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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Dimanche littérature, Lire " Gouverneurs de la Rosée"

Publié par Elsie HAAS sur 21 Juin 2009, 09:12am

Catégories : #G.CETOUTE chroniques



                                       Correspondants et Amis,
Lire : « Gouverneurs de la rosée » de Jacques Roumain par Guy Cétoute

Intertextualité dans le roman de Jacques Roumain : « Gouverneurs de la rosée » 

 La question qui se pose à nous consiste à savoir avec quel texte littéraire le roman de Jacques Roumain a-t-il le plus de liens de par son contenu ? C’est de cette quête qu’il s’agira tout au long du parcours de lecture. Nous y reviendrons. Mais d’abord, notre premier mouvement nous conduit à nous assurer de bien posséder la notion d’<intertextualité<  telle que comprise par plusieurs auteurs. Pour cela, nous devrions nous référencer en priorité à <l’intertexte< de Roland Barthes qui nous dit clairement : « tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. »

Cette première définition est complétée ou corroborée par Gérard Genette mais en utilisant d’autres concepts. En substance, il nous apporte : «  en 1982 avec Palimpsestes un élément majeur à la construction de la notion d'intertextualité. Il l'intègre en effet à une théorie plus générale de la transtextualité, qui analyse tous les rapports qu'un texte entretient avec d'autres textes. Au sein de cette théorie le terme d'« intertextualité » est réservé aux cas de « présence effective d'un texte dans l'autre ».
Si nous prolongeons la quête à Mikhaïl Bakhtine, il nous parlera de <dialogisme<  ou’<inter discursivité<, « pensé comme carrefour de discours ». Pour terminer avec Michaël Riffaterre avec lequel « L'évolution de la notion est marquée ensuite par les travaux de qui recherche la « trace intertextuelle » à l'échelle de la phrase, du fragment ou du texte bref. L'intertextualité est pour lui fondamentalement liée à un mécanisme de lecture propre au texte littéraire. Le lecteur identifie le texte comme littéraire parce qu'il perçoit « les rapports entre une œuvre et d'autres qui l'ont précédée ou suivie ». Source internet, dictionnaire Wikipédia)
Ayant compris plus ou moins la notion d’<intertextualité<, nous allons voir dans quelle mesure elle se manifeste dans l’œuvre de notre corpus. Alors, notre point de départ con cerne le mouvement même du héros dans ce qu’il veut faire et ce qu’il a fait, qui ont trait à l’ensemble de ses actes. En l’occurrence, on se demande de qui Manuel est-il le modèle le plus ressemblant de par ses actes et les valeurs qu’il a promues ? L’exemple le plus proche, dans le monde occidental, nous est apparu être Jésus Christ.

En quelque sorte, le roman : « Gouverneurs de la rosée » a emprunté son modèle dans la Bible, particulièrement dans les Evangiles du Nouveau Testament. En effet, on y retrouve essentiellement la doctrine d’amour, puis celle du sacrifice du Fils de Dieu. Pour l’ensemble de la culture biblique, on a trouvé une assimilation par certains noms de personnages. Une assimilation par les thèmes, tels que : réconciliation, concorde, sacrifice, fraternité, la symbolique de l’eau comme source du salut. Et gratuité du salut. Grosso modo,  il y est question de rédemption d’un peuple de ses péchés qui ont pour nom la division. .Donc tout un ensemble d’éléments concordants qui plaident en faveur de notre hypothèse de départ. Pour notre travail d’analyse, nous procéderons par comparaison entre ce que dit le Texte sacré en regard du contenu du roman de Jacques Roumain.
I-Le champ de l’œuvre qui forme notre corpus
Le champ de l’œuvre est prioritairement un espace religieux truffé de motifs bibliques et les constantes prières qui l’émaillent. Même s’il faut admettre que le roman est plutôt  transreligieux ou multi religieux, en ce sens qu’il est traversé par la culture vaudouesque et la culture chrétienne, cependant avec une plus grande prévalence, quantitativement, de la culture chrétienne en raison des nombreuses références bibliques qui y sont répertoriées.  Il y a un parti pris, un choix évident, conscient ou inconscient,  qui fait prévaloir systématiquement un  domaine sur un autre.

Dans cet espace diégétique féru de culture judéo-chrétienne, on recense un lexique biblique. Par exemple des expressions tells que : <Jésus-Marie la Sainte-Vierge<, de même que  <Vierge Altagrâce< et < Sainte Vierge< qui réfèrent toutes à la Mère de Jésus. Pour faire bonne mesure s’y ajoute l’expression :<bon Dieu< qui est typique du lexique de la chrétienté, par opposition à <Grand Maître< en usage dans l’univers du, vaudou. Autre exemple est l’usage du vocable <Dieu< tout court, et le groupe nominal <Père Eternel< pour conforter dans l’idée du parti pris en faveur du monde judéo-chrétien. De manière étonnante, c’est le terme <péché< qui est venu sur les lèvres de Simidor à propos de la fille de Sylvana, Charité,  pronostiquant qu’elle allait finir «  dans le péché et les mauvaises maladies » Et enfin <Satan<

Après la dimension lexicale, on peut évoquer un élément du décor judicieusement placé en un lieu stratégique, savoir l’emplacement exact où l’eau à été déterrée ; en l’occurrence : <le figuier maudit< dont la référence se trouve dans le livre de Matthieu 21 V 19, sous le nom de <figuier stérile<, à la suite de la malédiction prononcée contre lui par Jésus, en ces termes : « Tu ne porteras plus jamais de fruit »


Référence non équivoque au livre de la Genèse :
Une remarque d’Annaïse faisant valoir l’idée qu’ils se trouveraient sur <un îlet au fin fond du monde<, Manuel a rectifié pour préciser la vision du premier couple dans ce premier’ matin du monde. Il n’a voulu laisser planer aucune ambigüité sur le sens de sa pensée : « Au commencement du monde, tu veux dire. Parce que au commencement des commencements, il y avait une femme et un homme comme toi et moi ; à leurs pieds coulait la première source et la femme et l’homme entrèrent dans la source et se  baignèrent dans la vie ».

Il y a similitude de paradigme entre les deux livres sous forme de la grande opposition entre Bien//Mal, Lumière//Ténèbres, Amour//Haine ; c’est-à-dire que le même manichéisme structure les deux livres.
Et enfin similitude de statut entre Manuel et Jésus. Les deux ont été à la fois homme et Dieu, même si pour le fils de Délira il faudra prudemment utiliser le minuscule « dieu<. En tout cas, tout porte à croire que le fiancé d’Annaïse n’a pas été un homme ordinaire. Pour endosser ce rôle capital, faut-il bien que le héros sorte de l’ordinaire, qu’il arbore des traits de divinité. C’est le cas avec Manuel décrit comme un <ange de lumière< par sa mère. Ici seul le regard de la mère entre en ligne de compte, elle-même porteuse de lumière 15 : « Mais ses yeux ont une lumière de source et c’est pourquoi Bienaimé détourne le regard »Particularité que seul le regard du mari a observé. Décidément les dons de vision résident uniquement dans l’aire familiale. Manifestement quelque chose de  surnaturel enrobe la personne de Délira et de son fils.


II-Rôle important de l’onomastique
Désir mimétique par l’onomastique. Dans le Livre saint le nom est signifiant, en les reprenant, le narrateur sait pertinemment à quoi s’en tenir. D’abord se questionner sur le  nom : <Manuel< qui serait un diminutif d’<EMMANUEL<, signifiant : < Dieu avec nous<. Dans le même personnage, on trouve <jean<, le nom du disciple que Jésus aimait ; et <Joseph<, le nom du père adoptif du Fils de Dieu. Donc à lui seul, <ManuelJean-Joseph< condense tout un champ de la Bible. Puis vient un personnage connu, Lazare,  parce qu’il a été spectaculairement ressuscité : « Le pantalon, crie Lazare » Ensuite, on compte <Ismaël<, premier fils d’Abraham avec l’esclave égyptienne, Agar ;  Josaphat, un des rois d’Israël ; Sauveur, autre nom métaphorique de Jésus, qui est l’ancêtre des Bienaimé. Et enfin <Bienaimé<, proprement dit,  nom donné aux frères, dans le Nouveau Testament. Il ne fait pas de doute qu’il existe bien une volonté de <bibliser< les personnages.

III-Similitude par les thématiques
Les motifs abondent qui justifient le rapprochement entre le roman de Roumain et la Bible. Il y est question des thématiques du <salut< et de la <perdition<, les deux pôles entre lesquelles oscillent les croyants et les non croyants. Manuel en parle justement au sujet de l’importance de l’eau dans sa foncière sa symbolique : « Cette question de l’eau, c’est la vie ou la mort pour nous, la salvation ou la perdition ».
A ce premier couple, s’ajoute un second fort en usage par ses nombreuses occurrences. C’est la paire <Bénédiction< et <Malédiction< Délira est très friande de ces termes. Et, étonnamment, même Bienaimé y va de sa « <malédiction< en parlant des Espagnols.
D’autres couples, qui se déduisent de thèmes traités plutôt que d’être mentionnés littéralement. Ce sont le quatrième <Bien< et </<Mal<, puis le cinquième, <Haine/< et <Amour< Par déduction, nous extrayons les notions de <bien< et <amour< des actions menées par Manuel ; tandis que le couple opposé semblent caractérisé les actes d’un Gervilen.

Sixième Thématique du Jugement dernier  : « pour que le jour du Jugement ils soient assemblés entre Satan et le Père Eternel » Ces éléments d’information supposent une parfaite connaissance du texte biblique.

Septième Thématique de la fraternité édictée par Manuel  : « Tu vois, c’est la plus grande chose au monde que tous les hommes sont frères, qu’ils ont le même poids dans la balance de la misère et de l’injustice » Propos en rapport avec ce qu’en dit Jésus dans l’Evangile selon Matthieu 23 V 9 : « vous êtes tous frères »

Huitième Thème du sacrifice      Mort sacrificielle à l’exemple de Jésus. Ce qui le rapproche d’avantage de Jésus, c’est l’acceptation de mourir pour les sauver : « Parce que ce qui compte, c’est le sacrifice de l’homme. C’est le sang nègre » 184

Neuvième thématique : Vertu de l’eau comme signifiant polysémique  dans le roman de Roumain
Vertu à la fois naturelle et spirituelle ou mystique. Il faut à chaque fois se rendre compte de quel contenu recouvre le terme dans ses différents emplois. Il y a un emploi naturel qui renvoi au domaine agricole ; c’est le liquide utilisé pour l’arrosage dans les jardins. Par exemple, c’est le cas ici : « Maintenant que l’eau va arroser la plaine, qu’elle va couler dans les jardins ».
Cependant, le même liquide se verra attribuer des vertus qui ne relèvent pas de son usage naturel, mais ressort beaucoup plus du domaine magique, de sorte que le breuvage revêt la capacité de réconcilier les frères ennemis : « [….] ce qui était ennemi redeviendra ami, ce qui était séparé va se rejoindre et l’habitant ne sera plus un chien enragé pour l’habitant ».

Dans un autre contexte, on ne retrouvera plus les fonctions naturelles : « Alors, laissez la raison parler. Le sang a coulé entre nous, je sais, mais l’eau lavera le sang et la récolte nouvelle poussera sur le passé et mûrira sur l’oubli » Il y a donc propagation de l’équivoque qui caractérise le signifiant. Dans <l’eau lavera le sang<, les termes <eau< et <sang< ne réfèrent pas au domaine naturel ; il pourrait signifier < fera cesser la querelle familiale< ou <fera rétablir la concorde< C’est une vertu extranaturelle qui relève de la magie. Dans ce contexte, on oscille entre <Intra naturel et extranaturel<
Le texte nous invite à faire la différence entre vie humaine, de nature physiologique dans le temps et l’espace ; et vie spirituelle dans l’éternité. Il y a le signifiant <eau< pour sustenter la vie humaine terrestre, et le signifiant <eau< pour la vie spirituelle. La Bible réfère au Salut qui octroie un ticket pour le Vie éternelle au paradis. Pour ce qui est du roman, il s’agit à la fois du salut social et capacité de joindre ce qui est disjoint, d’harmoniser ce qui est disharmonieux

Gratuité de l’eau et pour tous 
 La gratuité demeure un caractère primordial de l’entreprise patriotique enclenchée par Manuel. La distribution de l’eau doit être gratuite pour tous. Il voulait faire bénéficier à ceux du clan ennemi du bénéfice de l’eau. Et ce, contre l’avis de son géniteur. Il y a donc <gratuité et universalité< :  « Quand le grand canal et les autres seront prêts, on ouvrira le bassin. Il serait bon aussi de nommer un syndic, avec la confiance de tous les habitants, pour la distribution de l’eau d’après le besoin de chaque nègre, enfin, vous voyez, c’est un gros travail »Volonté tenace d’associer tous les autres.
 Manuel a donné une justification irréfutable à sa démarche : « Et puis l’eau, c’est pas une propriété, ça ne s’arpente pas, ça ne se marque pas sur le papier du notaire, c’est le bien commun, la bénédiction de la terre »
Polysémie du signifiant eau dans le contexte Biblique      Jean 4 V 13 14 : « S’il te plaît, donne-moi à boire un peu d’eau », dans cette première occurrence, le signifiant se rapporte au liquide naturel de consommation humaine. (Jean 4 V 7) Plus loin, on rencontre un second usage, au V 10, il y est question de « l’eau vive », cette fois-ci le liquide décolle du plan naturel pour se stabiliser dans le domaine du spirituel. Et la clé de la différence entre les deux breuvages est donnée par Jésus, au V 13, en expliquant à propos du ,premier liquide : « Celui qui boit de cette eau aura de nouveau soif », alors que pour le second, il a précisé au sujet du second : « Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif » Et comme bouquet final, on apprend que les effets de < cette eau< se poursuivra < jusque dans la vie éternelle< 

Gratuité de l’eau 
    <Eau< comme métaphore de l’Evangile doit être gratuite et universelle : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Et même vous qui n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez » (Esaïe 55)





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