«Si les lois de Nuremberg étaient appliquées, tous les présidents américains de l'après-guerre auraient été pendus». Noam Chomsky
« Les ruses et les machinations ténébreuses ont été imaginées par les hommes pour venir en aide à leur lâcheté. » Euripide
La langue française en Haïti, et ailleurs dans le monde, jouit d’un indiscutable et très grand prestige. Il y a manifestement quelque chose de sucré, de kann kale dous, de suave, d’exquis, d’élégant, d’attirant, de captivant, de séduisant, de fascinant, de séducteur avec la langue de Molière. Ainsi, Enver Hodja, l’ancien secrétaire général du Parti du travail albanais, professait un vrai culte à l’endroit du français, lui qui faisait traduire systématiquement en français ses insipides discours, grâce à l’immense talent linguistique de Jusuf Vriono, écrivain et diplomate albanais. À partir du début des années 1960, Vriono traduisit plusieurs auteurs albanais, notamment Ismail Kadaré, dont il contribua grandement à la notoriété hors des frontières de l'Albanie.
Aux Etats-Unis, on rencontrera rarement un citoyen américain qui vous dira avoir appris à l’école, soit l’allemand, soit le russe ou le japonais, ou même l’espagnol. Par contre, l’individu sera fier de vous raconter qu’il avait appris le français à l’école, et il sera heureux de vous sortir, illico, quelques expressions apprises au temps de son adolescence. En fait, aux États-Unis, la Louisiane, le Connecticut, le Maine, le Massachusetts, le New Hampshire, le Rhode Island et le Vermont sont régulièrement invités en tant qu’observateurs aux sommets de la Francophonie. D’après le US Census Bureau, 13 millions d’Américains sont d’origine française et 1,6 million parle le français à la maison. Le Maine, le Vermont et le New Hampshire comptent une proportion non négligeable de francophones (Association Frontenac- Amériques, 1er septembre 2009). Les Etats-Unis comptent 38 institutions enseignant le français: lycée, école internationale ou école franco-américaine. Au Canada anglais, dix collèges et lycées enseignent le français de façon prédominante ou à part entière avec l’anglais. Il existe des lycées français dans quasiment tous les pays d’Amérique latine dont six au Brésil, cinq au Chili.
En passant, alors qu’on parle couramment de Sommets de la Francophonie, j’attends encore d’entendre parler de Sommet de la Germanophonie, de la Russophonie, de l’Italianophonie ou de l’Arabophonie, à moins que je sois atteint de surdité. Bien qu’il existe une Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), elle ne me semble pas avoir, jusqu’ici du moins et à ma connaissance, le rayonnement des pays formant le bloc de la Francophonie. Autrement dit, le français, jusqu’à présent, reste une langue de très grand prestige à travers le monde et qui en impose.
Dans notre milieu haïtien, l’usage du français revient presque à parler d’un terrain tè glise sur lequel il faut s’avancer avec précaution tant il est miné par toutes sortes de «dits», de non-dits, d’interdits, de déjà dits, de jamais dits, de ce qu’il faut dire ou ne pas dire, sans oublier maints sots préjugés. Dans cet univers linguistique où l’on s’avance avec mille précautions, les plus malins, les moins save, des loustics à l’humour pétillant, des pourianistes ne s’inquiétant guère du bon usage ou du bel usage de la langue de Molière, ont ce génie particulier soit de passer une corde grammaticale autour du cou du français, soit de faire voir à cette langue les sept couleurs de l’arc-en-ciel, pour reprendre une expression chère à ma grand-mère paternelle.
C’est ainsi que j’ai toujours été séduit par une formule (combien atroce pour la grammaire) apprise d’un confrère rompu à la pratique de prendre bien des libertés de style avec la langue de Molière. Ainsi, quand l’occasion se présente, il ne manque jamais de dire : «Je suis peur et même craint.» Ah oui, par les temps qui courent, les événements prennent une telle tournure et allure qu’à son corps défendant, on doit «être peur et même craint».
Comment ne pas «être peur et même craint» en observant les ardeurs belliqueuses du président Obama à l’endroit de la Syrie? Ferveurs guerrières appuyées sans réserve aucune par le dernier né des caniches de l’Amérique, le président François Hollande, homme d’Etat indigne de la fierté d’un Charles de Gaulle debout dans ses bottes nationales et nationalistes. Je crains les basses menées de l’Etat d’Israël disposé à agir même seul face aux atermoiements de la Maison Blanche prise entre le marteau des faucons sionistes et l’enclume des modérés du Congrès.
«Je suis peur et même craint» que M. Obama, «glorieux, prestigieux, illustre, illustrissime» Prix Nobel de la paix – hélas ! – ne se laisse emporter par le vertige de «faire mieux» que son prédécesseur Bush, soit détruire la Syrie après avoir réduit la Lybie presque en cendres, tout en poursuivant une guerre insensée en Afghanistan et en utilisant, sans discrimination, des drones qui sèment la mort parmi des civils, aussi bien au Pakistan qu’au Yémen et ailleurs. Surtout, «je suis peur et même craint» qu’une folie perverse du complexe militaro-industriel, attisée par les va-t-en guerre israéliens mironton, mironton, mirontaine, ne soit à l’origine d’une troisième guerre mondiale… ou d’une destruction apocalyptique sans précédent au Moyen-Orient.
«Je suis peur et même craint» parce que Barrack Obama a mauvaise mémoire. En effet, en 1983, en pleine guerre civile libanaise, des bateaux américains bombardaient, depuis la Méditerranée, les forces syriennes au sud de Beyrouth, pour appuyer l'armée gouvernementale. La suite a été meurtrière : les attentats contre l'aéroport international de Beyrouth et l’immeuble Drakkar, que venaient d’abandonner les services secrets syriens, attaques menées en octobre de la même année par des kamikazes, lesquelles avaient coûté la vie à 58 parachutistes français et 241 marines américains. Face à cette tragique situation, le président Reagan avait dû rester bèkèkè et san nannan.
On reste stupéfait de voir l’entêtement du président Obama à se lancer dans des frappes «punitives» contre la Syrie, alors que «9% seulement des Américains soutiennent une intervention militaire des Etats-Unis en Syrie» (Reuters/Ipsos poll, 26 août, 2013). Mais la voix du peuple n’est plus la voix de Dieu qui, depuis les événements en République arabe syrienne, n’écouterait plus que la voix d’Obama, Nobel de la paix devenu l’homme d’une guerre sale, proprement impopulaire, au profit du grand capital, au détriment du petit peuple syrien.
Et Obama reste sourd à l’appel pathétique du pape François : « Il est regrettable que, depuis le début du conflit en Syrie, des intérêts unilatéraux aient prévalu et, de ce fait, entravé la recherche d’une solution qui aurait permis d’éviter le massacre insensé qui a lieu. Les leaders du G20 ne peuvent rester indifférents à la situation dramatique du bien aimé peuple syrien, qui dure depuis bien trop longtemps et qui risque d’apporter une plus grande souffrance à une région amèrement touchée par des conflits et en quête de paix. Aux leaders présents, à chacun, je lance un appel sincère pour permettre de trouver des moyens de surmonter ces conflits et de «mettre de côté la poursuite futile d’une solution militaire». Mais Obama s’en va imperturbable, «son rockman (de guerre) à l’oreille, il n’entend plus personne». Merci Manno Charlemagne pour le tuyau. Et que dire du peuple français ? Selon un sondage Ifop pour Le Figaro publié le samedi 31 août, plus de deux Français sur trois (68%) sont opposés à un engagement militaire de la France en Syrie, dans l'hypothèse d'une intervention armée internationale. Alors que François Hollande, caniche de Washington, a assuré hypocritement qu'une intervention contre Damas serait «pour punir le régime» de Damas et «en aucune façon pour porter (le) conflit au-delà» de la Syrie. Ce n’est pas seulement Martelly qui ment effrontément en Haïti. Dans l’Hexagone ce n’est pas différent, et c’est géométriqument, hexagonalement, mathématiquement honteux, ignominieux, scandaleux, lamentable, minable, pitoyable et méprisable.
Entre-temps, dans les églises de France, l’heure est à l’indignation et aux prières pour la paix en Syrie : au Sacré-Coeur de Montmartre à Paris, des centaines de fidèles ont prié, écouté des textes et chanté pour la paix, sous le regard de nombreux touristes. Dans le centre de Lyon, une prière silencieuse, un repas frugal et un débat géopolitique ont été organisés à la mi-journée pour quelque 200 fidèles dans l'église Saint-Bonaventure, parmi de nombreuses actions prévues dans le diocèse.
A Strasbourg, dans l'église Saint-Jean-Baptiste, une cinquantaine de chrétiens de toutes obédiences étaient réunis pour «la paix», (Salaam, en arabe et Shalom en hébreu). Plus de 300 personnes se sont également recueillies à la cathédrale Notre-Dame de la Treille à Lille, participant eux aussi à la «nuit de prière», «en union avec le pape François». A Lourdes, plusieurs milliers de participants à la procession aux flambeaux, l’un des rites les plus populaires de ce haut lieu du catholicisme, ont prié pour la paix en Syrie et les chrétiens du Proche-Orient.
A Bayonne, dans l'église Saint-André, «une bonne centaine de personnes ont assisté à la veillée pour faire travailler les consciences en direction de la paix», a expliqué le chapelain, Père René-Sébastien Fournié. «Il faut éviter la guerre. Regardez ce qui se passe avec les pays "libérés" comme la Libye», a-t-il souligné. Le pape François a appelé le monde entier, et pas seulement les catholiques, à jeûner et prier le samedi 7 septembre contre une intervention armée en Syrie. Des musulmans français avaient prié vendredi dans de nombreuses mosquées.
S’adressant à Hollande, l’ancien ambassadeur de France et diplomate de carrière Pierre Charasse s’est fait ironique et cinglant : «Au Mexique, on estime à 70.000 les morts provoqués par la violence des groupes criminels et des forces de sécurité et 26.000 disparus durant le sexennat du Président Calderón (2006-2012). Après la première année du mandat du Président Peña Nieto, on dénombre déjà 13.000 morts. En toute logique avec de tels chiffres la population civile mexicaine devrait être éligible aux bénéfices du programme « obligation de protéger » concocté par la « communauté internationale », même si celle-ci se réduit aujourd’hui à la France seule. Au point où nous en sommes, il faut bien qu’un pays se dévoue pour être l’avant-garde agissante d’une communauté internationale amorphe et irresponsable». Oui, M. Hollande, petit valet de M. Obama, vous avez la parole.
Continuant sur sa lancée ironique et mordante, Charasse porte au flanc de Hollande l’estocade méritée: «Enfin, je pense que vous avez réfléchi à la meilleure manière de protéger les populations mondiales des catastrophes humanitaires provoquées par le capitalisme mafieux et prédateur à l’origine des dernières crises économiques et financières. Il est probablement dans vos intentions de proposer à vos collègues du G7 et du G20 que vous allez rencontrer au Sommet de Saint Pétersbourg de changer de cap pour mettre fin à l’économie-casino et à l’empire de la finance sans contrôle.» L’opinion publique mondiale, les chômeurs en Grèce, au Portugal, en Espagne, en France et ailleurs, apprécieraient vraisemblablement des frappes chirurgicales sur le FMI, la Banque Centrale européenne, la City de Londres, quelques paradis fiscaux «non coopératifs » ou d’improbables agences de notation qui font plier les gouvernements.
Une telle cohérence dans l’application de ‘‘l’obligation de protéger’’ honorera la France et son Président. En continuant sans relâche sur cette voie et en défendant comme vous le faites le droit international et les normes fixées par les Nations Unies, il ne fait aucun doute qu’avant la fin de votre mandat vous rejoindrez votre collègue et ami Barrack Obama dans le club très sélect des Prix Nobel de la Paix. Vous l’aurez bien mérité».
Aucun des 28 membres de l’OTAN n’a proposé une alliance avec les Etats-Unis pour attaquer la Syrie. Le secrétaire générale de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré qu’il ne voyait « aucun rôle de l’OTAN dans une réaction internationale contre le régime (syrien).» (selon The Wall Street Journal, 30 août, 2013, in Le Grand Soir, 5 septembre 2013). La Ligue Arabe n’a pas publiquement apporté son soutien à une action militaire US en Syrie ; idem en ce qui concerne des acteurs clés dans la région, l’Arabie Saoudite et le Qatar, préoccupés par une éventuelle réaction de l’opinion devant un soutien ouvert à une intervention US (selon le Washington Post, 31 août, 2013, in Le Grand Soir, 5 septembre 2013).
Pourtant, «je suis peur et même craint» que M. Obama cédant aux pressions de l’Ogou Feray israélien – et pour montrer que son cuir nègre est bien plus coriace que celui de Bush – finira par prendre la honteuse décision de lancer quelques missiles sur la Syrie. Car, il ne faut ni plaisanter ni bétiser, ni temporiser ni tergiverser, encore moins calbinder avec les principes et l’honneur de la présidence états-unienne. Peu importe que le sang coule, que le deuil afflige des milliers de familles syriennes, pourvu que l’ogre capitaliste s’abreuve du pétrole du Moyen-Orient.
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