« La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans
l’incapacité de dominer l’échec. »
F. Mitterand
Quand on prend de l’âge, chers amis, on a toujours l’avantage du recours aux souvenirs pour comparer les temps passés et le temps présent. En réalité, ce sont les souvenirs qui, à la moindre occasion, refont surface et occupent notre pensée, nous poussant à la comparaison, nous incitant à le faire, insistant à nous faire sentir le poids de l’âge. Nous n’y pouvons rien. Nous sommes sous leur emprise. C’est comme si, à partir d’un certain âge, on arrivait à associer un ou plusieurs souvenirs à chaque événement qui se produit. Dans le cas d’Haïti, c’est toujours du « déjà vu», mais jamais du « revu, corrigé, amélioré ». En fait, chers amis, c’est comme si chaque motif arrivait à provoquer l’émergence d’un ou de plusieurs souvenirs. À partir d’un certain âge ! Voilà donc pourquoi, suite à la lecture de la déclaration du Premier Ministre, lors de l’inauguration de ce tronçon de route, j’ai eu tout de suite en tête une conversation avec un ami, qui s’était produite cela fait déjà quelques années. On parlait alors de l’échec de notre société, l’haïtienne, à vouloir et à pouvoir répondre aux besoins de la population. On discutait sur les possibilités réelles de ce pays à établir, comme l’ont fait les autres, des structures de gouvernance raisonnables. Il nous fit rire jusqu’aux larmes en donnant une définition « captivante » de l’Haïtien. L’Haïtien, dit-il alors, est un être qui, face à des difficultés, même courantes,
fait appel à des « Termes de Références pour Bâtir un Projet ».
J’en ris encore. Cela n’a pas changé.
Enfin, je n’ai pu m’empêcher, chers amis lecteurs, ni vous non plus, j’imagine, de lire avec attention la nouvelle
publiée par la presse. « Le Chef du Gouvernement fait un constat d’échec des autorités du pays ». J’ai lu et relu le texte. Effectivement, je n’aurais pas aimé me trouver à sa place.
La presse du 22 décembre rapporte la tristesse du nouveau PM, en inaugurant un « bout de route » pour lequel
le pays a dû faire appel, comme d’habitude, à la « bonne volonté donatrice », à la bienveillance des « bailleurs de fonds ». En effet, on a pu lire dans la presse : « Le Premier Ministre haïtien, Jean Max Bellerive, déclare que les autorités de ce pays n’ont pas toujours été à la hauteur de leur mission à l’occasion de l’inauguration d’un tronçon de route de 645 mètres de long et de 6 mètres de large, à Martissant (secteur sud de la capitale) … Nous n’arrivons toujours pas à répondre directement aux besoins de la population même pour des choses qui nous semblent indispensables ».
Cette même sensation d’impuissance, je l’ai ressentie une fois, cela fait 4 ou 5 ans, c’était en 2004, l’année des « grandes duperies » en Haïti, l’année de ce PM qui parlait « tant et si beau » que je n’ai jamais su au fond s’il avait quelque chose à dire ou s’il voulait réellement dire quelque chose. Je ne sais toujours pas s’il a su dire quelque chose. Pauvre petit pays ! J’étais, chers amis, assis à une table d’un snack-bar au Champ-de-Mars, savourant un plat de « bananes pesées accompagnées de morceaux choisis de griots » lorsque, un gamin, d’à peine 10 ans, se vautra contre la vitre me regardant d’un air famélique, me faisant signe qu’il avait faim. J’eus honte et je me sentis incapable de faire le moindre geste. Je ne pouvais plus manger. Je ne pouvais pas me lever. Je ne pouvais ni lui offrir mon plat. Je sentais la rage me monter à la tête et la nausée envahir mon être tout entier. Je voulais vomir cette rage contre tous ces « crétins », moi en premier, qui avons tout fait pour faire de ce pays un pays incapable de se gouverner, incapable d’avancer et même incapable de se sentir incapable.
Enfin, heureusement que le PM n’a pas encore dressé le bilan de la situation énergétique du pays. De la situation de l’environnement. De l’éducation. Des soins de santé. De l’emploi. De … . Il finira peut-être par faire le « dépôt de bilan ». Fermeture, pour cause d’échec. Global. Suicidant !!!
Notre PM aura-t-il la capacité de dominer cette dynamique de l’échec qui s’est installée dans notre pays ? At-il déjà perçu l’échec au bout de son mandat ? Cher PM, tradition oblige et face au constat d’échec que vous avez eu le courage de réaliser, puisque je me sens incapable de vous formuler des voeux de succès dans cette « entreprise », je ne peux que vous dire, en utilisant les mots de Mikhailovski, « En avant ! Même si c’est l’échec qui t’attend ! Si tu tombes, tombe debout ! »
Et à vous, chères amies lectrices, chers amis lecteurs, mes meilleurs voeux de … prospérité. Au moins, votre prospérité fera celle d’Haïti.
germanor2005@yahoo.fr
25 Décembre 2009
Sources
Haïti en Marche • Vol XXIII • Nº 49 LIBRE PENSER
Page 12 Mercredi 30 Décembre 2009
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