J’ai appris la mort de Toni Morrison via un réseau social bien connu. A ce moment-là, l’information n’étant relayée presque nulle part, j’ai espéré qu’il ne s’agissait que d’un mauvais canular. Hélas, la nouvelle s’est brusquement répandue, à la vitesse d’un torrent. Les gros titres des journaux étant venus la confirmer, il ne fut plus permis d’espérer.
Toni Morrison n’était plus. Il n’y aurait pas d’autre roman de Toni Morrison. Ni même d’ultimes deux mots et quatre paroles de Toni Morrison. Il n’y aurait plus jamais de si brillante, si inspirante, si indispensable, si superbement percutante, si diablement stressante pour le journaliste, si savoureuse interview fraichement publiée de Toni Morrison. Et l’Amérique – qui dans une certaine mesure est un mur, est une somme d’enfants perdus, est une vallée de bibles et de flingues, est interdiction d’avorter, flics à cheval, archaïques cordages aux poignets d’un captif noir – n’aurait plus la conscience de Toni Morrison, cet œil si peu bleu sous lequel rougir quand elle se laisse aller à sa petite régression barbare. Et le monde non plus, bien entendu.
Alors le monde s’est mis à pleurer Toni Morrison. Et le monde littéraire l’a pleurée plus fort. Et les écrivaines, plus douloureusement. Et les écrivaines noires, à vous en déchirer les entrailles.
L’une d’elles – la merveilleuse romancière camerounaise Hemley Boum – a comme souvent dégainé les mots idoines, les mots de la situation : elle avait perdu sa mère en littérature. Nous avions perdu notre mère en littérature - Hemley nous ôtait, à beaucoup d’entre nous, les mots du bout des doigts.
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Toni Morrison: Eïa pour une mère
Toni Morrison n'était plus. Il n'y aurait pas d'autre roman de Toni Morrison. Alors le monde s'est mis à pleurer Toni Morrison. Et le monde littéraire l'a pleurée plus fort. Et les écrivaines,...
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