Ce qui signifie : celui qui donne des coups oublie, celui qui en porte les cicatrices
s'en souvient.
Un ami m'a dit : tu n'aurais pas dû répondre à ce professeur
Je lui ai répondu : je sais bien que c'est une perte d'énergie.
Je lui ai dit :
Tu sais l'histoire de "ceux qui préfèrent mourir au chômage à Paris, plutôt que de travailler en Haïti"
a remué des choses profondes, comme le souvenir de mon père
si malheureux d'être empêché de mettre son savoir de médecin
au service de son pays.
Lui qui a organisé l'ensemble des services de santé dans
des pays comme le Togo, par exemple, qui venait d'accéder à leur indépendance.
Je lui ai dit :
Ce qui m’a le + choqué
Ce n’est pas tant que ce M. Jean Josué Pierre, professeur de philosophie
M’insulte et médise sur ma personne.
Parce que, figures-toi que depuis que je « milite »un peu
dans le milieu haïtien dans lequel on trouve peu de femmes,
sinon dédiées aux "affaires domestiques",
-même parmi celles qui ont fait de brillantes études-
je me suis fait à plusieurs reprises verbalement agressée
par des hommes en général,
bien souvent des "étudiants" boursiers à Paris.
Dès qu’une femme n’est pas d’accord
avec cette sorte d’homme,
c’est tout de suite le déclenchement des hostilités,
les insultes les plus grossières sont proférées
et on est à 2 doigts parfois de l’agression physique.
Donc ce problème d’incorrection, j’ai appris à le zapper
Et puis, il m'est apparu que l'absence de respect
dans ce milieu
n'était pas réservé aux femmes
mais que des hommes plus âgés y avaient droit aussi
peut-être parce que considérés comme + faibles
Peut-être parce que dans la culture "pragmatique "des grenn-nanbounda.
étant vieux, ils n'ont plus de pouvoir et peuvent être maltraités
On peut traiter quelqu'un de "curé défroqué " et autres horreurs
sans que personne ne semble s'en offenser.
Donc ce qui m’a vraiment choqué
c’est que le professeur de philosophie ait lançé une fatwa
en déclarant péremptoirement
que je n’avais pas ma place dans les débats d’idée sur Haïti.
Donc, imagines, je suis cinéaste, j’ai fait quelques films sur Haïti,
Lors de mon dernier passage, j'ai tourné 5 petits reportages sur la Grand'Anse
gratis ti chéri pour la TNH
et M. le Professeur de philosophie déclare
qu’il faut que je la ferme.
Vu mon âge et mon expérience,
c’est quand même plus choquant cette injonction à se taire
que de se faire traiter de « rebelle sans cause » et autres balivernes.
Tu sais que mon père était doyen de la Fac de médecine en Haïti
et qu'il n’était pas en "recherche de notoriété",
puisqu’il avait donné sa démission à M. Duvalier
quand celui-ci est devenu Président.
Et sais-tu que la réaction de Duvalier a été de le mettre en prison illico presto .
Et sais-tu qu'il s'est trouvé des gens pour trouver que c'était bien fait .
Ils ont trouvé que mon père méritait la prison
parce qu’il n’avait pas le droit de contredire le chef.
D'être libre de ses opinions.
C’est ainsi que, à sa sortie de prison, mon père avec toute sa famille a quitté le pays
pour laisser la place à ceux qui avaient le droit de participer au débat d’idées sur Haïti
et qui l’ont si bien mené qu'ils ont conduit le pays à "l'ensauvagement macoute".
C’est ainsi que mon père n’est jamais retourné en Haïti
et a fait sa carrière en Afrique, en Amérique Latine,
dans les Caraïbes où il est mort.
Et pourtant, il ne rêvait que d'une chose,
c'est de travailler et vivre dans son pays.
Un destin comparable à celui de plein d’autres de nos
compatriotes.
C’est ainsi donc, qu’il y avait à cette époque, quelqu’un,
disons l’équivalent actuel d’un professeur de philosophie de l’Université d’Haïti,
qui avait déclaré que non seulement il n’y avait pas de place
à l’intérieur du pays pour un professeur de médecine comme mon père,
mais qu’en plus de cela, que ce professeur de médecine
avait préféré mourir à l’étranger
plutôt que de travailler pour son pays.
Ainsi ceux qui ont été expulsés manu militari
de leur pays sont accusés par ceux-là même
qui les ont expulsés d'être des déserteurs.
Le Tiran devien titan
et ses victimes :1 Million d'exilés économiques
et politiques à travers le monde
des coupables.
Opération de retournement de situation.
C’est ainsi que ces gens-là réécrivent l’histoire.
De sorte que, ce qui me choque vraiment, c’est cette répétition de l’histoire.
Avec quelques générations plus tard, les mêmes personnes de droite
qui vous somment de vous soumettre à leurs diktat,
insultent, mettent en prison, excommunient, dénigrent leurs opposants.
Alors, le plus choquant dans cette affaire
c'est cette permanence de l'intimidation,
c’est de penser que mes enfants, mes petits-enfants et moi-même
devons faire face aux « héritiers »
qui ont maintenu le pays dans le "faire noir"
et qui décident de décider qui a sa place
et qui n’a pas sa place.
dans le débat d'idées sur Haïti.
Voilà pourquoi j'ai tenu à répondre à ce professeur de philosophie
dont je me contrefous de l'opinion par ailleurs,
en mémoire de mon père
et pour qu'à l'avenir les jeunes et les jeunes femmes notamment,
de ce pays
sachent qu'il n'est pas bon de se soumettre à l'utilisation de techniques
qui auront permis que l'ensemble d'une population
soit enfermée pendant plus de 30ans dans la peur et l'obscurantisme.
Tu vois mon ami, les insultes, les attaques ad hominem,
on peut les envoyer balader par un "cause toujours"
mais la question de" la place" me touche
pour des raisons affectives,certes;
Mais plus précisément encore pour des raisons de politique
et renvoie à tous nos aînés morts en exil
à ceux , torturés, assassinés, à Fort Dimanche
à ceux-là morts d'épuisement et de maladies
à la suite de longs et fréquents
emprisonnements
Les Firmin, les Jacques Roumain, les Jacques Stephen Alexis
les Laraque, les Jean-Marie Vincent, les Izmery, les Jean Dominique
les Lovinsky Pierre Antoine, les père Jean Juste
et la liste est si longue
de tous ceux "disparus" , éliminés"
parce qu'il avait été décrété
qu'ils n'avaient pas leur place
dans le débat d'idées sur Haïti.
Cette question de "place"
renvoie à l'apartheid qui caractérise la société haïtienne en général.
C'est pour ça qu'il était important de dévoiler le contenu
et le sens profond et caché
des attaques du professeur qui me sont adressées
mais par delà sont un message, une sorte d'avertissement
à toutes celles et ceux
dont on pourrait juger qu'ils n'ont
pas "leur place dans le débat d'idées sur Haïti".
Il s'agit d'une sorte de police des pensées
en quelque sorte
qui renvoie à un "déja vu" de sinistre mémoire.
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