Je suis partie en Haïti en début de septembre 2019 pour répondre à une demande de formation à St-Michel de l’Atalay en Artibonite. Projet de coopération volontaire afin de partager ressources et connaissances pédagogiques auprès de jeunes enseignantes et enseignants.
Dès mon arrivée, le manque de pétrole dans les stations service est venu compliquer les déplacements. Il faut savoir que pour se rendre dans cette ville éloignée de la capitale, on doit traverser dix rivières à gué et que sans un plein d’essence, on risque de rester pris dans les mornes.
Cette pénurie d’essence fait suite au scandale du Petrocaribe : vol par le gouvernement haïtien du fonds de la coopération vénézuélienne initié par Hugo Chavez. Le Petrocaribe est une alliance entre Haïti et le Venezuela, premier exportateur de pétrole brut latino-américain, leur permettant d’acheter le pétrole à ce dernier à des conditions de paiement préférentielles.
La même situation s’est reproduite pour mon retour vers Port-au-Prince : pas d’essence dans la station service de St-Michel. La débrouillardise et la connaissance de connaissances ont permis au camarade qui me ramenait d’obtenir finalement un bidon d’essence. Tout au long du trajet, j’ai vu des stations-service fermées ou envahies par des centaines de motos, d’autos, de vélos, de gens à pied en attente du précieux liquide.
En arrivant près de la capitale, des pneus brûlaient, un barrage était érigé et quelques personnes essayaient de rançonner les passagers dans les voitures.
Dès le lendemain de mon arrivée, les manifestations ont commencé et des milliers d’Haïtiennes et Haïtiens en colère sont descendus dans les rues de la capitale pour exiger le départ du président Jovenel Moïse. D’autres manifestations ont suivi dans la plupart des villes du pays.
Fermeture des écoles et universités, difficulté pour les hôpitaux de fonctionner sans carburant pour alimenter les batteries, rues en feu, barricades, pertes en vies humaines, tueries perpétrées par des gangs armés de connivence avec le gouvernement, les voix de la société civile se sont élevées pour dénoncer l’incurie et la corruption répandue dans toutes les instances gouvernementales.
Les revendications populaires sont énormes et exigent de mettre fin à ce système qui opprime tout un peuple.
Durant les jours qui ont suivi plus d’une semaine de grosses manifestations, je suis restée enfermée dans la maison en suivant soit à la radio soit par l’appel de camarades ce qui se passait au jour le jour. J’ai pu entendre les témoignages de différentes manifestantes et manifestants exigeant le droit au travail, le droit de manger à sa faim, le droit à la dignité. Beaucoup de ces témoignages allaient droit au cœur.
Durant plusieurs nuits j’ai entendu les tirs dans les rues voisines. On parle présentement de plus de 130 personnes mortes et 600 blessées.
Après un dimanche d’accalmie qui m’a permis d’acheter quelques provisions, les manifestations ont repris de plus belles et se sont déplacées vers l’aéroport qui a dû fermer l’accès.
Le matin de mon départ pour Montréal, j’ai dû quitter très tôt car déjà à six heures et quart, les pneus brûlaient sur la route de Canapé vert. J’ai dû attendre huit heures à l’aéroport avant mon vol avec des centaines et des centaines de personnes qui essayaient de se trouver une place sur un avion.
Au moment où j’écris ce mot, le pays entre dans sa 6e semaine de revendications.
Pour mes camarades et amis haïtiens laissés là-bas, nous devons élever nos voix pour soutenir leurs revendications légitimes.
Solidairement,
Marie Marsolais
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