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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


HAÏTI/BANDI LEGAL. «Aucune preuve contre moi», chante Sweet Micky dans un bar de Pétion-Ville

Publié par siel sur 9 Mai 2020, 23:47pm

Catégories : #AYITI ROSE RAKET, #AYITI EXTREME DROITE, #AYITI ECONOMIE, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

Aucun président dans l’histoire de ce pays n’a jamais été jugé. Ceci explique peut-être l’attrait irrationnel pour une fonction sans gloire ni palais. Rencontre avec l’ancien chef d’État redevenu chanteur de charme: Michel Martelly

La Rue Panaméricaine, cette nuit de décembre, est une artère qui ne vascularise plus. Les hommes-bêtes de somme avec leur charrette encombrée, les chauffeurs de motos qui scintillent comme des sapins de noël, les camions sans frein, les camionnettes desquelles surgissent des visages si las qu’on dirait une mauvaise nouvelle, les 4X4 réfrigérés, les flics qui tentent le tout pour le tout et n’y parviennent pas, la fumée, la fumée, la fumée, on n’avance plus, la radio dit que le monde tourne encore, mais cela ne fait pas un pli, il est en arrêt.

Derrière le portail du Jojo, c’est un beau bâtiment de briques – on dirait ces brasseries de Brooklyn où les jeunesses stakhanovistes noient leur fatigue. Il y a des gardes en arme, en kaki, qui barrent le chemin, une femme en particulier commanditée par l’État, avec son fusil d’assaut, son gilet pare-balles, elle scrute le vide, c’est un ballet d’armes lourdes, de fouilles au corps, de sourires figés et d’empressement, on dirait une réunion à huis clos de l’ONU. C’est un concert de Sweet Micky. Il est là, rasé et tondu de près, la jeunesse éternelle de Dorian Gray, tout glisse sur lui, il est seul sur la scène, ses musiciens ne sont pas encore arrivés.

Michel Martelly tapote un double clavier d’animateur forain, de chanteur de charme, c’est l’homme-orchestre du Titanic. Les spectateurs arrivent doucement, ils ont garé leur machine sur le parking qui leur est dévolu – c’est une chose précieuse un parking dans cette ville où il n’y a pas de trottoirs. Ce sont des couples, souvent un monsieur dont la peau est très blanche, avec une jeune femme dont la peau est très noire. Il y a des couples plus rangés, aussi, ils vont tous saluer l’artiste comme on embrasse une relique sainte. Il rit très fort, il donne des blagues.

Le public de cet ancien président est composé de mulâtres, de fortunés, mais aussi de ministres actuels (on ne les reconnaît pas, mais il y a un bristol posé sur leur table qui dit, par exemple : ministère du commerce). Il y a aussi un étrange équipage de Vénézuéliens très bruyants, le plus âgé va embrasser Martelly. Il est un ambassadeur de la Loteria Nacional. Il veut en implanter une branche en Haïti, « ce serait un merveilleux marché », explique son fils dans un anglais d’Amérique. On n’en croit pas ses yeux. Tandis qu’Haïti bruisse d’une catastrophe nommée Petrocaribe, l’ancien président embrasse publiquement un Vénézuélien qui veut implanter une nouvelle borlette sur une île dont la seule industrie viable semble justement être la borlette.

Tout est transparent. Rien n’est caché. Michel Martelly accepte volontiers de me parler. Il se plaint du « système » qu’il a dû affronter, « un système qui vit de la misère et que la rue tente aujourd’hui de déloger, si on continue on va y arriver. » C’est à n’y rien comprendre. Martelly parle comme quelqu’un qui n’aurait pas été président, qui ne jouerait pas ce soir devant l’élite économique et politique de son pays, il parle comme un type tombé là par hasard, comme une petite marchande de La Saline, comme un homme-bête de somme de Carrefour-Feuille, comme un pêcheur des Abricots, comme une cultivatrice de café près du Cap, il parle comme s’il n’y était pour rien, comme un type irresponsable de tout. Le seul bilan de son grand œuvre ? « Se pa fòt mwen. »

« Oui, je gagne mon argent en montrant mon cul, mais comme politique j’étais sérieux » – Michel Martelly

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