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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


La situation sociale en Chine : Perspectives et défis. Par Marc VANDEPITTE

Publié par siel sur 8 Octobre 2013, 14:17pm

Catégories : #INTERNATIONAL

1. L’industrialisation n’a rien d’une partie de plaisir

« Le présent en Chine change constamment et accélère sans cesse. Un Européen devrait vivre quatre cents ans pour pouvoir vivre un changement aussi radical. » Yu Hua, romancier [1]

Entre la réalité et ce qu’on perçoit, il existe souvent un large fossé. C’est certainement le cas pour la Chine. Le moins qu’on puisse dire de ce pays, c’est qu’il a un sérieux problème d’image en Occident. Quand les médias traditionnels parlent de la situation sociale en Chine, ils sont habituellement tout, sauf élogieux. Les sujets favoris sont les catastrophes, depuis les accidents de chemin de fer jusqu’aux immeubles qui s’effondrent, ou encore toutes sortes de scandales comme les intoxications alimentaires et les accidents miniers, les conditions de travail effarantes, les énormes problèmes environnementaux, l’agitation sociale, les avortements obligatoires, un bébé qui se retrouve dans la conduite d’évacuation d’un WC, etc., etc.

L’information dans le monde capitaliste cherche la sensation et se concentre souvent sur tout ce qui est négatif. D’autres pays aussi, surtout dans le Sud, sont généralement présentés sous un mauvais jour. Mais, dans le cas de la Chine, au contraire de l’Inde, par exemple, le dénigrement domine et il est systématique, quand il n’est pas organisé de toutes pièces.

L’industrialisation en Europe occidentale a été un processus brutal et très radical. Elle a créé des problèmes sociaux et écologiques sans précédent. En Chine, elle concerne cinq fois plus d’êtres humains et il s’agit d’un processus qui se déroule quatre fois plus rapidement. [2] Par conséquent, cette ruée vers la modernisation ne peut faire autrement qu’entraîner des problèmes et défis gigantesques. Il serait peu avisé de le nier, voire de le minimiser. Par exemple, la désorganisation psychique et existentielle réclame un lourd tribut, suite à cette turbulence historique. Selon la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet, un Chinois sur huit souffrirait d’une maladie mentale. [3] En Chine le taux de suicide est parmi les plus élevés au monde. [4]

Mais, à la lumière de notre propre industrialisation ou de l’actuelle modernisation à laquelle on assiste dans le reste du Tiers monde, et des problèmes qui l’accompagnent, il est nécessaire de situer les choses dans une perspective correcte. C’est ce que nous allons faire dans la première partie du présent article. Dans la deuxième partie, nous nous arrêterons sur trois défis importants.

2. La situation globale (en proportions réelles)

« Bien des pays en voie de développement iraient jusqu’au meurtre pour pouvoir être confrontés aux problèmes de la Chine. » The Financial Times [5]

2.1 De grandes différences

La Chine est un État-nation, mais, en fait, c’est un pays avec les proportions et la diversité d’un grand continent. Elle compte autant d’habitants que l’Europe occidentale, l’Europe de l’Est, les pays arabes, la Russie et l’Asie centrale ensemble. En outre, sur le plan du niveau de vie, elle présente les mêmes différences que les régions précitées. Dans les provinces côtières, les habitants disposent d’un revenu moyen comparable à celui de la Roumanie. Certaines régions se situent même aux environs de la Belgique ou de la France. Dans le centre du pays, les gens ont un niveau de vie comparable à celui de l’Albanie et, dans l’ouest, qui compte pourtant une population de 200 millions d’habitants, ce niveau descend jusqu’à celui de l’Égypte [6]. En Chine, sur une distance de cent kilomètres, il est parfois possible aussi de remonter de cent ans dans le temps. Et nous ne parlons pas des cinquante et quelques ethnies et des dizaines de langues du pays.

La Chine est donc tout sauf un pays homogène. C’est en fait un ensemble de territoires très différents les uns des autres. De même que l’Eurasien n’existe pas, « le » Chinois type n’existe pas vraiment non plus. Il serait donc totalement hors de propos de vouloir généraliser.

2.2 Tiers monde

En Chine, il existe des régions qui soutiennent très bien la comparaison avec les pays riches. Mais, si nous considérons le pays dans son ensemble, c’est encore jusqu’à nouvel ordre un pays du Tiers monde. Pour ranger un pays dans cette catégorie, on recourt à trois critères : l’Indice de développement humain (IDH), le PNB par habitant et le salaire moyen. Les trois critères ne laissent subsister aucun doute : La Chine est toujours un pays « en voie de développement ».

Si on examine l’IDH, le pays figure au 104e rang mondial (sur 186 pays). C’est nettement plus haut que l’Afrique, mais encore en dessous de l’Amérique latine. Pour le PNB par habitant, il se situe au 91e rang. Le PNB par habitant en France est huit fois plus élevé que celui de la Chine [7] et le salaire moyen est presque neuf fois plus élevé. [8]

Cela n’a donc guère de sens de comparer la Chine aux pays du Nord. Pourtant, c’est ce qui arrive constamment. La Chine est considérée avec un regard européen et ses prestations sont mesurées à l’aune de celles de pays riches. C’est comme si on comparait les prestations sportives d’un amateur débutant à celles d’un athlète professionnel de haut niveau. Si on veut comparer la Chine, qu’on le fasse avec des pays comparables, c’est-à-dire avec des pays du Sud. C’est ce que nous allons faire dans le paragraphe suivant.

2.3 La comparaison avec des pays comparables

Afin d’évaluer la situation sociale de la Chine, nous recourons à un certain nombre de critères qui sont indicatifs d’un développement social minimal : le logement, les infrastructures et, plus particulièrement l’électricité, la violence, la sécurité alimentaire, l’alphabétisme, la mortalité infantile, la pauvreté, l’emploi et la situation des enfants et des femmes.

Le logement

L’une des plaies les plus frappantes des pays du Sud, ce sont leurs gigantesques bidonvilles. Dans des villes comme Manille, Mumbai, Lagos, Buenos Aires et bien d’autres, des millions et des millions de gens vivent entassés les uns sur les autres dans des conditions indignes. Pas la moindre trace de cela, en Chine. C’est le résultat du système hukou, dont on a beaucoup parlé. [9] Entre 2005 et 2015, on estime qu’un tiers de tous les Chinois occuperont un nouveau logement. C’est presque autant que toute la population de l’Europe [10].

L’électricité

Sans électricité, pas de réfrigérateur, d’éclairage, de ventilateur, de télévision, de machine à laver, ni d’autres appareils ménagers. Environ 27 % des gens des pays en voie de développement doivent pourtant se passer de ces équipements élémentaires. En Chine, ils ne sont plus que 0,6 %. [11]

La violence

La plupart des pays du Sud sont infestés par un taux élevé de violence. Sur ce plan, la Chine présente des statistiques excellentes. Les pays riches comptent deux fois plus d’homicides par habitant que la Chine. En Asie, on en est à quatre ou six fois plus et, en Amérique latine, vingt fois plus, même. [12] L’image est similaire pour le nombre de journalistes assassinés. Avec ces chiffres il vaut mieux rester modeste en Europe. [13]

La sécurité alimentaire

En Chine, 5,5 % de la population est encore confrontée à la sous-alimentation. Ce nombre diminue progressivement. En Inde, par contre, il est de 24 %. Le nombre de gens souffrant de la faim y a même augmenté, ces dix dernières années, et de près d’un cinquième. [14]

La mortalité infantile, l’analphabétisme et la pauvreté

La mortalité infantile est peut-être encore le meilleur indicateur du développement social d’un pays, parce qu’on y retrouve un ensemble de facteurs : les soins de santé, l’alimentation et l’eau potable, le taux de scolarité de la mère, le logement, l’hygiène. Sur ce plan, la Chine s’en tire nettement mieux. Au Pakistan, il meurt cinq fois plus d’enfants et, en Inde, 3,5 fois plus. [15] En Inde, l’analphabétisme est six fois plus élevé et, au Pakistan, sept fois. Le pourcentage de pauvreté extrême est environ deux fois plus élevé au Pakistan et trois fois en Inde. [16]

L’emploi

En Chine, les conditions de travail sont loin d’être idéales et, plus particulièrement, pour les 150 millions de migrants internes. Mais, une fois encore, il est bon de mesurer cette question à l’aune de la situation dans la région et dans d’autres pays du Tiers monde.

Une grande plaie, sinon la pire, pour les travailleurs, c’est le travail informel. Il n’offre pas la moindre sécurité juridique, ni sécurité sociale, mais, à coup sûr, un revenu particulièrement bas et incertain. Sur ce plan, la Chine est nettement mieux lotie que les pays de la région. [17] Il convient en outre d’ajouter que le travail informel en Chine est dans bien des cas du travail semi-formel, avec une certaine forme de sécurité juridique et de sécurité sociale. [18]

Cette année, l’objectif est de conclure des conventions collectives de travail (CCT) dans 80 % des entreprises où un syndicat est présent. [19] Dans la plupart des grandes entreprises, ainsi que celles à capitaux étrangers, il y a une représentation syndicale. À l’échelle mondiale, 15 % seulement des travailleurs bénéficient d’une CCT. [20]

Jusqu’il y a peu, la Chine passait pour un pays à très bas salaires. Cette époque est révolue. En 2009, le salaire minimal en Chine était environ le double de celui de l’Inde. [21] Le salaire moyen chinois était quatre fois plus élevé qu’au Vietnam, trois fois plus élevé qu’aux Philippines, deux fois plus élevé qu’en Indonésie et une fois et demie plus élevé qu’en Thaïlande. [22]

Les enfants

En Chine, on ne rencontre pas ces nuées d’enfants mendiants qui constituent une composante du paysage des rues dans de nombreuses villes du Tiers monde. Le travail des enfants a pratiquement été éliminé. Sur ce terrain, l’Organisation internationale du travail (OIT) met en exergue la Chine et le Brésil en tant que pays modèles. [23] Cela contraste étonnamment avec l’Inde, par exemple, où 17 millions d’enfants n’échappent pas au travail et 1,2 million à la prostitution. [24]

Les femmes

Un travail décent dans l’existence n’est pas tout, mais, pour les femmes, c’est souvent une condition de base pour l’émancipation et l’autonomie financière. En Chine, 70 % des femmes ont un emploi ou en cherchent un ; en Inde, elles ne sont qu’un quart. 81 % des femmes diplômées en Chine ont du travail, alors qu’elles ne sont que 34 % en Inde. [25] Dans le reste de l’Asie, la situation ne diffère guère de celle de l’Inde. [26]

2.4 Évolution

Telle est la situation en ce moment. Mais, dans le cas de la Chine, cette situation évolue à la vitesse de l’éclair. Tout d’abord, sur le plan de l’économie. Une croissance annuelle de 10 % signifie un doublement tous les 7 ans et donc une multiplication par 4 après 14 ans, par 8 après 21 ans et par 16 après 28 ans. Entre 1980 et 2015, le PNB par habitant au Brésil aura crû d’environ 50 %, en Inde de 300 % et en Chine de… 1850 %. [27]

Au début de la révolution chinoise, le pays était l’un des plus pauvres et des plus arriérés de la planète. Le PNB par habitant était à la moitié de celui de l’Afrique noire et au sixième de celui de l’Amérique latine. Avec de tels chiffres sous les yeux, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi « devenir riche » constitue une telle obsession pour les Chinois. Ils viennent réellement de très loin. Soixante ans plus tard, cette situation a considérablement changé. La Chine se situe aujourd’hui au niveau de l’Amérique latine et elle a laissé l’Afrique loin derrière elle.

Dans de nombreux pays, la croissance économique ne se traduit pas par une diminution (proportionnelle) de la pauvreté. En Chine, c’est pourtant le cas. Les différences avec deux autres pays du BRIC sautent aux yeux. [28]

Au niveau mondial, ces vingt dernières années, on a assisté à une forte diminution de l’extrême pauvreté ($ 1,25). La chose a été toutefois due en grande partie aux efforts de la Chine sur ce plan. [29] Une telle élimination massive de la pauvreté, comme c’est le cas pour la Chine, était quoi qu’il en soit sans précédent dans l’histoire du monde.

Cette forte régression de la pauvreté découle surtout de l’augmentation des salaires. Pour l’instant, le salaire, en Chine, double tous les six ans. [30] Aucun autre pays ne propose des prestations similaires. La Chine est occupée à perdre son statut de pays à bas salaire à une cadence rapide. Une belle illustration de la chose, c’est l’évolution des salaires chinois comparée à celle du Mexique. [31] Ce qui impressionne surtout, c’est la vitesse à laquelle cela se produit, combinée au nombre particulièrement élevé de travailleurs concernés.

SUITE :link

 

Commenter cet article

S
<br /> Je suppose que, comme la Chine, Haïti à un sérieux problème d'image en Occident et doit faire partie des "autres pays du Sud" dans le même cas quant au traitement journalistique.<br /> <br /> <br /> L'agence China Inspection révêle que c'est bien la voracité des donneurs d'ordres occidentaux dans le domaine de la sous-traitance industrielle qui est la cause de la "mauvaise qualité" de<br /> certains produits chinois et, par conséquent, de leur mauvaise image. Le comble donc, ces pays arrivent par leur propagande à vous faire prendre votre vessie pour une lanterne et à<br /> tirer profit d'une situation négative en inversant la vapeur et en s'en sortant bien, faire un mauvais coup et en accuser les autres...Le pire, c'est que l'imbécile en Occident gobe tout ce qu'on<br /> lui raconte...En fait la presse n'est pas libre en Occident, tout le monde le sait sauf les lecteurs malheureusement. Quand je suis en Europe et que je l'affirme, les gens ne veulent pas me<br /> croire...preuve que le brain wash fonctionne bien... <br />
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