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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


HAÏTI, LE SCANDALE DU SIÈCLE (2) : CORRUPTION ET POLITIQUE NÉOLIBÉRALE - Par Frédéric Thomas

Publié par Frédéric Thomas sur 2 Mars 2019, 21:50pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #AYITI ECONOMIE, #AYITI ROSE RAKET, #AYITI EXTREME DROITE

Plus encore peut-être que la corruption elle-même, ce qui choque – et exacerbe la colère de la population haïtienne – dans le dossier PetroCaribe, c’est l’arrogance de cette « élite », qui a détourné des centaines de millions de dollars. Sûre de son impunité, cette clique au pouvoir n’a eu de cesse de s’enrichir, multipliant les plans, stratégies et promesses. Comment ne pas lire au revers du spectacle qu’elle donne le mépris du peuple haïtien ?

« Plus c’est gros, plus ça passe ». Telle semble avoir été la logique mise en œuvre. Avec, à tous les niveaux des projets et à tous les étages du pouvoir, une confusion délibérée, entretenue et organisée. Confusion sur les montants payés (qui diffèrent des contrats, et ceux-ci des résolutions autorisant ces contrats), sur la monnaie utilisée (gourdes ou dollars), sur la phase d’exécution des projets, sur les taux de change – qui allaient de 70 à 107 gourdes pour un dollar, alors que le taux de référence de la Banque de la République d’Haïti était de 65 [1] –, etc. Pour tenter d’y voir plus clair, revenons sur quelques exemples symptomatiques et interrogeons la dynamique de cette corruption à grande échelle.

La classe dirigeante haïtienne, fruit et moteur des stratégies à l’œuvre depuis des décennies, est celle qui correspond le mieux aux politiques mises en place. La corruption n’est pas une dysfonction ; elle est inscrite au cœur même du fonctionnement du régime. Les programmes de développement des institutions internationales sont basés sur une idéalisation de cette classe ou sur le vain espoir qu’elle s’assagisse et opère, enfin, une mutation vertueuse. Bref, qu’elle revête les habits d’une bourgeoisie « classique », à la hauteur d’un projet national viable – viable pour les investisseurs s’entend. Mais c’est faire abstraction de la situation, de l’histoire et des rapports sociaux.

À tout prendre, on préfère encore s’arranger avec cette élite – certes, « moralement répugnante » comme la qualifiait un diplomate nord-américain, mais ô combien plus proche de ces mêmes diplomates, managers et hommes d’affaires étrangers, qu’un paysan pauvre de Trou-du-Nord ou une vendeuse informelle des rues de Delmas – de peur que miser sur d’autres acteurs supposent irrémédiablement d’autres politiques.

Il n’est qu’à lire la déclaration du Core Group, qui réunit plusieurs ambassadeurs et des représentants d’instances internationales, pour s’en convaincre. Le communiqué semble écrit d’une autre planète, faisant appel aux mêmes recettes – améliorer les conditions de vie, lutter contre les disparités, et favoriser le climat d’investissement –, sans se demander si ce n’est pas contradictoire [7] …

Plutôt que de changer la classe politique, on s’évertue donc à changer le peuple – à lui faire entendre raison, à le discipliner, à lui arracher son vieux rêve têtu de liberté – pour préserver la stratégie mise en œuvre. Mais lutter contre la corruption en Haïti, c’est forcément lutter contre la classe dirigeante, les politiques et la structure économique qui nourrissent et reproduisent la corruption.

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