Ce mardi 7 février, Jovenel Moïse deviendra le 58ème président de Haïti. Nombreux et complexes sont les défis qui l’attendent. Mais, au vu de ce qu’il représente, sa présidence a toutes les chances d’enfoncer un peu plus le pays dans un cycle de crises et de catastrophes.
DES DÉFIS PRESSANTS
Haïti est un pays rural, féminin, jeune, dépendant, vulnérable et pauvre. Un peu plus de la moitié de la population est composée de paysans et de femmes. Un Haïtien sur trois a moins de 15 ans, et deux sur trois vivent sous le seuil de pauvreté [1] . Ces caractéristiques dessinent les principaux défis actuels.
En octobre dernier, l’ouragan Matthew a « tragiquement démontré, selon l’ONU, la vulnérabilité du pays à des catastrophes soudaines » [2]. Par sa situation géographique, Haïti est particulièrement exposé aux aléas climatiques. Mais ce qui, ailleurs, se traduit par des dégâts limités, se transforme ici en catastrophe « naturelle ». En cause, la dégradation environnementale, l’absence d’infrastructures et de politiques publiques, le manque d’accès aux logements, aux soins, etc.
De manière générale, l’accès aux services sociaux de base, au premier rang desquels l’éducation et la santé, constituent un enjeu fondamental. L’éducation – globalement, de faible qualité – est à 90% gérée par des structures privées (essentiellement des églises). Alors que sévit l’épidémie de choléra (depuis son apparition, fin 2010, elle a fait plus de 9300 morts et contaminé près de 800000 personnes [3] ) et que l’accès à l’eau potable est problématique, les centres de santé sont rares et manquent de moyens. En réalité, la part des dépenses sociales dans le budget de l’État est la plus faible des Caraïbes, témoignant ainsi d’une sorte d’alliance objective entre néolibéralisme et humanitaire, où les services sociaux sont sous-traités aux ONG et institutions internationales.
Au problème historique des « restavek » – ces enfants, principalement des filles, travailleurs domestiques – que l’Organisation internationale du travail (OIT) apparente à des esclaves modernes [4], vient s’ajouter celui, plus récent, des citoyens dominicains d’origine haïtienne et des migrants haïtiens en République dominicaine. Chassés ou poussés au départ par la mise en œuvre de politiques racistes, ils sont plus de 65000 à avoir passé la frontière haïtienne en 2016. On attend jusqu’à 200000 d’entre eux en 2017 [5]. Non seulement l’État haïtien n’a pas pris la mesure de ce drame, mais il s’en désintéresse.
UN SOMBRE AVENIR
Traditionnels laissés-pour-compte d’un « développement » qui s’est fait sans eux et contre eux, les paysans haïtiens n’ont rien à attendre du nouveau président. Certes, lui aussi, à sa façon, est agriculteur, puisqu’il est le PDG de la première zone franche [6] agricole, d’exportation de bananes [7]. Et il entend bien poursuivre la stratégie mise en place par les précédents gouvernements : tout miser sur le libre-marché et les « avantages comparatifs » du pays – proximité du marché nord-américain et main-d’œuvre locale bon marché. La baisse des tarifs douaniers, la libéralisation du secteur, le désinvestissement du milieu rural ont entraîné la dépossession du paysan et la déstructuration de l’agriculture – qui représente, encore aujourd’hui, un peu plus de 20% du PIB.
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Haïti : les défis qui attendent Jovenel Moïse
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