« Ce qui est historique advient d’une certaine manière. »
Herbert Marcuse
L’acte de commémorer est généralement vécu comme un rappel du « modèle initial », une remémoration de l’« acte fondateur », un retour à une « origine primordiale ». Il remplit la même fonction : il légitime les choix effectués et sanctifie les valeurs partagées ».
Mondher Kilani
L’idée d’écrire cet article remonte aux manifestations et troubles politiques qui ont émaillé le pays le 1er janvier 2004, qui ramenait le bicentenaire de la Révolution haïtienne. A l’époque, je me trouvais à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) dans le cadre d’une formation de spécialisation en fonction publique internationale coordonnée par l’École Nationale d’Administration (ENA, Paris), l’Institut des Nations Unies pour la Recherche et le Développement (UNITAR) et l’IRIC. A ce moment-là, des camarades africains et antillais m’ont appris qu’ils ont vu à la télévision des images de violence et de trouble en Haïti dans le contexte du bicentenaire de sa Révolution. Comme Haïtien, j’éprouvais un sentiment de honte, de faiblesse et de gêne face à ces camarades pour qui la Révolution haïtienne se faisait aussi, car son idéal était de donner à l’homme noir sa dignité face à la structure raciale, raciste, coloniale et esclavagiste du monde moderne européen.
Tout ceci pour dire que la rédaction de cet article n’est pas dictée par l’actualité – d’ailleurs, je ne suis membre d’aucun parti politique - mais plutôt elle relève d’une préoccupation de longue date qui me travaille sans cesse. Cette préoccupation se transforme en une nécessité d’analyse et de réflexion pour aider à mieux comprendre ce qui ne va pas, ce qui est intolérable, ce qui est indigne de la Révolution haïtienne. En empêchant de commémorer une date nationale, les politiciens haïtiens ont banalisé la mémoire nationale, ont souillé une date sacrée et intouchable. Que l’on soit d’accord ou pas avec le pouvoir établi, il faut du respect pour le 1 er janvier, pour les héros de l’indépendance. Par exemple, il serait difficile qu’en France le Parti Républicain empêche un président du Parti Socialiste de commémorer le 14 juillet, car cette date fait partie du mythe national. Cela ne se passerait pas en France, vu qu’en général les politiciens de ce pays sont de haute culture, ont une grande formation académique. La plupart d’entre eux sortent de l’ENA où j’ai eu la chance d’étudier pendant un certain temps, malgré mon origine paysanne.
Date historique, problème de légitimité et crise symbolique en Haïti
Soumis à AlterPresse le 24 janvier 2022 " Ce qui est historique advient d'une certaine manière. " Herbert Marcuse L'acte de commémorer est généralement vécu comme un rappel du " modèle initi...
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