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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


HAÏTI LIBERTÉ. Archives 2011. Lettre ouverte d’Oscar Arias Sanchez ex-Président du Costa Rica au Président Martelly.

Publié par siel sur 15 Mars 2021, 22:45pm

Catégories : #NUESTRA AMERICA, #CULTURE, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

Oscar Arias Sánchez jeune et son enfant. Photo FB.

Oscar Arias Sánchez jeune et son enfant. Photo FB.

" La route de l'éthique passe, en premier chef, par parler aux Costaricains avec vérité, pour leur dire toujours ce qu'ils doivent savoir et non pas ce qu'ils aiment entendre."
— Oscar Arias Sánchez, Acto de Toma de Posesión, 8 de mayo de 2006

FB.

Lettre ouverte d’Oscar Arias Sanchez ex-Président du Costa Rica au Président Martelly.

Haiti Liberté,édition du 7 au 13 Décembre 2011
 
Monsieur Le Président de la République d’Haiti Michel Martely

Cher Monsieur le Président,

Malgré le fait de n’avoir eu l’occasion de vous rencontrer personnellement, je prends la liberté de vous écrire au sujet d’un fait ponctuel de votre pays dont je suis les événements politiques avec grand intérêt.

Mes paroles sont mues par l’affection que j’ai pour le peuple haïtien. Il n’est pas dans mon intention de manquer au respect de la souveraineté d’une nation soeur et je tiens seulement à offrir un conseil que je lis sur les murs de l’histoire de l’Humanité : en Amérique Latine, la plupart des armées ont été les ennemies du développement, de la paix et de la liberté.

Dans une majeure partie du monde, et plus particulièrement dans notre région, les forces armées ont été à l’origine des plus douloureux souvenirs. Ce sont les bottes militaires qui ont piétiné les droits humains de nos frères. C’est la voix du général qui a ordonné l’arrestation des étudiants et des artistes. C’est la main du soldat qui a tiré dans le dos du peuple innocent. Dans le meilleur des cas, ce sont les armées latino-américaines qui ont engendré une dépense prohibitive pour nos économies. Pire encore, elles ont généré une instabilité permanente pour nos démocraties.

Le projet Politique de Défense et Sécurité Nationale propose des objectifs flous. Par exemple, le besoin présumé de reconquérir la dignité et la souveraineté haïtiennes par la réinstallation de l’armée. Haïti n’a pas besoin de monter une armée : la sécurité interne du pays peut être assurée par un corps de police professionnelle bien formé et disposant de ressources nécessaires pour assurer l’application de la loi. Sa sécurité nationale n’a en outre rien à gagner d’un tel appareil militaire, qui ne serait jamais plus puissant que celui de ses voisins.

Comme vous le savez, Haïti, le Guatemala et le Nicaragua occupent les trois dernières places de la région dans l’Indice de Développement Humain du Programme des Nations Unies pour le Développent (PNUD). Aussi n’est ce peut-être pas un hasard si ces trois pays partagent d’autres choses : ils ont (ou ont eu) de puissantes armées et un investissement social en matière d’éducation et de santé très faible.

Les 25 millions de dollars prétendus du Projet Politique de Défense et Sécurité Nationale devraient être investis dans l’éducation du peuple haïtien, dans des dispositifs de santé pour ses enfants, dans la consolidation des institutions démocratiques, assurant une stabilité politique minimale qui permettra de regagner la confiance des Haïtiens, et dans la coopération internationale dont l’aide restera indispensable.

Le Costa Rica et Haïti sont des petits pays et nos climats tropicaux nous exposent à des tempêtes, des ouragans et d’autres catastrophes naturelles. Malgré cela, mon pays est placé comme 69 eme selon l’indice de développement humain : un enfant né aujourd’hui au Costa Rica est présumé vivre 79.1 ans. Haïti est placée à la 145eme place, l’espérance de vie d’un enfant haïtien étant quant à elle réduite de 17.4 années de moins que celle de l’enfant costaricien. De même, nous pourrions parler des années de scolarité, de nos efforts pour réduire la fracture numérique ou du programme ''Avancemos'' qui propose une bourse aux mères dans le besoin pour que leurs enfants ne soient pas déscolarisés. La différence entre la population d’un pays et celle d’un autre réside dans son niveau éducationnel, dans les années de scolarité de ses enfants, dans l’accès aux technologies de l’information et de la communication, la population d’une société instruite se voyant offrir infiniment plus d’opportunités.

Monsieur le Président Martely, mon peuple était à une époque cerné, tant au nord qu’au sud, par la dictature et la mitrailleuse sifflait à ses frontières. Mais au lieu de prendre les armes, le Costa Rica s’est engagé à lutter pour la paix en Amérique Centrale. Il n’a pas eu besoin d’une armée et, bien au contraire, le fait d’être démilitarisé lui a permis d’être perçu comme un allié par les pays en conflit.

En 1994, suite à un débat animé entre les diverses forces politiques du Panama ayant participé activement à la Fondation Arias pour la Paix et le Progrès Humain et moi même, le Congrès Panaméen a approuvé l’abolition des forces armées par une reforme constitutionnelle. Depuis ce moment, le Costa Rica et le Panama partagent la frontière la plus pacifique du monde et ont les deux économies les plus prolifères de la région. Ce, parce que l’argent jadis consacré aux forces armées est à présent investi dans l’éducation de nos enfants et la santé des nos citoyens.

En 1995 Haïti a pris la décision de démobiliser ses forces armées, mettant fin à l’éternel chapelet de coups d’Etat. Cette décision a été applaudie par le monde entier. La Fondation Arias et moi-même pouvons nous enorgueillir d’avoir contribué à la sage décision. Pour Haïti, faire partie du groupe restreint de pays latino-américains sans forces armées est un bien précieux et, tout comme le Costa Rica et le Panama, le pays a percé une fenêtre d’espoir qui doit se maintenir ouverte.

Monsieur le Président : mon implication envers Haïti remonte à plus de vingt ans. Depuis, je sollicite le monde développé afin de ne pas délaisser le pays, afin de faire la rémission de sa dette externe, de lui tendre la main au moyen d’une coopération généreuse et opportune, afin que l’indifférence ne soit pas une option. Cependant, Haïti doit parallèlement assumer ses responsabilités. L’une d’entre elles est l’adoption de décisions politiques justes. Tenter de réinstaller l’armée constituerait une erreur dramatique et c’est pour cela que je ne peux garder le silence.

Haïti pourra récupérer sa dignité quand tous ses enfants et ses jeunes pourront se tourner vers le futur avec espoir et quand les vents des Caraïbes souffleront de la même manière pour tous. Ce n’est pas moins que cela que votre peuple mérite, Monsieur le Président, et je vous prie de compter sur moi pour atteindre ce but.

Fraternellement, Oscar Arias Sanchez Président de la République du Costa Rica 1986-1990/2006-2010 Prix Nobel de la Paix

http://www.haiti-liberte.com

 

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