..."c'est assez bon pour eux. " Et ceci parce qu'à mon avis le ministère de l'Éducation nationale ne s'est pas préoccupé d'établir des normes, de former les enseignants et d'exercer un contrôle, ne serait-ce sur leur façon de s'exprimer avec leurs élèves.
Quand vous dégradez votre langue maternelle, c'est votre propre personne que vous méprisez. Par exemple, quand vous utilisez des termes comme " kraze, plimen, manje" pour désigner l'acte sexuel, vous croyez que des expressions équivalentes n'existent pas en français ? Mais est-ce que vous croyez que des journalistes les utilisent ? Est-ce que vous mesurez l'impact négatif que de tels mots exprimant la violence dans les relations sexuelles ont sur les jeunes hommes qui vous écoutent ?
Est-ce que vous ne pensez pas que, plus que les tenues des jeunes femmes utilisées comme excuses (Courtoisie V. NUMA) ces vocables encouragent la culture du viol ?
Les enfants des classes moyennes et aisées font leurs études en français et parfois en anglais, ce qui signifie que le créole ne représente pour ces catégories que ce qu'on appelait jadis "langue vernaculaire", un dialecte et pas du tout une des deux langues officielles du pays dont les subtilités devraient être maitrisées comme le français.
D'un autre côté, ceux qui trouvent un plaisir à se dénommer " ti nèg tèt grenn" vouent le français aux gémonies, mais en même temps ne font aucun effort pour parler correctement leur langue, persuadés qu'ils sont, qu'il faut éviter de faire dans la qualité, privilégier la quantité (le pale anpil, pale fò, répéter mille et une fois la même phrase comme s'ils s'adressaient à des enfants ou bien à des "kloroxe" du cerveau.)
C'est l'idéologie du " tirès pou pèp la". Du "c'est assez bon pour eux". L'idéologie du ravalement par le bas qui entretient le "pito nou lèd nou la" barricadant les créolophones dans une sorte d'enclos dans lequel et l'usage de la langue, des religions et de ce qu'ils appellent "mystique" les enferment.
Et il ne vous est pas difficile de comprendre pourquoi les bêtises, les grossièretés déversées par MARTELLY à l'encontre de feu Mme Liliane Pierre-Paul ont trouvé un écho favorable dans la société. Ou comme j'en ai parlé ici son "putain" adressé à une jeune femme dans une assemblée publique. Ou comme je l'ai mentionné également les saletés exprimées par MORVAN, TT sur deux femmes avec lesquelles ils étaient en conflit, reprises et abondamment diffusées par leurs partisans sur le net.
La pornographie de l'ex-président de la République, s'exprime en créole. Il n'aurait jamais osé utiliser le même vocabulaire en français. Pourquoi ?
Parce qu'il existe une délimitation entre ce qu'on peut dire en créole et qui a pour cible le "tirès pou pèp la" et ce qui se prononce en français, ou en anglais qui s'adresse de préférence aux lettrés avec force tournures désuètes, formules de politesses alambiquées, rodomontades qui, comme dans un langage codé , envoient des messages subliminaux reçus 5/5 par cette minorité.
On assiste donc à un fossé que l'élection du créole en langue officielle a -au lieu de le combler-, approfondi en abaissant le créole plutôt que de l'élever. Mouvement qui reflète les inégalités économiques dans le pays.
Ce pourquoi je déplore que les textes des intellectuels conséquents comme ici celui de LODIMUS , L Péan, E Renoncourt, Patrick Ely, Eddy Cavé, entre autres ne fassent pas l'objet d'une traduction à l'orale en créole pour être accessibles au plus grand nombre.
Même si ces textes paraissent compliqués et c'est justement parce qu'ils peuvent le paraître qu'ils sont susceptibles d'être analysés, discutés. Marcus Garvey disait qu'il est nécessaire de converser avec des personnes qui possèdent des connaissances que vous n'avez pas, plutôt qu'avec celles qui vous confortent parce qu'elles ne vous apportent rien que vous ne connaissiez pas, et dont le seul résultat est d'éveiller des curiosités malsaines et d'aligner des poncifs.
Vous ne pouvez vous attendre à un changement radical en Haïti - même en admettant que les gangs soient matés et une relative sécurité retrouvée- s'il n'existe pas de circulation des idées dans la société.
Un attelage de deux chevaux dont chacun va dans une direction différente, même si celui qui le conduit fouette horriblement les chevaux, peut-il finir autrement que fracassé ?
C'est tout à fait compréhensible que l'affaire du canal vu ce qu'elle représente symboliquement et économiquement retienne l'attention des youtubeurs. De même celle des crimes commis par les gangsters.
Cependant, de par mes observations, si le désordre actuel en Haïti a pu atteindre un tel niveau de violence, d'irrationalité, de perversion, c'est en partie causé par la rupture volontairement créée et acceptée par les intellos entre eux et la majorité de la population.
Quand avez-vous vu un texte d'Ayibopost, de La loi de ma bouche, cité et commenté par un marchand de micro, un journaliste, un youtubeur ? Pas que je m'en souvienne. Aucune interaction, aucune transmission, aucune réflexion de fond sur des sujets : environnement, changement climatique, énergie, éducation, santé, agriculture, urbanisme, habitat, transports, philosophie, métaphysique, sciences, techniques, communication, management, en l'absence desquelles une société ne peut répondre aux aspirations de sa population et relever les défis du futur.
Alors, experts en linguistique, faîtes un effort, mettez la main à la patte pour créer une chaîne Youtube consacrée à la traduction en créole de textes ou 'extraits de textes offrant une contribution importante pour une prise de conscience des citoyens.
Pitié, Ms dames, ne faîtes pas dans l'immonde "tirès pou pèp la;" La population haïtienne a la capacité -quoiqu'en pense ses nombreux détracteurs nationaux et étrangers- de relever les défis du futur. Faut-il encore qu'elle ne soit pas conduite dans les chemins qui ne mènent nulle part, dans un spiralisme sans fin, dans la répétition du pareil au même, du manichéisme "aussi simple que ça" qui la réduit à la simple expression d'un ventre ouvert à toutes les saloperies.
Car, si "sak vid pa ka kanpe", Aimé Césaire disait aussi que l'humanité ne vit pas seulement de pain. Et nous savons à partir des recherches scientifiques que des neurones et synapses qui fonctionnent bien sont une garantie de bonne santé physique et mentale.
La belle leçon de courage évoquée dans le texte de M. LODIMUS est un exemple de cette capacité de la population à comprendre les enjeux. Et comment avec la participation des intellectuels non dévoyés, cette leçon de courage pourrait fleurir dans tout le pays.
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