La décision des souverains espagnols d’attaquer, d’envahir et de conquérir l’île d’Ayiti était préméditée, planifiée et mise en pratique avec une violence inouïe. Cette résolution avait des motivations multiples dont les plus importantes étaient bien camouflées.
Les envahisseurs d’origine européenne avaient longé l’Atlantique prétextant l’exploration des côtes africaines. Ils avaient manifesté aussi le désir d’introduire le christianisme sur les territoires qu’ils allaient soi-disant explorer. Ils avaient profité pour fabuler que l’âme primitive de ces populations était soumise au contrôle de Satan: l’ennemi du Dieu des chrétiens qu’ils avaient inventé.
Les vraies causes d’ordre économique et social n’étaient pas clairement associées à ce soi-disant désir d’exploration.
Pourtant les Européens qui contrôlaient le mouvement de la monnaie avaient, depuis des années, investi dans le commerce de l’or, des épices et des êtres humains. Ils s’enrichissaient.
Déjà, en débarquant sur l’île d’Ayiti dans la Caraïbe, ils avaient le sentiment de leur supériorité militaire. Ils savaient qu’ils allaient détruire des monstres et qu’ils allaient les mystifier avec leur croix. Durant cette conquête, ils avaient torturé et terrorisé des populations jusqu’à leur massacre. Ils avaient, avec l’usage de la force, séparé des agglomérations économiques et sociales dans le but de s’approprier de leurs ressources et de leur travail.
Ils avaient donc développé, publié et appliqué les décrets du Repartimiento et de l’Encomienda pour réduire en esclavage des êtres humains qui vivaient paisiblement sur leur territoire. Des envoyés du roi et de la reine espagnols étaient introduits sur l’île pour officiellement éclater la cohésion familiale et sociale de ces êtres humains qui pratiquaient une économie de subsistance et de partage pour leur total épanouissement.
En séparant le père de ses enfants pour l’embrigader sur une plantation, en expédiant la mère loin de ses enfants comme servante dans un logis dominé par les Espagnols (des prisonniers de droit commun pour la plupart), en brisant volontairement la structure du foyer familial des Indigènes, ces êtres humains qui vivaient heureux dans leur espace traditionnel, avaient perdu leur place dans cette nouvelle organisation contrôlée par les prédateurs espagnols. Les Indigènes n’étaient plus libres. Ils étaient esclaves. Ils n’étaient pas remplacés dans leur milieu. Ils n’avaient plus le contrôle de l’alimentation de leur famille. Cette solidarité familiale anéantie, ils ne fonctionnaient plus comme un groupe social homogène. Ils étaient assujettis à la robustesse de leurs bras. Le système économique basé sur le profit et sur l’esclavage devait les former pour rester esclaves. Les colons espagnols les accommodaient aux travaux forcés, aux chaînes avec le fouet selon les besoins du maître, de l’église catholique et des chefs du royaume espagnol.
L’esprit de famille que valorisait l’homme social Taino dans sa culture propre avait brusquement disparu avec l’application sauvage de ces décrets. Combien de pères et de mères avaient pleuré leur macabre séparation avec leurs enfants ? Les Espagnols, gonflés de leur supériorité, allaient les manipuler en leur imposant les valeurs de la dite civilisation occidentale. Cette atmosphère de sécurité que connaissaient les enfants quand ils étaient entourés de leurs parents n’existait plus. Les enfants, sous le choc de cette violente rupture, déboussolés, tristes, devaient vivre frustrés, sans repère, toute leur vie, durant des générations. Cet acte criminel devait rester impuni.
Pour la plupart des Européens qui considéraient l’invasion des territoires comme une œuvre civilisatrice (un bienfait), l’amour des parents Tainos n’était nullement indispensable aux enfants car ces adultes étaient spirituellement contrôlés par Satan. Pourtant, il n’y avait aucune contrainte.
Comme l’homme social de l’île d’Ayiti était absent de la réalité économique et religieuse de la civilisation occidentale, il était un individu primitif et inférieur. Il méritait donc le sort infligé par les hordes espagnoles.
Distribué comme un animal selon les désirs des civilisés de l’Europe, le devoir de l’homme social Taino était, désormais, contrôlé par la terreur.
Il n’avait plus ce devoir naturel de participer librement au bien-être de sa famille et de sa communauté.
Ce système basé sur la séparation des familles indigènes, mis en place par des civilisés, avait éclaté la société Taino, non pas par une sorte de compétition naturelle mais par l’usage de la force, de la terreur, du mensonge et de l’hypocrisie.
Toutes les valeurs de cette civilisation occidentale étaient liées aux intérêts personnels. Elles étaient même réduites aux dictats du système économique basé sur le profit individuel et sur l’exploitation des êtres humains.
Arnold C. Talleyrand
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