Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Carnet de voyage - Deux semaines à Port-au-Prince - Par Sergo Alexis (3/3)

Publié par Sergo Alexis sur 31 Août 2018, 12:10pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES

Carnet de voyage - Deux semaines à Port-au-Prince -  Par Sergo Alexis (3/3)
Carnet de voyage - Deux semaines à Port-au-Prince -  Par Sergo Alexis (3/3)

Rencontre avec HM

L’espoir, l’intelligence et la détermination

HM est un jeune de 24 ans. De taille moyenne et mince, nettement à l’inverse de la tendance à se diriger vers l'obésité d'une  population qui, visiblement,  se nourrit de malbouffe. Quand j’ai fait sa connaissance, je me suis moqué un peu de lui. Il me paraissait avoir vingt ans, trop jeune pour être le copain de la demi-sœur de mon épouse. « Tu es un bébé, toi » lui-dis-je en souriant. Il me renvoie  un sourire discret,  comme pour me dire mon cher gran moun ou pakonn ak kiyès wap pale la a. Je l’ai rencontré après ma  réunion avec les étudiants. Très vite, je comprends qu’il a du potentiel quand il me dit qu'en Haïti, il n’y aucune histoire d’idéologie, d’éthique et d’intérêt du pays qui tienne chez les politiciens. Chacun ne voit que midi à sa porte. Leur devise c'est chacun pour soi et Dieu pour tous ! HM est à l’image de ce que je souhaiterais pour les étudiants de la Faculté des sciences humaines. Il m’apprendra bien des choses sur lui et sur ce qui se passe dans son environnement à Port-au-Prince. Après sa classe de rhétorique (1e), il a fait sa classe de terminale (un Bac technique) dans la filière de l’électricité, dans une école professionnelle dirigée par des étrangers. Dans les filières de l’Éducation nationale, ce Bac n’existe pas. Il n’y a d’ailleurs pas de baccalauréat technique dans le cursus scolaire du ministère de l’Éducation nationale. Puis, il s’est inscrit à la Faculté des sciences où il est resté seulement une année. Il a trouvé que ces études de sociologie ne correspondaient pas à ces objectifs professionnels. Il a opté pour des études en informatique où il a obtenu une licence. Il enseigne les maths dans des écoles secondaires pour subvenir à ses besoins, et dispose même d’un cours de sociologie dans lequel il enseigne le marxisme. Un jeune homme qui enseigne le marxisme  en Haïti, c’est une espèce rare ! Je   lui fais lire le texte que j’ai écrit sur la pièce d’Eric Sauray : « Les quatre femmes les plus puissantes d’Haïti » Il l’a lu en un clin d’œil et me l’a rapidement analysé de façon méthodique. Impressionnant ! J’affirme qu’en discutant avec lui, j’ai appris des éléments académiques de méthodologie que l’on enseigne sûrement en Haïti.

Contrairement aux étudiants en Haïti, il n’a aucun complexe pour le travail manuel. Il fait parfois des petits boulots d’électricité avec des artisans haïtiens. Il a un projet d’ouvrir une entreprise de réparation d’ordinateur et d’électricité du bâtiment pour lequel il commence à économiser. Il est encore loin du compte. Il m’explique qu’un jour, il a postulé pour un poste de vendeur de voiture chez Bermann, le directeur du personnel lui a dit ouvertement et sans ambiguïté que s’il voulait le poste, il se devait de coucher avec lui. Il m’apprend que le très controversé maire de Delmas, M. Wilson Jeudi, pourtant très apprécié par les habitants de sa ville, dispose d’une ligne  connectée directement  à une des centrales électriques de Péligre  qui alimente son habitation à Delmas. Et c’est cette même ligne électrique, venant de chez lui, qui distribue la nuit l’éclairage à quelques rues de Delmas. Quant à l’éclairage, la nuit de ce que l’on appelle l’autoroute de Delmas, il y a belle lurette que les fameux « panneaux solaires de Laurent Lamothe » ne fonctionnent plus, par faute de maintenance d’un service d'entretien. Ces panneaux solaires sont tellement affreusement laids - rien à voir avec ceux installés par le maire de Delmas pratiquement invisibles - qu’ils servent d'ornements à dégrader l’environnement. On pourrait rajouter cet espace à notre film imaginé sur « Haïti 2050 ». Cela ne dérange personne qu’il n’y ait ni feux de circulation, ni d’éclairage la nuit sur cette grande avenue qui relie le bas de la ville à Pétion-Ville et traverse  l'ensemble des quartiers  habités par les classes moyennes et populaires de Delmas. Il est ainsi dans tout Port-au-Prince, dès qu'il fait nuit, il n’y a presque plus personne dans les rues par peur d’éventuelles agressions. Les portes de la grande prison se ferment aux environs de 8 heures du soir. Seuls les fêtards voiturés osent défier l’existant qui fait peur.

Mon retour à l’aéroport Toussaint Louverture

L’ingérence directe du service de l’immigration français, rencontre avec KM : toujours des histoires de corrompus

Les deux semaines se sont écoulées. Je dois retourner en France. Je ne vous dis pas un mot sur ma vie privée et non plus sur l’enterrement de mon cousin Ti Son. Sinon, le constat que cette cérémonie de funérailles, qui se déroulait dans un temple protestant, n’était en rien, un moment de recueillement, mais une scène transformée au son du compas direct et de danse presque vaudouesque à la limite de la transe avec des paroles évangéliques. On pouvait aussi  sentir que la gouyad n’était pas loin de pointer son derrière. Encore interdite - pour combien de temps ? - par le sacré de cet espace.

Mes deux valises sont prêtes, l'une remplie de produits locaux : kann anana, lwil maskriti), mango fransik, siwo myèl, manba, kasav, tablèt, etc. Tous ces produits sont naturellement biologiques, s’il vous plait. L’ami de ma sœur, devenu aussi  entre-temps mon ami, est venu me chercher à l’heure. Cette fois-ci, le colt 45 n’était plus nécessaire. Je me sentais rassuré après deux semaines de participation active au sein de la population. Sur la route, il se met en colère contre la compagnie Total, qui, profitant de l’annonce de la hausse du gaz, a mis une essence de mauvaise qualité en vente. Il a été évoqué de retourner ce produit à son expéditeur à l’étranger. Son 4X4 roule mal, il va lui falloir vidanger le réservoir.

En arrivant à l’aéroport Toussaint Louverture, il faut passer à l’inverse du panneau de la direction indiquée. La direction est à l’envers comme le pays ! Il faut subir un premier contrôle de passeport et de pièce d’identité par deux employés du service d’immigration français, installés dans l’enceinte de l’aéroport avant l’enregistrement des bagages auprès d’Air Caraïbes. Il ne faut pas moins de six contrôles avant de pénétrer dans l’avion. Ces mêmes agents du service de l’immigration français se déplacent pour se positionner dans le couloir qui mène à l’embarquement pour un ultime contrôle après celui de la police haïtienne des frontières. Pourquoi ces contrôles qui sont de l'ingérence dans l'administration du pays? L’Etat français n’a sûrement aucune confiance sur l’intégrité du personnel haïtien, corrompu jusqu’aux os. Ni sur l’Etat qui les emploie.

En regagnant mon siège, j’ai croisé KM, un militant associatif très connu en France qui venait de passer trois mois en Haïti. On se donne rendez-vous pendant l’escale en République Dominicaine dans environ une heure et demie. Là, il me raconte comment, une amie policière, responsable des urnes à la Grand’Anse, eut à faire face durant leur transport à un service policier de la Minustah, qui voulait échanger les bulletins et procès verbaux de la population pour les remplacer par des bulletins pré-remplis. Elle s’y est opposée fermement  et l’affaire est allée jusqu’à Privert qui l'a convoquée pour lui demander si elle comprenait la gravité de son geste. Les documents devaient être dirigés sur ordre du Palais national au commissariat de Port-au-Prince. Ce qu’ils  sont devenus ? Elle n'en sait rien. Elle n’a pas pour autant été révoquée de son poste.

KM me confirme qu’il a pu constater que les hommes politiques ne sont en majorité que des profiteurs qui ne visent qu’à ramasser un maximum d’argent. Ils n’ont aucun sentiment patriotique. Et  que dès qu’on entend parler de commission, il y a toujours une histoire d’argent derrière. Il m’explique que la veille de son départ, des parlementaires lui avaient organisé une fête. Pendant la fête, on lui dit qu’une commission avait été créée et des parlementaires avaient inscrit son nom comme membre sans lui demander son avis parce qu’ils savent qu’il est l’ami d’un gwo zouzoune proche du président. Il m’apprend que chaque parlementaire devait recevoir 50 milles dollars américains des 180 millions d’aide de Taïwan.

Mon avion a atterri sur la piste d’Orly avec, pour ne pas changer,  l'heure de retard habituelle. Je prends un taxi qui me dépose chez moi, laissant derrière moi une population habituée à la situation, résignée à son sort.

Carnet de voyage - Deux semaines à Port-au-Prince -  Par Sergo Alexis (3/3)

Mon retour à l’aéroport Toussaint Louverture

L’ingérence directe du service de l’immigration français, rencontre avec KM : toujours des histoires de corrompus

Les deux semaines se sont écoulées. Je dois retourner en France. Je ne vous dis pas un mot sur ma vie privée et non plus sur l’enterrement de mon cousin Ti Son. Sinon, le constat que cette cérémonie de funérailles, qui se déroulait dans un temple protestant, n’était en rien, un moment de recueillement, mais une scène transformée au son du compas direct et de danse presque vaudouesque à la limite de la transe avec des paroles évangéliques. On pouvait aussi  sentir que la gouyad n’était pas loin de pointer son derrière. Encore interdite - pour combien de temps ? - par le sacré de cet espace.

Mes deux valises sont prêtes, l'une remplie de produits locaux : kann anana, lwil maskriti), mango fransik, siwo myèl, manba, kasav, tablèt, etc. Tous ces produits sont naturellement biologiques, s’il vous plait. L’ami de ma sœur, devenu aussi  entre-temps mon ami, est venu me chercher à l’heure. Cette fois-ci, le colt 45 n’était plus nécessaire. Je me sentais rassuré après deux semaines de participation active au sein de la population. Sur la route, il se met en colère contre la compagnie Total, qui, profitant de l’annonce de la hausse du gaz, a mis une essence de mauvaise qualité en vente. Il a été évoqué de retourner ce produit à son expéditeur à l’étranger. Son 4X4 roule mal, il va lui falloir vidanger le réservoir.

En arrivant à l’aéroport Toussaint Louverture, il faut passer à l’inverse du panneau de la direction indiquée. La direction est à l’envers comme le pays ! Il faut subir un premier contrôle de passeport et de pièce d’identité par deux employés du service d’immigration français, installés dans l’enceinte de l’aéroport avant l’enregistrement des bagages auprès d’Air Caraïbes. Il ne faut pas moins de six contrôles avant de pénétrer dans l’avion. Ces mêmes agents du service de l’immigration français se déplacent pour se positionner dans le couloir qui mène à l’embarquement pour un ultime contrôle après celui de la police haïtienne des frontières. Pourquoi ces contrôles qui sont de l'ingérence dans l'administration du pays? L’Etat français n’a sûrement aucune confiance sur l’intégrité du personnel haïtien, corrompu jusqu’aux os. Ni sur l’Etat qui les emploie.

En regagnant mon siège, j’ai croisé KM, un militant associatif très connu en France qui venait de passer trois mois en Haïti. On se donne rendez-vous pendant l’escale en République Dominicaine dans environ une heure et demie. Là, il me raconte comment, une amie policière, responsable des urnes à la Grand’Anse, eut à faire face durant leur transport à un service policier de la Minustah, qui voulait échanger les bulletins et procès verbaux de la population pour les remplacer par des bulletins pré-remplis. Elle s’y est opposée fermement  et l’affaire est allée jusqu’à Privert qui l'a convoquée pour lui demander si elle comprenait la gravité de son geste. Les documents devaient être dirigés sur ordre du Palais national au commissariat de Port-au-Prince. Ce qu’ils  sont devenus ? Elle n'en sait rien. Elle n’a pas pour autant été révoquée de son poste.

KM me confirme qu’il a pu constater que les hommes politiques ne sont en majorité que des profiteurs qui ne visent qu’à ramasser un maximum d’argent. Ils n’ont aucun sentiment patriotique. Et  que dès qu’on entend parler de commission, il y a toujours une histoire d’argent derrière. Il m’explique que la veille de son départ, des parlementaires lui avaient organisé une fête. Pendant la fête, on lui dit qu’une commission avait été créée et des parlementaires avaient inscrit son nom comme membre sans lui demander son avis parce qu’ils savent qu’il est l’ami d’un gwo zouzoune proche du président. Il m’apprend que chaque parlementaire devait recevoir 50 milles dollars américains des 180 millions d’aide de Taïwan.

Mon avion a atterri sur la piste d’Orly avec, pour ne pas changer,  l'heure de retard habituelle. Je prends un taxi qui me dépose chez moi, laissant derrière moi une population habituée à la situation, résignée à son sort.

Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents