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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


A propos de l'identité des citoyens, par Arnold Talleyrand (2)

Publié par Elsie HAAS sur 14 Août 2009, 09:09am

Catégories : #A.TALLEYRAND chroniques

Avec la défaite des Maures au sud de l'Espagne et leur retrait au-delà du détroit de Gibraltar, les Espagnols avaient l'expérience de la guerre. Avec l'Inquisition, ils avaient l'expérience de la persécution, de la répression et de l'élimination physique de tout  être humain non chrétien. Sur les îles Canaries, acquises lors du traité du 4 septembre 1479 avec le Portugal, ils avaient l'expérience de la sur-explotation d'êtres humains non chrétiens et non européens : les Guanches -population qu'ils avaient exterminée en très peu de temps. Et avec la présence de canne à sucre sur ces îles, ils avaient l'expérience de la traite d'êtres humains achetés ou capturés pour les utiliser comme esclaves mais surtout comme main d'oeuvre à bon marché.

Ils avaient donc la force militaire et des navires de guerre bien équipés. Ils avaient leur foi inébranlable qu'ils prétendaient supérieure. Il fallait maintenant des lois et une langue afin de justifier et d'imposer l'entreprise coloniale. Elio Antonio de Nebrija avait compris, en publiant la première grammaire espagnole en août 1492, l'importance de la langue pour cette nouvelle Espagne, l'espagnol comme langue qui s'est dévloppée par corruption du latin,se présentait comme un véhicule de pensée pour l'unité politique des Espagnols.

La langue espagnole était aussi conçue comme un instrument d'oppression contre ces barbares qui parlent une langue étrange : instrument qui fut définit lors de présentation du manuscrit à la reine en 1485. Cette indépendance vis à vis du latin (qui restait utile à l'espagnol concernant l'orthographe, la création de mots nouveaux, la grammaire, la syntaxe,etc..) était indispensable à la conquête del'Amérique. Pour le confirmer, Nebrija avait traduit plusieurs oeuvres écrites en latin parce que la langue espagnole circulait sans règles (andaba suelta) (3)

D'ailleurs, l'accord entre les souverains et Colomb fut écrit en espagnol et signé à Santa Fe le 17 avril 1492 (une langue parlée sans grammaire et sans orthographe uniforme) dans lequel fut publiée la première législation que l'Espagne devait imposer dans ses futures colonies. La langue déjà contribuait à anéantir des populations non encore subjuguées. La langue préparait déjà la population espagnole à la conquête de nouvelles terres au sud de la péninsule ibérique. La lettre de Colomb, pour confirmer l'existence de terres fertiles et d'une abondante main d'oeuvre facile à subjuguer en Amérique fut écrite aussi en espagnol et traduite en latin pour le pape. (4)

Les chrétiens espagnols avaient pris possession de l'île, de ses ressources physiques et humaines au nom de leur Dieu et de leur roi. Pour justifier les causes économiques de la conquête et le droit de possession d'un être humain, les Européens avaient inventé aussi le concept de l'infériorité de toute ethnie non européenne et non chrétienne, en faisant de la couleur de la peau le facteur essentiel pour définir les classes sociales. Pour produire d'énormes richesses, une force de travail subjuguée et terrorisée fut soumise au caprice du capital européen. Très tôt, les oppresseurs exigeaient de le population asservie, l'usage obligatoire de la langue espagnole; même les rebelles comme le Cacique Henri pouvaient parler la langue de l'envahisseur aussi bien que lui. (5)

Il fallait donc enlever à cet être humain son droit à son identité et le transformer en ordure grâce aux chaînes, au fouet, et à la torture. Les envahisseurs européens n'avaient pas envisagé d'autres moyens pour convaincre les indigènes et les esclaves de la supériorité de leur religion et de leur civilisation. L'objectif des hordes européennes était de détruire la civilisation, la langue dite primitive, vernaculaire et le sanctuaire spirituel des habitants de l'île. Après les avoir massacrés, leur cupidité validait l'importance d'une autre force de travail.

Avaient-ils eu l'idée de donner du travail à des individus déjà scolarisés avec la connaissance de l'écriture de la civilisation de l'Ouest ? Au contraire, ils avaient introduit sur l'île une main d'oeuvre servile, ignorant le dessin et la forme du langage des Européens, connue uniquement pour sa robustesse (naturellement grâce à l'expérience horrible sur les îles Canaries). Avaient-ils eu l'idée d'introduire une main d'oeuvre déjà christianisée ? Au contraire, ils avaient préféré introduire sur l'île une main d'oeuvre enchaînée, ignorant le Dieu des chrétiens, pour utiliser la terreur afin de justifier leur soif de pouvoir et leur théorie de supériorité raciale.

Les esclaves étaient privés d'évoluer avec leurs contes, leurs poésies, leurs chants et leurs danses dans un environnement propre à leur culture. Avilir cette force de travail, l'inférioriser, la bestialiser jusqu'à la satanisation de ses activités avaient été planifiés pour garder perpétuellement ces êtres humains au niveau de main d'oeuvre à bon marché. Il fallait prouver à cette force de travail qu'elle n'avait pas d'autres buts dans la vie et que sa vocation était de vivre subordonnée au maître parce que c'est du Seigneur Christ que le maître tient son pouvoir.

Notes :
3-Nebrija Elio Antonio de- Grammatica Castellana, Edicion de la Junta del Centenario Madrid 1946...Sur l'emploi de la langue comme instrument d'oppression, lire la préface de José Ibanez Martin.
4- Morison Samuel Eliot- Columbus the Mariner, The New York American Library, 1955. P66 "L'objet de cette traduction en latin avait permis à Colomb de prouver que ses découvertes étaient en dehors de la juridiction du Portugal."
5- Bell Ian- The Dominican Republic. Westview Press, Colorado; P.73. Le Cacique Henri avait été éduqué par les moines franciscains.

pages 4,5,6,7 de  A propos de l'Identité des Citoyens, Arnold C. Talleyrand,Pour Cahier d'Histoire N°1,

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