Extraits sélectionnés par moi-même/même
en rapport avec les
VIP du Collectif Non à la commémoration du bicentenaire de l'Indépendance d'Haïti
qui ont été décorés, quelques temps après leur forfait commis en 2004,
du "hochet" napoléonien.
Trouillot Lyonel décoré par Mitterrand Frédéric à Port-au-Prince
"Je précise fugacement car, réflexion faite, je persiste. En raison d'un fait d'histoire dont j’espère que l'évocation ne choquera pas (trop) nos quelques lecteurs (il y en a forcément) ayant honorablement mérité de recevoir la Légion d’honneur. M’intéressant de plus près à l’histoire de l’Ordre national de la Légion d’honneur (ici le site de sa Grande Chancellerie), je suis en effet tombé sur une coïncidence qui, au-delà du journalisme, me conforte dans ce rejet principiel.
C’était donc il y a un peu plus de deux siècles. En 1802, précisément. Au sortir de son aventure révolutionnaire, la France invente alors, avec Napoléon Bonaparte et son futur empire personnel, institué en 1804, ce mal qui continue de la ronger, le bonapartisme. Devenu par la suite césarisme républicain, sous l’aspect du présidentialisme, il est au régime présidentiel – Mediapart ne cesse de le documenter – ce que l’absolutisme est à la monarchie ou l’intégrisme à la religion : un excès, une pathologie, une corruption.
Or cette année-là, pratiquement le même jour, le régime napoléonien prend deux décisions dont le rapprochement est bavard. Le 19 mai 1802, il institue l’Ordre national de la Légion d’honneur, système de décorations toujours en vigueur et supposé récompenser des « mérites éminents » militaires ou civils rendus à la Nation (le texte de la loi du 29 floréal an X est ici). Puis, le lendemain, 20 mai 1802, il rétablit l’esclavage dans les colonies, effaçant d’un trait de plume la loi qui, en 1794, l’avait aboli au nom du droit naturel, ce droit des hommes à naître libres et égaux (le texte de la loi du 30 floréal an X est consultable ici).
Deux hiérarchies en somme. L’une de distinction, l’autre d’oppression. D’un côté, ces hommes que l’on « mène avec des hochets » comme le dira non sans mépris Bonaparte pour justifier cette « reprise des formes monarchiques » après l’égalitarisme révolutionnaire. De l’autre, cette part de l’humanité, noire de peau, à laquelle on dénie l’humanité même en la plaçant dans la servitude, en la vendant comme une marchandise, en ayant droit de vie et de mort sur elle.
L’invention de la Légion d’honneur et le rétablissement de l’esclavage ont donc bien partie liée, ne serait-ce que par leur concomitance. Et si l’esclavage a heureusement disparu, la servitude volontaire, hélas, a encore de beaux jours devant elle. La Légion d’honneur ayant été, de plus et depuis belle lurette, dégradée par sa remise trop fréquente à des personnages trop peu recommandables – ce dont s’est ému un ancien sénateur gaulliste, Henri Torre, qui l’a récemment refusée avec éclat, tout comme l’ancien ministre communiste Jack Ralite –, on se prend à rêver d’une refondation républicaine qui, au nom de l’égalité retrouvée, la sortirait de notre présent pour la reléguer, enfin, au musée du passé."
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