"Ancienne colonie britannique, le Kenya a obtenu son indépendance en 1963. Bien qu’il existe une certaine culture démocratique, ce pays est aux prises avec des problèmes de corruption depuis de nombreuses années [2]. Cette corruption est couplée à des complications croissantes relativement au trafic de drogues transnational et à leur consommation locale.
Un décalage vers l’Afrique de l’Est
Depuis les années 1990, le Kenya tient graduellement le rôle de « hub » du narcotrafic de l’héroïne afghane en Afrique de l’Est [3]. Son accès à la mer, le degré élevé de corruption politique et judiciaire, ainsi que le manque de capacité des forces de l’ordre sont quelques exemples de facteurs internes qui contribuent au développement de la criminalité organisée [4].
Le Kenya n’est pas choisi par hasard par les trafiquants. Le port de Mombasa, le plus grand d’Afrique de l’Est, est l’une des principales portes d’entrée de marchandises vers l’intérieur du continent africain. Sa centralité géographique lui confère un avantage stratégique et ses eaux relativement peu surveillées en font une destination de choix pour le pavot afghan. « Il est donc facile d’introduire de la drogue dans le pays [5] », selon les propos d’un reportage de France 24.
D’une part, l’afflux croissant d’opiacés afghans, mais aussi de cocaïne latino-américaine sur le territoire kenyan, est le résultat de nombreuses perturbations géopolitiques survenues au cours de l’année 2010. Traditionnellement, la route des Balkans, qui traverse l’Iran, la Syrie, la Turquie et l’Europe de l’Est pour arriver en Occident, était la route de prédilection il y a une dizaine d’années pour l’acheminement des drogues. Dernièrement, depuis la guerre en Syrie et les nombreux flux migratoires qui ont déferlé en Europe, les frontières sont cependant plus surveillées par les autorités turques et européennes. Ces bouleversements politiques ont eu comme impact un déplacement des routes de l’opium vers l’hémisphère sud [6].
D’autre part, les efforts de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC) et des autorités locales ont freiné considérablement la production et le trafic de drogues en Afrique de l’Ouest. Entre 2003 et 2004, « les saisies de cocaïne ont été multipliées par trois en Afrique, passant de 1,1 tonne à 3,6 tonnes [7] », selon les données de l’UNODC. La multiplication des initiatives régionales de luttes anti-drogue, comme la Commission ouest-africaine sur les drogues, ainsi que l’appui des États-Unis et d’autres puissances occidentales ont systématiquement redirigé le trafic vers l’Afrique orientale [8]. Entre autres, le Kenya est identifié par les narcotrafiquants comme l’un des pays les plus stables dans la sous-région, selon Amado De Andres, ancien directeur régional de l’Afrique de l’Est à l’UNODC [9].
Crédit photo : saisie de drogue au Kenya (source : FILE)Le Kenya : porte d’entrée de la drogue en Afrique de l’Est
Une situation domestique problématique
Cette pluralité de facteurs a une incidence directe sur la redirection des routes de l’opium vers le Kenya. En effet, plusieurs experts soulèvent une inquiétude en ce qui a trait à la santé des Kenyans. « Le Kenya, qui était auparavant un point de transit, est devenu dorénavant une destination de vente pour l’héroïne [10] », explique Victor Okioma, qui est à la tête de l’initiative gouvernementale du National Authority for the Campaign Against Alcohol and Drug Abuse (NACADA).
Autrefois absent du paysage kenyan, l’usage d’héroïne gagne en popularité. L’UNODC estime que 42 tonnes de cette poudre transigent annuellement dans le pays, dont 5 tonnes sont récupérées pour la consommation locale, représentant un marché d’environ 150 millions $US [11]. Les reporters de France 24 ont évalué qu’à Mombasa, plaque tournante du trafic de l’héroïne afghane, environ 3,5 % de la population aurait déjà essayé cette drogue, et qu’il y aurait entre 2500 à 5000 usagers fréquents [12]. Elle est majoritairement injectée par voie intraveineuse. Résultat : plusieurs consommateurs contractent le sida ou l’hépatite C par inadvertance.
Autre problème, l’accessibilité et son bas coût, environ 1,45 $US la dose, ont fait augmenter l’usage d’héroïne de 50 % au cours des dernières années, selon le ministère de la Santé kenyan [13]. En plus de cela, beaucoup de consommateurs se retrouvent en bas âge. Déjà au primaire, certains jeunes y sont exposés [14].
Des organisations internationales comme Médecins sans frontières (MSF) ont ouvert des cliniques d’aide à la consommation, offrant entre autres de la méthadone qui est utilisée pour traiter la dépendance aux opioïdes [15]. L’UNODC a recensé environ dix cliniques pour traiter les problèmes de dépendance, pouvant rejoindre 7000 personnes, mais cela reste insuffisant [16].
La pandémie de COVID-19 a aussi un rôle à jouer. Beaucoup d’emplois ont été perdus et les gens sont aux prises avec des problèmes de dépression, affirme John Kimani, directeur général du KePNUD, un programme de prévention kenyan [17]. Le manque de ressources du gouvernement ainsi que la vague de pertes d’emplois, dus à la pandémie, n’ont fait qu’augmenter les problèmes de consommation. "
Sur le sujet du désastre prévisible kenyan voir ici
Et sur le sujet du trafic de drogue en Haïti écoutez F. Estimé
Le portrait inusité de la drogue au Kenya
Le portrait inusité de la drogue au Kenya Date: 29/3/2022 Resp: Christophe Audet
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3257
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