Ce n'est pas la première fois qu'il m'arrive de relever les propos de V Numa. Si vous suivez ce blog , vous vous rappelez combien j'avais été choquée par ses propos malsains contre la jeune femme qui avait déclaré avoir été violée par Pierre-Louis. Avec son compère de l'époque, D. Valet, ils avaient pris fait et cause pour Pierre-Louis, allant jusqu'à déclarer que la présumée victime était " la femme la plus dangereuse d'Haïti".
Comment peut-on en arriver à de tels extrêmes ? C'est poser la question comment peut-on être à la fois hôtelier et journaliste ? Il est clair que ce ne sont ni les pauvres, ni les plus vulnérables qui vont remplir le tiroir caisse de l'hôtel de V. Numa. Alors, de manière logique pour un commerçant, l'important est de bien servir et satisfaire sa clientèle. Donc, dans un conflit entre un "gwo zouzoun" bourré de fric, potentiel client et un simple quidam, -au demeurant une jeune femme "sans nom" ,enfant de famille mono-parentale ? - à votre avis de quel côté se rangera le commerçant ?
J'avais souligné que pour des raisons d'éthique professionnelle, de déontologie, le métier de journaliste ne permet pas d'exercer celui de commerçant. C'est à mettre au même registre que celui d'un scientifique qui publierait des articles sur la non nocivité des pesticides et qui dans le même temps travaillerait chez Monsanto.
Ce sont, entre autres, ce type de confusion des genres et de non conscience professionnelle qui donne droit à toutes sortes de dérives en Haïti. Un individu, comme Jovenel Moïse, qui ne connait absolument rien dans la plantation à grande échelle de la banane et les rouages de l' exportation - c'est un métier - décide du jour au lendemain de se lancer dans une aventure sans lendemain...Et est applaudi par tous les gogos et les canards sauvages qui composent en grande partie l'auditoire de V. Numa.
Ce qui explique cette insistance - qui n'a rien de personnel- à parler du cas V. Numa.
Parce que ce M. a un micro derrière lequel il sévit depuis des années et que, par ailleurs plus souvent que rarement, ses propos sont émis dans l'intention délibérée d'influencer - pour ne pas dire d'égarer le public haïtien.
C'est dire qu'il a une responsabilité directe et évidente sur la formation des opinions du simple pékin non lettré qui avale ses fables -ponctuées par des "okay", des "aussi simple que ça", des "un point c'est tout", des "point barre", des "point boule" des "an di ke" : une stratégie de persuasion - comme du petit lait. D'ailleurs, c'est uniquement ce pouvoir de manipulation qui l'autorise à s'auto-proclamer directeur d'opinion; et non pas la qualité de ses opinions.
Donc V. Numa prétend que LES Africains aiment garder le pouvoir et que l'origine serait à trouver dans leur culture tribale.
Est-ce que V.Numa sait qu'avant la colonisation de ce continent, il existait des empires qui précisément étaient arrivé à rallier des " tribus" différentes, parlant différentes langues sous un même pouvoir central ?
Est-ce que Numa sait que dans l'empire du Congo - comprenant à 'époque les 2 Congo et l'Angola- les souverains n'étaient pas choisis de père en fils, mais que c'était la population qui élisait celui qui lui semblait le plus apte à gouverner ?
Est-ce que V. Numa sait que la première organisation de la société se présente sous la forme tribale, en Asie, en Europe et dans les Amériques tout comme en Afrique ?
Organisation sociale qui n'a rien de spécifique à l'Afrique - dont selon lui les Haïtiens auraient hérité - et que l'on retrouve déjà sur l'île d'Haïti où au moins 2 tribus, Arawak et Taino cohabitaient et se partageaient le territoire de de l'île. Forme internationale qui prend racine dans une quantité de données factuelles : climat, habitat, langues, topologie du territoire occupé, etc.
Et pour ce qui est de l'Europe, V. Numa sait-il que la France doit son nom aux Francs, une parmi les tribus germaniques : "La confédération des Francs appartenait à la grande famille des peuples germaniques. Ils étaient groupés en tribus indépendantes, gouvernées par des roitelets ou des princes élus à vie."
Des "princes élus à vie", n'est-ce pas ?
Bref, mon intention n'est pas de faire un cours d'histoire mondiale ou d'anthropologie, chacun peut se servir du net pour faire ses recherches sur la question.
Ce qui vaut ce billet c'est la simplification teintée du racisme hérité par les Haïtiens via leur mauvaise éducation. Ils sont peu nombreux parmi ceux qui ont fait des études académiques à avoir eu dans leur cursus des cours de culture générale englobant aussi bien les Amériques, l'Asie, le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Australie. Leur connaissance du monde étant très limitée -pour ne pas dire nulle- ce qui permet de comprendre comment Martelly dans un discours devant l'Assemblée nationale pouvait prendre comme exemple de conduite le conquistador génocidaire Hernan Cortès. C'est Antonio Solà qui a dû rire dans sa barbe de ce vilain tour joué à des descendants d'esclaves...!
Par ailleurs, il et assez surprenant que des gens qui jurent plus par la Bible que par Cheik Anta Diop semblent ignorer les 12 tribus d'Israel, sorte de modèle judéo-chrétien de formation des peuples.
Enfin, ce que V. Numa ne sait pas, c'est que l'Afrique avant la colonisation comprenait plusieurs grands empires ou royaumes; et ceci bien avant leur existence en Europe. Et que précisément le boulot des colonisateurs/prédateurs a été de démolir ces ensembles. Une stratégie du diviser pour régner passant par la manipulation des chefs des "tribus" composant ces empires, attisant les préjugés et les haines en faisant de certains des " élus" et d'autres, plus réfractaires, des parias ( conflit entre Hutus et Tutsis au Rwanda, deux tribus parlant la même langue et qui cohabitaient pacifiquement dans le même espace avant l'arrivée des Belges et de leurs missionnaires catholiques.)
Bref, c'est rendre un très mauvais service à la jeunesse haïtienne que de lui servir la soupe de l'idéologie de colonisateurs qui ont sciemment et délibérément pour des raisons de conquête, déconstruit les empires africains et alimenté le tribalisme pour, par la suite, promouvoir la thèse qu'il était l'obstacle au développement de l'Afrique. Et non bien sûr la colonisation et les traites.
Dans tous les pays du monde, les hommes au pouvoir tentent de le garder le plus longtemps possible. Ils s'organisent en une caste, un réseau de connivences. Ce sont ceux, en Haïti que M. Numa aime appeler " les chefs, les zotorite" avec leurs armées, mercenaires et milices; leurs hommes de plume et leurs " griots" dont la fonction est d'endormir le peuple et de les louanger.
Si survivances de l'Afrique il y aurait, dans le cas de " Numa" , ce serait celle du griot. Un griot sans musique, sans sagesse, sans culture, un griot tel que présenté ici : " Tout influent qu’il soit, le griot subit lui-même des pression externes, consciemment ou non. Elles peuvent être d’ordre matériel, le griot s’attachant le plus souvent à un horon (noble) dont il chantera les louanges, mais qui risquera parfois d’influencer à son tour le répertoire de son griot, en fonction de ses propres caprices ; or les griots ne sont pas toujours intègres."
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