Ce discours prononcé en 2021 par le futur vice-président étasunien J.D. Vance refait surface ces temps-ci. Il était alors candidat déclaré à un siège de sénateur dans l’Ohio (il fut élu en novembre 22), et orateur invité à la National Conservatism Conference II.
Lien pour ceux qui ne peuvent lire la vidéo incrustée ci-dessus. Les sous-titres ne sont disponibles qu’en anglais, mais ça se comprend bien – Vance parle clairement, et c’est un bon orateur.
Ça fait froid dans le dos — autant, à mon avis, que son récent discours à Munich. Cohérent, direz-vous, pour un homme qui finira colistier de Trump ?
Oui, mais. Les discours de Trump sont un galimatias copieusement assaisonné de haine, de mépris, d’obscénités, d’absurdités et de beauferies, mais surtout sans queue ni tête, tant grammaticalement que logiquement — pas moyen d’y trouver la moindre cohérence ni même une seule idée directrice. On sent à chaque phrase l’improvisation d’un type dont le temps d’attention doit friser les trente secondes. Ça ne convainc que les déjà convaincus ou les abrutis.
Vance, lui, a un discours cohérent, calme, posé, et remarquablement construit. Pour défendre son idée paradoxale et terrifiante — pour le bien des Etats-Unis et de leurs citoyens, il faut cesser d’envoyer les ados à l’université — il sert des périodes bien senties, complexes, grammaticalement correctes. Et avec des arguments, alternant avec maestria entre demi-vérités, approximations tendancieuses, omissions soigneusement calibrées, citations "d’études" ou "d’articles" dont il a, à chaque fois, "oublié" la référence, mais servis avec un aplomb sans faille ; et de temps à autre des points plus consensuels, ou des exemples probablement réels* mais isolés et caricaturaux montés en mayonnaise, pour renforcer la crédibilité de l’ensemble.
* J’avoue, j’ai eu la flemme de vérifier. Mais les universités américaines sont bien capables de certaines au moins des choses dont les accuse Vance. Ça n’enlève rien à la monstruosité de son argumentation.
On discute souvent de savoir si Trump est fasciste. Comme j’ai argüé dans une réponse[1] à propos de Marine Le Pen, je pense que l’étiquette n’a pas tant d’importance (ce qui compte, ce sont les actes), et que sa définition ne fait pas complètement consensus. Il y a déjà plus de vingt ans, une excellente analyse[2] (reposant sur la définition de Robert Paxton, pas vraiment un politologue de café du commerce) du cas de George W. Bush concluait que l’élément-clé qui manquait pour qualifier ce dernier de fasciste était la violence. Le 6 janvier 2021 oblige à revoir cette appréciation dans le cas de Trump.
Fasciste ou pas, Trump est égomaniaque, prétentieux et méprisant au-delà de toute mesure, intellectuellement très limité, menteur, intolérant, sexiste et raciste sans complexe. Un vrai harceleur de cour d'école.
Vance est un Big Brother intello en puissance. Il rêve de remplacer le ministère de l'Education par le Ministère de la Vérité.
Pendant son premier mandat, il m’est arrivé de rêver[3] qu’il arrive un accident malencontreux à Trump. Un Mike Pence président me paraissait encore pire pour les États-Unis, mais moins dangereux pour le monde. Aujourd’hui, si le bouffon orange casse sa pipe, ce sera J.D. Vance à la Maison-Blanche.
Je n’ose même pas commencer à imaginer.
Notes de bas de page
[1] Réponse de Simon Labrunie à Est ce que Marine le Pen est fasciste ?
[2] a diagnostic guide
[3] Simon Labrunie's answer to Would you care if Trump was assassinated? The majority of sensible people would prefer him gone.
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