnu de la société.
La dissonance cognitive est un phénomène très répandu et très vieux. La dissonance survient quand les personnes sont confrontées à une information qui n'est pas cohérente avec leurs croyances
Galilée, le savant italien, a comme vous le savez, été persécuté par l'Eglise catholique pour avoir affirmé, à partir de ses recherches, que la terre tournait. Les pratiquants de la doxa n'entendaient pas que les croyances sur lesquelles se fondaient leur pouvoir puissent être remises en question.
Comme vous le savez, Haïti est un pays extrêmement conservateur, avec des élites rebelles au doute, au questionnement (et aux vérifications, n'est-ce pas). Cette caractéristique étant également partagée par le peuple. On peut dire que ce conservatisme est une dominante socio-culturelle dans laquelle se retrouvent tous les Haïtiens. A l'exception des quelques grenn qui ont, en général, payé cher leur liberté de penser.
Ainsi, entre celui- illettré- qui croit qu'il est possible qu'une vache donne naissance à deux cochons, et celui qui croit, malgré les aveux de Guy Philippe, que Fanmi Lavalas est à l'origine du sabotage des émetteurs de Boutillier, la frontière est menue.
L'un et l'autre répètent, croient, parce qu'en Haïti les mecs font de la politique comme ils vont à l'église. Ils ont la foi. Peu leur importe la réalité des faits. L'important c'est le "voye monte", l' état de transe simulé, comme celui dans lequel se met le pasteur Riché à chacune de ses interventions.
Celui qui croit que la vache a donné naissance à deux petits cochons vous dira que s'il ne l'a pas vu de ses propres yeux, un tel, très fiable `- cela va sans dire- le lui a rapporté.
Celui qui continue comme l'auteur de l'article à imputer à Fanmi Lavalas le sabotage des émetteurs, vous dira, quant à lui, que Guy Philippe a menti. Qu'il a été payé pour le faire (on se demande qui aurait intérêt à payer Guy Philippe - notamment vu le contexte de diabolisation de Fanmi Lavalas- à avouer une telle chose.)
Mensonges répétés et dissonance cognitive forment un couple. Les deux s'inscrivant dans le domaine de la foi, de la croyance aveugle et du déni.
Si vous additionnez : mensonges, foi aveugle et déni, vous avez un cocktail, une "boison" ou un poison de mon point de vue, qui administré à petites doses, provoque lentement mais sûrement : zen, stupidités, insultes grossières, abus, assassinats.
Lesquels ont pour objectif de zombifier les classes moyennes haïtiennes - qui au lieu d'être comme partout ailleurs, un moteur économique, intellectuel et culturel se retrouvent en dessous des masses, lesquelles n'ont pas eu le privilège d'accéder à des études académiques- et au contraire génèrent et entretiennent un Etat de non droit dans lequel le mensonge devient vérité, la guerre la paix, où avoir de l'argent équivaut à respectabilité
Mensonges répétés et dissonance cognitive ont accouché de Martelly et de son groupe de "bandit legal" peinturlurés en rose.
Si M. Guy Philippe avait été interpellé par la justice - comme M. Opont après ses déclarations sur les élections de 2010- le peyi dayiti tout entier aurait eu l'opportunité de se confronter à lui- même, à ses manques, à ses mensonges, à ses fables, à ses contradictions, conflits, mais aussi à ses potentialités que je persiste à penser riches et nombreuses.
La catastrophe du séisme aurait pu amener chacun à prendre conscience de ses erreurs et dynamiser une réflexion orientée vers la sauvegarde du bien commun.
Malheureusement, l'intervention du "roi et de la reine d'Haïti" dans le processus électoral a, au contraire, nourri et renforcé l'irrationnel au sein des classes moyennes, qui sont passées de la diabolisation de Fanmi Lavalas à l'adoration du régime Tèt Kale, parce que soutenu par "le blan".
Or, en physqique on apprend une chose : que le mouvement de balancier d'un pendule quand il s'en va d'un extrême à l'autre peut sembler plein de vigueur mais en réalité n'apporte pas grand chose autre que le chaos.
C'est quand il se trouve au milieu qu'une dynamique se crée.
Pareil en politique.
Radio Kiskeya : la mecque des militants à la démocratie
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