... dans la jouissance de la pratique du mépris, de l'humiliation de l'autre. Les termes utilisés par cet homme sont, bizarrement, les mêmes qui étaient utilisés contre les juifs
Je relis, en ce moment où ressurgit de toutes parts la " bête immonde", Si c'est un homme de Primo LEVI, témoignage de son "vécu" dans le camp de travail à Monowitz, près d'Auschwitz.
Voici un passage dans lequel est décrit les différents statuts des prisonniers
Celui de ceux surnommés "musulmans" - rien à voir avec la religion mais par rapport au degré de déshumanisation. Il est quand même intéressant que ce qualificatif de "musulman " ait été attribué aux juifs les plus faibles.
" Tous les musulmans" qui finissent dans la chambre à gaz ont la même histoire, ou plutôt ils n'ont pas d'histoire du tout (...) Dès leur arrivée au camp, par incapacité foncière, par malchance, ou à la suite d'un incident banal, ils ont été terrassé avant même d'avoir pu s'adapter. Ils sont pris de vitesse : lorsqu'enfin ils commencent à apprendre l'allemand et à distinguer quelque chose dans l'infernal enchevêtrement de lois et d'interdits, leur corps est déjà miné(...) Leur vie est courberais leur nombre infini. Ce sont eux les Muselmänner, les damnés, le nerf du camp, eux la masse anonyme (...) On hésite à les appeler des vivants : on hésite à appeler mort une mort qu'ils ne craignent pas parce qu'ils sont trop épuisés pour le comprendre"
Voici la description des juifs prominents :
"La voie principale comme nous l'avons laissé entendre, est celle de la Prominenz. On appelle Prominenten les fonctionnaires du camp (...) Ceux qui nous intéressent plus spécialement ici sont les prominents juifs, car, alors que les autres étaient automatiquement investis de ces fonctions dès leur entrée au camp en vertu de leur suprématie naturelle, les juifs, eux, devaient intriguer et lutter durement pour les obtenir.
Les prominents juifs constituent un phénomène aussi triste que révélateur. Les souffrances présentes, passées et ataviques s'unissent en eux à la tradition et au culte de la xénophobie pour en faire des monstres associaux et dénués de toute sensibilité " P.97, edts Pocket
Pour illustrer ce constat Primo Levi fait le portrait de quelques uns de ces juifs prominents. Voici un extrait de celui d'Elias, matricule 141 565
"(...) Il parle continuellement, et des sujets les plus disparates, toujours d'une voix tonnante, sur un ton grandiloquent, et avec une mimique outrée de déséquilibré, comme s'il s'adressait permanence à un nombreux auditoire : et bien. entendu le public ne lui manque jamais (...) tandis qu'au milieu des rires et des applaudissements, les bras tendus vers le ciel comme un petit monstre vaticinant, le voila déjà repris par son éloquence furibonde et insensée."
" Au Lager (dans le camp Elias prospère et triomphe. (...)Pour ceux qui n'ont pas en eux de solides ressources morales, pour ceux qui ne savent pas tirer de la conscience de soi la force de s'accrocher à la vie, pour ceux-là, l'unique voie de salut est celle qui conduit à Elias : à la démence, à la brutalité sournoise."
Et Primo Levi de s'interroger :
" N'existe-t-il pas autour de nous des Elias, plus ou moins réalisés ? N'en avons-nous pas vu de nos yeux vu, de ces individus qui vivent sans but aucun, réfractaires à toute forme de conscience et de contrôle de soi ? et qui vivent non certes malgré ces déficiences, mais précisément, comme Elias, grâce à elles."
Je vous recommande la lecture de ce livre, précisément dans la période actuelle où chacun doit se préparer à toutes les infamies et surtout avant d'aller voter.
Commenter cet article