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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Allons, ne fais pas l'indien !

Publié par Elsie HAAS sur 28 Décembre 2006, 15:02pm

Catégories : #J.ANTONIO chronique

C’est ainsi que l’on parle à une personne faisant preuve d’incivilité, mal éduquée, inculte, sans goût ou un peu bourrue.
Être indien devient alors un concept qui renferme tout ce qu’il a d’indésirable dans l’être humain. L’« indien »  c’est l’anti-thèse du citadin idéal et civilisé de nos -pas si- jeunes républiques américaines. C’est une expression abusive dont la signification peut varier d’une légère et fraternelle réprimande entre amis à une insulte de front, avant d’en arriver aux poings. On entend cette expression un peu partout : dans les programmes télévisés, dans la bouche des chroniqueurs de radio exaspérants, dans les transports en commun, au marché, dans la rue, dans les bureaux et les écoles. C’est une expression qui est passée dans les mœurs
 
 « Être indien », c’est la dernière étape avant d’entrer dans le monde animal. L’Indien  est en effet un être qui a toujours vécu dans l’imaginaire occidental, à la frontière entre la sauvagerie, la barbarie et la civilisation. C’est le lien entre la culture et la nature. C’est la conscience de notre animalité. Lors de l’arrivée du Conquistador, l’Indien a été endoctriné dans les mystères de la foi et a reçu son premier contact avec la société proprement dite (la société occidentale il va de soit). Ensuite, durant la Colonisation, l’Indien a appris les vertus de la discipline et du travail – on omet, pour cette seconde vertu et par commodité, l’adjectif « forcé ». Lors de l’Indépendance, on lui accorde fréquemment un peu de lucidité dans l’exaltation patriotique à venir. Et dès les débuts de la République, il semblerait que l’Indien ait cessé de se développer pour devenir un être végétatif et incapable d’emprunter le chemin de la modernité qu’ont pris nos républiques mais également incapable de revenir à l’état virginal d’avant la  Conquista. Depuis lors, l’Indien est devenu dans nos imaginaires un obstacle au développement des républiques, une entité atavique incarnant la raison ultime de notre sous-développement et de notre retard économique. Il est la tête de turc idéale.



Le Musée de l’Or de Bogota

 
« Ne fais pas l’indien ! ». Cette expression circule dans la bouche de tous. Néanmoins, au cœur de Bogota, le Musée de l’Or fait l’orgueil de ces mêmes personnes qui utilisent à la légère cette expression. Dans les vitrines du musée sont exposées des œuvres d’art finement élaborées, en or et alliages d’une grande qualité, comme  la tumbaga, qui surprennent tous les visiteurs. C’est un spectacle réellement magnifique, d’une beauté indescriptible, unique où tout scintille comme un lever de soleil éblouissant. C’est une véritable explosion de lumières. Toute cette richesse et bien plus, perdue pour toujours, a émerveillé les conquistadores avec le mythe de l’«El Dorado ».
 
Aujourd’hui, les musées, pour la plupart, ont le défaut de montrer une réalité statique et par conséquent déformée, dans laquelle le passé et le présent sont pratiquement dissociés.
Est-ce que les orfèvres qui réalisèrent ces œuvres d’une extraordinaire beauté ont disparu à jamais ? Leurs fils ne sont-ils pas  encore parmi nous ? N’utilisent-ils plus ces objets exposés ? N’y a-t-il également pas quelque chose d’eux en chacun de nous ? Il semblerait que les chef-d’œuvres en exposition dans ce musée soient à jamais disparus.
 
Le musée de l’or a essayé de remédier à cela avec une exposition de photos ethnographiques actuelles sur lesquelles peuvent être observés des Indiens portant des bijoux similaires à ceux exposés dans les vitrines. Mais ces quelques photographies ne sont que des efforts minimes, presque un salut au drapeau. Celui qui visite le Musée peut toujours en ressortir avec la sensation qu’il s’agit d’une époque à jamais révolue,   que ces personnes étaient des êtres exceptionnels, comme venus de la lune, qui ne ressemblaient en aucune mesure à des « indiens ». Le visiteur qui parcourra le musée de façon superficielle pourra toujours en ressortir en imaginant la beauté d’un monde perdu et continuera d’utiliser sans réfléchir l’expression « ne fais pas l’indien ».
 
Mais celui qui ne se contente pas d’un simple coup d’œil superficiel sur les collections, celui qui pénètre au cœur de cette culture fragmentaire qui nous est montrée, ne peut que troquer le dédain contre de l’admiration. Il comprendra aussi que celui qui dit « ne fais pas  l’indien » ne fait en fait que l’étalage de sa propre ignorance. Celui qui connaît la culture indienne, découvre en elle une source vitale, trépidante, d’une grande profondeur. Celui qui l’ignore peut persister dans le dédain. Lorsque les portes du monde indien s’ouvrent devant nous, nous découvrons un monde fascinant où une profonde spiritualité se mêle à la connaissance de l’environnement et de la réalité. Personnellement, j’ai appris bien plus auprès des Indiens qu’avec la plupart de mes professeurs, bien que beaucoup de ces Indiens ne sachent ni lire ni écrire. Je suis profondément reconnaissant d’avoir pu accéder à ce monde, le connaître et le respecter.
 
Ce monde que l’on veut confiner dans les vitrines des musées est, quoi qu’il en soit, extrêmement vivant. Les descendants des orfèvres Taironas, Muiscas, Nariños, etc.… continuent d’intégrer les éléments fondamentaux qui permirent aux cultures préhispaniques de se développer. Nombreux d’entre eux conservent encore leur langue, leur musique, leurs croyances qui subsistent, très souvent, de façon quasi secrète, dans un syncrétisme religieux, catholico-indien. Leur monde n’est pas seulement passé, mais également présent et futur. Ils persistent à être des Indiens et ce malgré les violences généralisées qu’ils endurent au sein du conflit colombien. Ils souffrent aujourd’hui d’une néo-conquête, puisqu’ils deviennent victimes de déplacements forcés (bien que représentant seulement 2 % de la population, ils représentent 8 % des déplacés), orchestrés par des étrangers qui leur retirent leurs terres, les  dépossèdent de leurs biens, leurs volent leurs femmes, tentent d’assassiner leur culture, jusqu’à leur arracher le millénaire et sacrée  feuille de coca.
 
En arrivant par force dans les villes, l’Indien doit faire face à la pauvreté, à l’entassement et à la discrimination, dans leur version urbaine. Il reçoit sur ses épaules une lourde charge de cinq siècles. Qu’il maîtrise moyennement ou à la perfection le castillan, le crime d’être Indien l’accompagne où qu’il aille. Je me rappelle l’acte extraordinairement difficile que peut être celui de prendre un taxi un jour de pluie à Bogota avec plusieurs Kankuamos vêtus d’habits traditionnels. Ce sont purement et  simplement des personnes mal accueillies dans la civilisation, une civilisation bâtarde qui sait, mais qui ne veut pas reconnaître, tout ce qu’elle leur doit.


Colombie/Chili

La Colombie ressemble beaucoup au Chili dans le sens où il s’agit de deux pays au sein desquels la population indienne représente une minorité au niveau national. (dans le cas du Chili, environ 10 % selon les statistiques fréquemment exécutées par les institutions gouvernementales en raison du conflit mapuche), mais où cependant le métissage est très important : 50 % en Colombie, 70 % au Chili. En outre, l’influence indienne apparaît dans la vie quotidienne. De la façon de s’exprimer et des mots employés jusqu’à l’aspect physique,   l’influence est indéniable. Ces 2 % de la société colombienne ont énormément modelé la face de cette dernière, ils lui ont donné son caractère et son héritage. Ces 2 % de la société colombienne ont constitué le ciment principal sur lequel se sont greffées d’autres influences, un sang nouveau et sur lequel repose la société métisse. Retirer ces 2 % signifierait l’écroulement des fondations de cette société. Mais comme un mauvais fils qui renierait ses parents, la culture créole a persisté à nier l’influence indienne dans ses origines et l’a considérée comme une mauvaise conscience, le pêché originel ou  bien l’a mystifiée.
 
Dans le  cas chilien, la mythologie nationale différencie radicalement le « araucano » du « mapuche » : le Araucano est l’Indien guerrier, sobre et honorable qui combattit fièrement l’invasion hispanique sur le territoire actuellement occupé par l’Etat chilien depuis les débuts de la Conquista en 1536 et ce jusqu’au début du XIXe siècle. De ce personnage mythique, exalté par ses vertus dans l’œuvre « La Araucana » d’Alonso de Ercilla, se nourrit la chilénité. Le Mapuche est l’Indien actuel, un obstacle au progrès, faible, alcoolique, immonde, traître, rebelle. Il s’agirait-là de deux races différentes dont l’une d’elles, les Araucanos, aurait disparu sans laisser de traces. C’est une sorte de schizophrénie dans laquelle la culture créole a pu concilier son origine indienne indéniable avec la réalité du racisme et de la  discrimination.
 
En Colombie, cela n’est pas très différent : le Tairona, apparaît comme un fin artisan ayant réalisé de grandes œuvres – telles que la Cité Perdue – comme artifice d’une culture noble et disparue au fil des siècles. Les motifs qu’ils dessinaient illustrent le beau passeport colombien, démontrant ainsi une certaine relation avec « cet » Indien centenaire. Les quatre peuples actuels de la Sierra Nevada de Santa Marta (arhuacos, wiwas, koguis, kankuamos), bien qu’ils soient les descendants directs de cette culture et conservateurs de droit de ce riche patrimoine culturel, donnent l’impression d’être arrivés de la lune et ne semblent investis d’aucune de ces qualités dans l’imaginaire populaire. Tout au plus, ils peuvent être des êtres curieux pour une campagne publicitaire vantant des téléphones, ils peuvent provoquer de la pitié, poser pour des Yankees qui ramèneront de belles photos vers leur pays d’origine et les montreront à leurs amis en proclamant « very typical » ou bien ils peuvent être encore des Indiens sales et fortement dérangeants car souhaitant empêcher la réalisation de certains mégaprojets sur leurs terres. Ils peuvent être cela uniquement mais rien de plus. Il n’y a pas de sentiment de descendance directe.


Déshumanisation et racisme

Reconnaître cette descendance, reconnaître cette paternité et cette maternité des Indiens sur les populations métisses qui peuplent majoritairement Notre Amérique, reviendrait à reconnaître les terribles injustices et la discrimination dont ils sont victimes depuis le pillage d’il y a cinq siècles. Parce que sur la base de ce pillage, de la violente Conquista, se sont édifiées des sociétés sur lesquelles reposent à leur tour  nos républiques. Et la Colonisation a été soutenue par la servitude forcée de l’Indien. Cette servitude ne pouvait être justifiée que par le racisme. Ou bien de quelle manière serait-il possible de piéger et de fouetter un semblable ? Aurait-on un cœur pour tuer l’Indien, voler sa femme, et ses enfants si l’humanité de ce dernier était reconnue ? Comment justifier le pillage des terres ?  Comment justifier les travaux forcés dans les mines ? Comment justifier la faim de  l’Indien lorsque l’hispanique amasse d’immenses fortunes ? Dans la déshumanisation de l’Indien, l’Hispanique trouvait la tranquillité lui permettant de dormir chaque nuit. Il a fallu à l’Eglise plusieurs siècles pour accorder aux Indiens le bénéfice de l’âme. Nos sociétés ne sont toujours pas capables de leur  concéder le bénéfice de l’égalité.



La pigmentocratie

Le racisme est la pire conséquence du colonialisme. Il n’existe pas un pays qui, ayant été colonisé, ne présente pas un certain degré de racisme. Cela reste une réalité car sur les structures coloniales s’érige le châssis du républicanisme. Sentant toujours le colonialisme, l’aristocratie, un moderne Prométhée surgit, appelé oligarchie,   qui mélangeait les éléments du bourgeois moderne, à des formes archaïques de productions calquées sur la servitude. Ces dernières reproduisaient de vieux vices coloniaux et leur lourd legs de racisme et pigmentocratie. Le racisme est l’indicateur le plus évident du poids de la colonisation sur le développement des républiques. Plus une colonie a été importante et plus elle a tardé à se débarrasser, progressivement, de certaines tares racistes. Les centres coloniaux (Mexique, Bolivie, Pérou) présentent les exemples les plus clairs et brutaux du racisme dans notre Amérique. Dans ces pays, le Créole est venu remplacer l’Hispanique au pied de la lettre. Dans les pays périphériques, comme le Chili, ou dans ces centres secondaires, comme la Colombie, le terme créole, s’est en outre démocratisé pour inclure le métisse. Cependant, en chacun d’eux, s’érige à l’identique une certaine pigmentocratie, qui fusionne la distinction marquée par classes de ces sociétés néo-coloniales  avec les lois du capitalisme du XXIe siècle.
 
Ces sociétés se déchirent dans leurs propres contradictions, tandis que l’Indien, le même qu’il y a cinq siècles reste soumis, étant l’ultime étape dans une chaîne rigide de commande. Le retard de nos sociétés n’est pas la faute de l’Indien, l’Indien n’est responsable en rien du sous-développement. Les vrais responsables sont les descendants des Pizarro, des Cortés, des Valdivia, des Jiménez de Quesada et leurs imitateurs modernes arrivés des Etats-Unis ou d’Europe, qui ont maintenu les républiques américaines prisonnières d’un passé colonial et ont reproduit un système économique difforme,   en retard et dépendant produisant à peine, comme à l’époque de la domination de la Couronne, des matières primaires ou des monocultures. Pays cuivre, pays palme africaine, pays café, pays étain. Qu’ont à voir les Indiens avec cela ? Mais c’est qu’il faut trouver une tête de turc parce qu’ainsi, l’oligarchie créole peut expurger son échec fracassant en deux siècles de vie républicaine. Ils prétendent de cette manière-là, retarder le jugement historique qui tôt ou tard doit arriver.


L’heure de l’Indien

Mais on ne peut pas cacher la lumière du soleil avec un doigt et il apparaît chaque fois davantage que cette bourgeoisie est celle qui véritablement  s’effondre, que l’heure de l’Indien est à venir. L’esprit de l’Indien s’élève davantage chaque jour. Il arrive des Andes, de la forêt, du sud extrêmement humide est froid ou du désert. Il montre déjà certains symptômes de réveil, avec des obstacles, en Equateur, et en Bolivie. Au Pérou, au Chili, en Colombie, sa silhouette se dessine à l’horizon. Je crois que c’est dans l’Indien que sommeillent de nombreux éléments de régénération de Notre Amérique.

Il faut comprendre : je ne parle pas de tourner le dos à la « modernité » mais à l’esprit qui l’anime. Je ne parle pas non plus d’une impossible utopie archaïque de retour à un mode de vie virginal, comme si cinq cent ans ne s’étaient pas écoulés dans l’absolu. Je parle de récupérer l’esprit et les enseignements des anciens, des Indiens pour le présent et le futur.  Tandis que le modèle winka, le modèle k’ara, le modèle occidental, le modèle capitaliste, comme on veut l’appeler a produit oppression et pauvreté, l’Indien nous enseigne le principe de l’ayni, de la réciprocité, du donner et du recevoir. C’est quelque chose un peu comme la Première Internationale qui essaie de synthétiser dans l’un de ses couplets « Pas de droits sans devoirs, (…) Égaux, pas de devoirs sans droits ! » ou bien ce que les anarchistes avaient défini comme leur adage « à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens ». Seulement de façon plus précise, concise et à la fois  plus globale. Parce que le Ayni est une relation qui tend au maintien de l’équilibre et de l’égalité au sein de la communauté et dans la nature. Parce que le modèle d’exploitation importé depuis les époques coloniales et perfectionné avec les révolutions bourgeoises du XIXe siècle, a généré un désastre écologique aux conséquences encore non évaluées, tandis que l’Indien, dans sa relation de réciprocité avec tout ce qui vit l’entoure et constitue la nature, nous donne la clef qui nous permettrait de vivre à nouveau en harmonie avec notre environnement naturel.
 
Et pas seulement cela : aujourd’hui la société métisse commence à reconnaître les immenses avancées réalisées par les  Indiens dans le domaine des technologies, des sciences, avancées qui pourraient aujourd’hui être de grande utilité afin de surmonter de nombreuses difficultés qui nous affectent. Pour la première fois dans le domaine de la médecine, de nombreux spécialistes commencent à s’intéresser aux savoirs traditionnels et un intérêt pour le développement de cette science durant la période préhispanique se développe : les trépanations et interventions chirurgicales crâniennes que l’on peut observer chez les momies des Andes centrales témoignent de l’excellence des médecins précolombiens. La précision dans leurs connaissances astronomiques a également étonné de nombreux scientifiques modernes. De même, les concepts utilisés reflètent l’énorme savoir de cette société. Tandis qu’Einstein recevait des ovations et le prix Nobel pour avoir démontré que le temps était indissociable de la matière, le concept quechua de pacha, utilisé de façon ancestrale  par l’Indien andin, englobait dans un même terme une réalité indissoluble, à savoir temps et espace. Cette connaissance était mise en pratique quotidiennement et de façon ordinaire pour l’Indien.
 
Tandis que les monocultures mettent en danger la sécurité alimentaire et tandis que les méthodes de cultures modernes restent insuffisantes dans de vastes régions d’Amérique, les méthodes de cultures développées par nos ancêtres offrent une alternative de plus en plus reconnue. En bavardant au bord du lac Titicaca avec des habitants de San Pedro, nous regardions les paysages verdoyants recouvrant d’anciennes terrasses abandonnées et nous voyions  qu’en elles reposait la réponse au problème de la faim dans la sierra péruvienne, non pas dans les experts agronomes que l’on fait venir à grands frais d’Allemagne, de France ou des Etats-Unis. Nous sommes habitués, depuis longtemps à tourner notre regard vers l’extérieur et nous ne nous sommes pas rendu compte  que de nombreuses réponses à nos grands maux se trouvent sous nos yeux. Avec l’Indien, nous réapprenons à regarder vers l’intérieur.

Qui a visité le Machu Pichu, Moray, Tiawanaku ne peut que s’émerveiller devant la mise à profit des conditions naturelles avec lesquelles le peuple quechua a pu ériger une grande civilisation sans endommager  l’écosystème. Et nous ne sommes pas devant de simples « ruines » : nous sommes devant des témoignages vivants de ce qui nous avons été  et de ce que nous pouvons devenir de nouveau. Nous sommes devant une dénonciation brutale de ce que la Conquista signifiait et signifie encore pour nos villages.

Il est néanmoins clair que l’on ne peut pas idéaliser démesurément : il y avait des problèmes, il y avait des conflits, il y avait des classes et des différences sociales, il y avait des Etats, il y avait l’impérialisme. Mais sans entrer en détail dans les difficultés que ces sociétés aient pu rencontrer, ces dernières sont bien pales face au génocide et à l’holocauste des cinq siècles postérieurs à la conquête. Il est nécessaire d’insister sur le fait que nous revendiquons la communauté indienne, l’esprit de cette société - pas toutes leurs pratiques. Dans la communauté, nous rencontrons des éléments qui peuvent permettre notre régénération.
 
Ce réveil de l’Indien, favorise chez le métis créole le réveil dans son propre sang de ce qu’il a d’indien. Le moment est venu de sentir dans nos consciences, dans notre sang, le choc violent de ces cultures en lutte depuis cinq siècles. Telle est la pré condition pour que nos sangs soient intégrés dans une culture véritablement métissée : revendiquer notre origine indo américaine. Il n’y a pas beaucoup d’espace pour des positions intermédiaires, parce que nous sommes le fruit d’une relation violatrice et non de l’harmonie métissée que l’on prétend nous vendre. Note mère était  l’Indienne et notre père le conquistador. Il s’agit de décider avec qui nous souhaitons rester. Simple choix, comme le disait mon ami Victor Colodro, qui à la Paz lutte depuis presque trente ans pour la revendication et le développement de la culture andino-américaine. Pour ma part, j’ai opté pour l’Indien. Je dis indien, parce que le mot indigène m’a toujours semblé un euphémisme, l’un de ces mots que l’on utilise pour enjoliver la réalité tandis que subsistent la discrimination et la violence. Bien qu’existe le concept d’ « indigène », le terme « indien » continuera d’être un terme abusif. Je crois qu’il est important de revendiquer, sans honte, le terme abusif pour ne rien laisser pour se faire insulter. Ainsi, la prochaine fois qu’ils entendront « ne fais pas l’indien », ces derniers se sentiront fiers. Comme le chantaient los Prisioneros, il y a vingt ans, il sera toujours préférable d’être  Indien qu’Occidental de seconde main ».
 
José Antonio Gutierrez D.

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