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Où vont ces pas hésitants
Qui titubent sans complainte
Dans le silence frémissant
Des nuits sans étoiles ?
Où vont-elles,
Ces loques humaines,
Aux regards éteints,
Qui marchent à la file indienne,
Les lèvres soudées,
Le cœur compressé
Et les mains encordées ?
Ils vont dans ce vaste enclos
De lambeaux de chair suspendus
Sur des poteaux de fémurs,
Et sur des bancs de crânes
Blanchis sous la chaleur ardente
D’une forge hécatombale.
Ils vont là,
Dans ces lieux lugubres,
Où l’aurore ne se lève pas
Sur les aubes des horreurs.
Écoutez camarades
Les râles des pioches défaillantes
Qui entaillent le cœur endolori
De la nature pleurarde.
Encore du sang frais
Pour davantage rougir
Le coquelicot d’Eurasie!
La terre continue d’élargir ses flancs
Pour engouffrer les âmes éclopées,
Jadis écrasées sous les sabots
Des rosses d’un automne meurtrier.
Où mènent aujourd’hui
Ces traces de pas
Que les pluies rageuses
N’arrivent pas à gommer
Comme une feuille crayonnée?
Ils vont à Canaan,
Village de Dieu,
Martissant,
Mariani,
Cité Soleil,
Bel Air,
Delmas 2,
Pernier,
Tabarre,
Grand Ravine…
Enfin,
Là où les ombres de nos souffrances,
Comme des bacchantes,
S’exhibent sur les foulées
D’une éternité égorgeuse.
La nuit commence à tomber.
Un jour nouveau va se lever :
Car à minuit,
Sous le ciel entaillé
De la Caraïbe,
Mes camarades et moi,
Dans la saison
Des pluies et des orages,
Reviendrons valser
Sur les paroles
Et les crépitements De Mokhtar.
Robert Lodimus
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(Robert Lodimus, Des pas dans la rivière carnassière, ouvrage inédit)
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