EXTRAITS
“Il fallait essayer de le désamorcer”, analyse rétrospectivement Yves Gaudeul, l’ambassadeur français de l’époque, comparant la demande de réparations à un “explosif.”
"La France et les États-Unis ont toujours déclaré que son éviction n’avait rien à voir avec la demande de restitution, accusant plutôt le tournant autocratique du président haïtien et sa perte de contrôle du pays. M. Aristide aurait été poussé à l’exil pour éviter que le pays, déjà en proie à l’agitation, ne sombre dans le chaos.
Mais Thierry Burkard, ambassadeur de France en Haïti à l’époque du départ du président haïtien, admet aujourd’hui que les deux pays ont bien orchestré “un coup” contre M. Aristide. Quant au lien entre sa brusque éviction du pouvoir et la demande de restitution, M. Burkard reconnaît que “c’est probablement ça aussi un peu.”
“Ca nous simplifiait le travail”, explique l’ancien ambassadeur.
“On était très méprisant vis-à-vis d’Haïti”, se souvient M. Gaudeul. “Ce qu’on ne pardonnera jamais, je crois, à Haïti, au fin fond de nous-mêmes, c’est que c’est le pays qui nous a vaincus.”
"Un groupe de 130 intellectuels haïtiens qualifie la campagne pour la restitution de “tentative désespérée” pour détourner l’attention de la “dérive totalitaire, l’incompétence et la corruption” du gouvernement de M. Aristide. Un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères déclare également que la France n’a pas de “leçons à recevoir” des autorités haïtiennes.
Mais une analyse économique du New York Times révèle que les pertes à long terme causées par les versements d’Haïti à la France pourraient être étonnament proches du chiffre avancé par M. Aristide.
Alors que M. Aristide commence à enjoindre d’autres anciennes colonies de rallier son combat, la position française passe rapidement du dédain à l’inquiétude, selon d’anciens responsables français et haïtiens. À l’automne 2003, la France nomme un nouvel ambassadeur en Haïti, Thierry Burkard. Ce dernier voit dans la campagne pour la restitution “un piège” qui risque d’ouvrir les vannes à des demandes similaires de la part d’anciennes colonies françaises.
“L’Algérie peut parfaitement réclamer, et la plupart de nos colonies” le peuvent aussi, explique aujourd’hui M. Burkard. “Ça n’avait pas de fin. Ça aurait été un précédent qu’on nous aurait énormément reproché”.
La France passe rapidement à l’action. Peu après la prise de poste de M. Burkard, le ministre des Affaires étrangères nomme une commission présidée par le célèbre philosophe Régis Debray. La commission est officiellement chargée d’identifier les moyens d’améliorer les relations franco-haïtiennes. Mais officieusement, une autre mission est définie clairement, selon M. Burkard et M. Debray : détourner la discussion du sujet de la restitution.
Comment la France a riposté aux demandes de réparations d'Haïti
Lynsey Addario for The New York Times Jean Max Benjamin/Associated Press Federico Rios for The New York Times Le mot, lâché à mi-discours, fait l'effet d'une bombe. " Réparation !", tonne ...
https://www.nytimes.com/fr/2022/05/20/world/haiti-aristide-france-reparations.html
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