... quelque chose qui m'a toujours semblé inexplicable chez le Dr DELPÉ. Le fait qu'il ait accepté de vivre en Haïti parmi ces anciens bourreaux dont les ministres d'État, qu'il n'ait jamais porté plainte contre eux et qu'il ait repris et poursuivi son combat avec la même détermination, le même espoir en un changement de politique permettant une restructuration des institutions du pays.
Abnégation, application de la doctrine chrétienne du pardon, absence de croyance dans la justice haïtienne, peur de représailles, patriotisme ? Difficile de connaître les motivations du DR DELPÉ dans la mesure où nul journaliste ne s'est intéressé à appréhender cet angle de sa personnalité.
LE « DJAK » AUX CASERNES DESSALINES
Turneb Delpé, chirurgien et membre fondateur du Parti national démocratique progressiste haïtien (PNDPH) a été arrêté à l’aube du 1 novembre 1984 à Port-de-Paix en même temps qu’Estève René, Joseph Mirtilien, Jean-Paul Duperval et Paulux St-Jean. Les policiers qui les ont interpellés dans la rue n’avaient pas de mandat d’arrêt. Ces hommes n’ont pas été informés des motifs de leur arrestation .
Turneb Delpé a été emmené aux Casernes Dessalines à Port-au-Prince où il est resté jusqu’à la fin de décembre 1984, date de son transfert au Pénitencier national. Il a été remis en liberté le 30 avril 1985. Pendant sa détention aux Casernes Dessalines il a été maintenu au secret dans une cellule en sous-sol d’un peu plus de quatre mètres de long et un mètre de large. Il était complètement isolé, échangeant simplement quelques mots avec les gardiens au moment de la distribution des repas.
Il a déclaré : « Aux Casernes Dessalines, le personnel nous harcèle continuellement : oralement, menace de bastonnade. Tout refus d’obéir est suivi de bastonnade. J’ai subi 43 interrogatoires par le chef de la police, les ministres d’État, de l’Intérieur et de la Défense nationale, par le chef de la sécurité du Palais national, les membres de la commission d’enquête nationale (personnel militaire). L’interrogation portait sur les aspects suivants : activités politiques et sociales en Haïti, croyances politiques, appartenance politique, données biographiques, connaissances militaires, lutte armée, le PNDPH, son comité central et vulgarisation desnoms»
Aux Casernes Dessalines, Turneb Delpé a été torturé à cause de son « refus de répondre à certaines questions ». Il a déclaré : « Ils promettent de ne plus vous frapper si vous collaborez avec eux. » Il a été soumis à plusieurs formes de torture, notamment des coups, des gifles, et le djak, méthode dans laquelle la victime a les bras et les jambes pliés et attachés ensemble ; elle est ensuite suspendue à un bâton passé dans le creux des genoux et des coudes, ce qui la met en position accroupie, le dos rond. Dans cette position, « on vous laisse rouler par terre, on vous applique une bastonnade aux fesses, cuisses et au dos. » Les tortures psychologiques consistaient en menaces de mort, isolement, humiliation, privation des objets essentiels comme les vêtements, l’eau, une brosse à dents, réveil brutal en pleine nuit et nudité complète.
Turneb Delpé a été accusé de « complot contre la sécurité de l’État » ; il n’a toutefois pas été jugé. Remis en liberté le 30 avril 1985 à la faveur d’une amnistie générale proclamée par Jean-Claude Duvalier, il a été autorisé à quitter Haïti pour les États-Unis.
DEVOIR DE MÉMOIRE : LA TORTURE SOUS LE RÉGIME DES DUVALIER
TORTURE ET AUTRES FORMES DE TRAITEMENT CRUEL, INHUMAIN ET DÉGRADANT (3èmepartie) La torture et les autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant constituent des violations du droit ...
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