CULTURE & SOCIÉTÉ
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- Publié le dimanche 29 décembre 2013 17:41
Pages retrouvées par Junia Barreau
Par Laurent Beaulieu --- Au début du mois de juin 1996, les députés haïtiens ont voté une résolution constatant l'inexistence de l'armée. Le Sénat avait fait de même il y a déjà quelque temps. Mais rien ne dit qu'elle ne puisse, sous une forme ou une autre, renaître un jour de ses cendres.
Lorsque les marines envahirent Haïti en 1915, l'armée héritée de la lutte de libération nationale fut remplacée par un corps de supplétifs indigènes, que la Constitution de 1918 baptisa « gendarmerie ». En dépit de ses transformations ultérieures, cette nouvelle « armée » ne cessa jamais d'être une simple force d'occupation intérieure. Dans les dernières années, le gros des 7 500 soldats était concentré dans la capitale et les villes les plus importantes. Ailleurs, l'armée disposait de « casernes » et « d'avant-postes », aux effectifs très réduits. Elle servait d'appui à une sorte de police rurale. Dans chaque section rurale (500 dans tout le pays environ), l'armée nommait un « chef de section ». Cette espèce de shérif achetait sa charge, mais en échange disposait d'énormes pouvoirs, par ailleurs très lucratifs. Il s'entourait de plusieurs dizaines ou centaines d'adjoints.
Au fil des ans, les Etats-Unis ont toujours cherché à maintenir des relations étroites avec la hiérarchie militaire. Nombre des officiers qui ont dirigé le coup d'Etat de septembre 1990 étaient passés par les écoles militaires américaines. Cédras et d'autres officiers supérieurs ont émargé à la CIA. Un rapport de la CIA a même présenté Cédras comme son meilleur informateur en Haïti.
Lorsqu'il revint au pouvoir, Jean-Bertrand Aristide s'était fixé un objectif prioritaire : affaiblir au maximum, voire démanteler l'institution militaire. Pour Bill Clinton, il était clair que l'armée haïtienne, qui échappait à tout contrôle, était autant une source de problèmes qu'un facteur de stabilité. Plusieurs mois avant l'intervention nord-américaine, il avait accepté les propositions de Jean-Bertrand Aristide : réduire les effectifs de l'armée à 1 500 hommes et constituer à ses côtés une police indépendante. Le projet de création d'un corps de police indépendant de l'armée et placé sous l'autorité du ministre de la Justice, prêté au gouvernement Lavalas, avait d'ailleurs été une des raisons du coup d'Etat. Il ne s'agissait pourtant que d'appliquer la Constitution de 1987. Bill Clinton n'avait pas donné son feu vert à la suppression pure et simple de l'institution militaire, loin de là ! C'est pourtant ce qui allait arriver.
Dès le début de l'intervention américaine, une partie de la population tenta sa chance face à l'armée, testa le nouveau rapport de forces et finalement gagna la partie : les militaires prirent peur et se retirèrent dans leurs casernes. Dans le nord du pays, une fusillade opposa des militaires américains et haïtiens. Le lendemain, les soldats haïtiens du département du Nord désertaient et les casernes étaient envahies par la population. Partout, le projet de patrouilles mixtes soldats américains-soldats haïtiens, dut être abandonné. Le départ précipité des chefs de la dictature (en emportant avec eux les fonds de retraite des militaires) acheva de démoraliser l'armée. Une bonne partie des militaires désertèrent avec leurs armes.
Dans un premier temps, Jean-Bertrand Aristide, de retour d'exil, affirma avec force sa volonté de cohabiter avec le nouveau chef de l'armée, le général Duperval. Mais des barricades furent dressées lorsque courut la rumeur qu'il avait voulu assassiner le Président. Il fut remercié au mois de novembre et la composition de l'état-major fut bouleversée. Environ trois mille soldats intégrèrent les rangs d'une police intérimaire après un bref examen de leur dossier et une semaine de formation. Ce corps était voué à disparaître au cours de l'année 1995, au fur et à mesure que de jeunes policiers allaient sortir de l'Académie de police, qui ouvrit ses portes en février 1995.
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