Le juge José Castro a consacré pas moins de 227 pages à son argumentation destinée à l’Audience provinciale de Palma de Majorque, au parquet anticorruption, à la maison royale, aux courtisans bien ou mal payés et au système institutionnel lui-même, qui ne tolère pas le moindre bouleversement. Castro appelle l’infante Cristina à comparaître comme mise en examen le 8 mars, journée internationale de la femme (clin d’œil à Woody Allen et tout à fait cohérent avec l’esprit et la lettre de la seconde partie de son ordonnance de renvoi). Quelques heures après l’annonce de la mise en examen de l’infante, le juge remplaçant Elpidio José Silva dans l’affaire Blesa a annoncé une citation à comparaître de l’ancien président de Caja Madrid et de son équipe au complet le 24 janvier, pour qu’ils expliquent les inexplicables conditions d’achat de la City National Bank de Floride en 2008. On peut dire que ça a été un grand jour pour l’hygiène démocratique. Il semble que, ce mardi, la justice a été moins inégale pour tous. Le temps dira si l’opération propreté résiste aux preuves définitives.
Qui veut bien lire la totalité de l’ordonnance du juge Castro, et en particulier ses fondements juridiques, ressentira par moments de la honte pour les autres. Ceux qui soutiennent, impavides, l’hypothèse selon laquelle Cristina de Bourbon a pu ne pas être consciente des erreurs de son mari, Iñaki Urdangarin, ont besoin d’anxiolytiques. C’est déjà beaucoup de « passer sur » (selon l’expression du juge) accepter que l’infante, femme avec une solide formation académique et professionnelle et un bon salaire à La Caixa, signe sans se rendre compte la création avec son mari et à 50% d’une « société écran » comme Aizoon SL, dont l’unique activité connue est de servir d’instrument pour assumer les dépenses personnelles et familiales en les cachant au trésor public ou en payant moins d’impôts que ce que la loi réclame. Mais il suffit de lire les pages 130 à 141 de l’ordonnance de Castro pour en conclure que Cristina de Bourbon a déjà trop tardé à donner des explications à la justice.
Argent noir et conduite exemplaire
Beaucoup de données étaient connues, mais les relire une à une et dans le contexte de responsabilité juridique provoque de l’indignation. Cristina de Bourbon faisait payer par Aizoon des dépenses de toute évidence personnelles comme des vacances, de la vaisselle, des tableaux, des livres Harry Potter, de la décoration pour enfants, des repas dans des restaurants de luxe, des services de coaching ou « un cours de salsa et merengue au domicile familial » (page 136). Et l’infante en personne, selon des témoins directs, est intervenue pour engager des employés de maison, immigrés en situation irrégulière à qui Cristina a annoncé vouloir« payer leurs salaires au noir ». Elle a finalement accepté un contrat de travail quand « ils l’ont demandé pour pouvoir obtenir un permis de séjour mais en faisant apparaître Aizoon comme employeur alors que les employés n’ont jamais travaillé pour cette société » (page 137). Pour avoir engagé des immigrés clandestins et les avoir payés au noir, des responsables politiques ont été condamnés et exclus de la vie publique aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France ou en Italie. Ici on continue à tergiverser pour savoir si une infante doit être convoquée devant le juge ou pas.
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Voir aussi : Le monde.fr Espagne : l'infante Cristina parviendra-t-elle à échapper à la justice ?
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