General Pinochet’s brutally oppressive CIA-inspired dictatorship was sustained for more than a quarter of a century by successive USA and UK governments.(Sources : World Crisis Web, 15 nov 2004)
Ce sont eux qui ont administré les institutions de Pinochet, son État, sa Constitution, et son modèle économique. Ce sont eux qui ont utilisé l’héritage du « Tata » pour réprimer le peuple en lutte et les Mapuches. Ce sont eux qui se sont enrichis en implantant le néolibéralisme par le feu et le sang. Ce sont eux. Et c’est peut être pour cela que ce sont eux qui ont le plus de raisons d’être satisfaits en ce moment. Parce que le « vieux de merde » est mort, qu’il ne vient plus les emmerder, parce qu’il n’est plus leur mauvaise conscience, parce que s’est éteinte la cause pour laquelle tous ces avocats gênants des droits humains se cassaient les couilles.
Parce que s’est éliminée la personnification vivante du crime sur laquelle sont fondées les institutions de notre pays que, heureusement, ils administrent. Avec le cadavre de ce chien de Pinochet, ils pensent qu’ils pourront enterrer les milliers de morts sur le chemin. Mais il faudrait qu’ils fassent, pour laver le Chili de l’empreinte de Pinochet, comme on le faisait avec les rois d’autrefois: enterrer la charogne avec le trousseau - l’Armée, son État, ses liasses de lois et sa Constitution. Sa mort nous fait exploser au visage les contradictions du Chili d’aujourd’hui.
Bachelet exprimait qu’il lui serait très difficile de rendre des hommages officiels d’État au tyran. Mais si madame Bachelet était conséquente, elle devrait le faire: mauvais pour mauvais, c’est elle-même qui administre l’État de Pinochet. C’est elle, que ça lui plaise ou non, qui le suit. Elle devrait, au moins, lui payer cette « faveur accordée ». Ou sinon, si réellement elle est conséquente, si réellement elle ne voulait pas être celle qui suit le criminel, qu ‘elle envisage de mettre fin aux institutions léguées par le dictateur ou, du moins, de les réformer démocratiquement. Cette ambivalence entre démocratie surveillée et autoritarisme a donné son identité particulière à la classe capitaliste chilienne pendant ces trois dernières décennies.
Bien que Pinochet soit mort, l’ombre de son régime, au grand damne des traîtres et des crapules de la Concertation, continuera de nous punir, parce que son héritage continue pour nous, incarné dans l’État et l’Armée de contre insurrection. Et surtout dans le double pouvoir de fait que possède l’Armée. Ce n’est pas par hasard que, alors que les édifices publics n’ont pas les drapeaux en berne, les casernes l’ont. Parce qu’elles se dirigent elles mêmes, parce qu’elles ne sont pas subordonnées au pouvoir civil. Parce que, quand elles le souhaitent, elles peuvent botter le cul à n’importe quel gouvernement qui arrive au pouvoir. Ces drapeaux en berne représentent la suprématie que les militaires possèdent encore sur le pouvoir civil ( quelque chose de propre aux contrées barbares dépendantes où la faiblesse de la bourgeoisie fait contre poids à la main militaire).
Le monde l’a condamné il y a longtemps mais au Chili, ils n’en ont pas été capables. Même la Maison Blanche, dans sa déclaration sur la mort de ce chien de Pinochet, a pris de la distance hypocritement avec le psychopathe qu’ils avaient eux-mêmes mis au pouvoir, en déclarant que leurs sentiments allaient vers les victimes de son règne. Ils ont même eu à demander, pour ce chien de Pinochet, avant sa mort, que son cadavre immonde soit incinéré pour éviter que sa tombe soit profanée. La seule amie sincère, qui apparemment a eu, jusqu’à la fin ce mafieux, fut Margaret Thatcher, la dame de fer, hypocrite et assassine comme lui. Elle a été la seule personne qui se soit montrée peinée par son décès.
Bon, à part les hommes en kakis, une paire de vieilles pathétiques qui agitaient leurs fanions aux abords de l’hôpital militaire, dans les villages, on a ressenti un peu de joie, un peu de frustration, un peu de conflits: les éléments qui constituent l’âme de notre génération, la génération qui a grandit sous la botte militaire, nous qui avons tété les discours de Pinochet, nous qui avons appris à lire et à écrire sous ce ciel gris. Nous qui, comme le disait le journal anarchiste des années 80, avons fait notre première communion et nous sommes masturbés la première fois sous Pinochet. Cette génération qui a adapté ses sens à la vision odieuse des militaires comme des tâches dans les rues, au son des balles et des casseroles, au goût amer dans la bouche, qui a senti sur sa peau la chaleur des barricades, dont l’odorat a été saturé par la fumée et les bombes lacrymogènes. Une génération qui a appris que son espace politique naturel, c’est la rue, qui a appris à lutter dès son enfance.
Et j’insiste, ça nous a donné un mélange de joie et de conflit. Joie, parce qu’il meurt alors que nous vivrons toujours. Joie parce que sans une teigne comme lui, un monde nouveau est possible. Joie, pour elle-même, parce qu’il nous semble que cette canaille allait rester punir notre pays pour l’éternité; et conflit, parce qu’il est parti sans voir ni son jugement, ni notre victoire.
Qui nous enlève l’amertume de la bouche, quand derrière, les victimes réclament justice et quand il reste un peuple blessé, aliéné, réprimé et paupérisé, étranglé entre dettes et carences au milieu du « miracle économique » chilien ? Qui, camarades ? Le peuple, personne d’autre que le peuple. Et comment, camarades ? Par la lutte, en créant, pouvoir populaire. La lutte continue et la victoire sera nôtre.
José Antonio Gutierrez D.
11 décembre 2006
(traduit de l'espagnol)
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