La rançon de la défaite
Les dés son jetés.
Aujourd'hui aura lieu la grand-messe financée par l'étranger
pour doter Haïti d'un président
qui saura appliquer le programme du Plan Collier.
Les élections qui devraient
être une fête de la démocratie
se présentent au contraire comme une fête à la prédation.
C'est tragique, parce que les Haïtiens qui ont été soumis
à tant d'injustices au cours des ans
et qui se sont tant battus
pour sortir leur pays du "faire noir" imposé il y a une cinquantaine
d''années - au moins- par l'international
pour préserver la Caraïbe de la contagion
du communisme,
sont donnés d'emblée perdants.
C'est tragique, parce que les Haïtiens
qui se sont battus avec courage depuis l'indépendance du pays,
proclamée en 1804,
pour créer une nation de liberté, fraternité et égalité
ont échoué face à la campagne médiatique organisée
contre la jeune nation dès sa création;
face aux nombreux chantages économiques
dont la dette de l'indépendance
qui l'ont empêché de se développer;
face à la complicité des Haïtiens eux-mêmes des classes moyennes
et des commerçants du bord de mer
dont la plus symbolique manifestation de duplicité a été
le boycott de la commémoration du bicentenaire de l'Indépendance.
Et le retour officiel des duvaliéristes aux commandes du pays.
Les intellectuels, pas tous heureusement
- mais ceux que j'ai
nommé les zentellectuels pour leur usage immodéré des zen (ragots)
et leur méconnaissance totale/capitale du rôle de l'économie
dans une société-
en privilégiant l'anecdote au fondamental,
l'émotion à la raison
ont une grande responsabilité, en 1957
comme en 2004, dans le saccage de la société haïtienne.
Depuis l'ouverture de ce blog,
j'ai avec patience répété, analysé
démontré à partir de comparaisons et d'analogies
avec des événements qui se passent ailleurs dans le monde,
-comme par exemple la faillite économique actuelle de l'Irlande,
le fameux" tigre celtique",
que la manie de ces zentellectuels de vouloir faire de la réalité haïtienne
une somme de paradoxes, n'était rien d'autre qu'un masque pour
dissimuler la lutte des classes
et l'accaparement des ressources du pays et du savoir par une minorité.
Il n'y a absolument rien de paradoxal à ce que Haïti compte un grand nombre d'écrivains
alors que la majorité de la population est analphabète.
Dans la Russie des tsars, on peut faire le même constat.
De plus, en Haïti, l'usage et la maîtrise du français
a été la chasse gardée d'une minorité
qui, sous prétexte de défense de la "civilisation",
a refusé de mener une campagne réelle d'alphabétisation en créole
et de production de matériaux pédagogiques dans cette langue.
Une réforme qui aurait permis à la majorité de la population de sortir
de son isolement et d'avoir les moyens de se positionner comme des acteurs
à part entière en savoir à ceux qui en ont fait leur monopole.
La classe moyenne, elle-même, se serait dynamisée grâce à cette compétition
au lieu de se morfondre dans la répétition, les mensonges, l'infantilisme
le ressassement, la bigoterie et le faire semblant.
Les élections d'aujourd'hui, sont le résultat d'un ensemble de capitulations
de ces classes moyennes qui- au moins depuis 1957-
et récemment en 2004
se sont désolidarisées de la majorité de la population
se sont désintéressés du bien commun
- on voit comment elles ont exiggé le gel des fonds de la BID
pour l'amélioration du système d'eau potable dans l'Artibonite, précisément
en 2001/2002/2003/2004 etc.-
Ces classes moyennes se sont intéressées uniquement à régler
leurs propres petites affaires
pour s'aligner du côté de ceux qui possèdent l'argent, les média et les armes.
Les élections d'aujourd'hui, 28 septembre 2010, marquent un véritable tournant
dans l'histoire de la République d'Haïti.
Elles consacrent la mise sous tutelle du pays et de ses dites élites politiques
par la communauté internationale.
Elles consacrent le passage vers un nouveau système économique
qui grâce aux changements
de la constitution programmés et prévus dans le plan Collier
autorisera la vente des terres d'Haïti aux sociétés étrangères
qui souhaitent en faire des plantations de mangos et d'agrocarburants.
Les Haïtiens, secoués par le séisme, malades du choléra
seront chassés de leurs lopins de terre,
mis au travail sur les plantations
et si tout se passe comme prévu dans le plan,
interdits de séjour à Port-au-Prince,
qui devrait être entourée d'un mur comme celui en construction autour
de Bagdad.
Si le choléra est là pour durer, selon l'OMS
les camps de réfugiés à l'intérieur du pays également
dans la mesure où ils représentent une réserve de travailleurs
corvéables à merci,
et un espace de désordre toléré où règnent peur, violence et impunité,
meilleurs outils pour empêcher une population de se révolter
comme dans tout système autoritaire.
Avec la restauration de l'armée au programme des candidats
favoris de l'internationale,
on se dirige vers la création d'une sorte de milice privée
au service non pas de la nation
-on se demande à qui cette armée ferait la guerre-
mais à celui des intérêts des acteurs économiques
dont - et ça c'est le plus important-
ceux qui fouillent la terre à la recherche de l'or,
comme Eurasian Minerals et d'autres qui sont sur les rangs
comme Hidalgo Minings
Et je ne peux m'empêcher en pensant au futur d'Haïti
de faire un parallèle entre l'épidémie de choléra
et les maladies qui ont infecté les populations autochtones de Ayiti
et ont aidé à la disparition de millions de personnes
au moment même de la course à l'or par les Espagnols.
Voici ce qu'il en était :
Le franciscain André Thevet, écrit Félix Reichlen, apporte son douloureux témoignage sur l'"Isle de Haity ou Espaignole" : ...Ces pauvres gens n'ont pu subsister aux charges que leur donnèrent les Espagnols... De fait les contraignaient-ils d'être tout le long du jour au soleil ou par les monts à chercher de l'or ou le long des fleuves à cribler les sablons... Si bien les ont accablés que de 900'000 personnes dont on faisait état quand les Espagnols assujettirent cette île, la plupart fut en peu de temps évanoui: Certains sont morts par le travail imposé, d'autres se firent mourir eux-mêmes pour sortir de l'enfer... Les femmes elles-mêmes se sentant grosses ont usé d'herbes avec lesquelles elles faisaient avorter le fruit qu'elles avaient au ventre."
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