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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


KENYA-HAÏTI : SOUS-TRAITER L’IMPÉRIALISME - Par Frédéric Thomas

Publié par Frédéric Thomas sur 14 Septembre 2023, 15:57pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #AYITI ECONOMIE, #PEUPLE sans mémoire...

Ça, c'est la fin de l'article. Parce que ce qui y est dit me paraît très  convaincant et que beaucoup parmi vous n'aime pas trop lire, surtout les textes longs, je me suis permise de faire un zoom sur ce passage.. L'intégralité du texte se trouve dans le lien.

Kenya. Manifestation contre les brutalités policières

"FUITE EN AVANT

Soutenir le déploiement d’une force internationale en Haïti au vu des expériences passées ? Donner le leadership de cette force à la police kenyane qui ne connait ni le pays ni le créole et est dénoncée pour son usage disproportionné de la force et ses exécutions extrajudiciaires ? Lutter contre les bandes armées en soutenant un gouvernement lui-même lié à ces gangs et les ayant instrumentalisés ? Et prétendre que c’est ce gouvernement qui va contrôler la force internationale et assurer ensuite l’organisation d’élections libres et démocratiques ? Toute la chaîne argumentative de la diplomatie internationale est détraquée. Comment expliquer une telle aberration [23] ?

En réalité, ce que fait la communauté internationale en Haïti – ses erreurs répétées, son aveuglement obstiné, l’absurdité de ses « solutions » – ne se comprend qu’au regard de ce qu’elle refuse de faire : reconnaître l’échec de sa stratégie, cesser de soutenir le gouvernement d’Ariel Henry, rejeter toute ingérence, au premier rang de laquelle celle de Washington, et prendre acte de la volonté de nombre d’organisations haïtiennes d’une transition de rupture pour rebâtir les institutions publiques et réaffirmer la souveraineté du pays.

L’envoi d’une force étrangère permet à la communauté internationale de montrer qu’elle n’est ni passive ni indifférente, tout en occultant ce qu’elle n’a cessé de faire – et donc sa responsabilité dans la situation actuelle –, ainsi que ce qu’elle empêche : une transition. Elle permet aussi et surtout d’extraire les leviers d’action des mains de celles et ceux qui sont les seules à pouvoir régler cette crise : les Haïtiens et Haïtiennes « d’en bas ».

Le massacre de 71 personnes et les viols collectifs commis dans le quartier populaire de La Saline, dans la capitale d’Haïti, Port-au-Prince, en novembre 2018, sous le gouvernement de Jovenel Moïse et alors que le pays était secoué par un soulèvement populaire, n’a pas constitué une ligne rouge pour la communauté internationale. Peut-être servirent-ils même de banc d’essai pour le pouvoir haïtien ; celui-ci vérifia ainsi jusqu’où il pouvait aller. Et la vingtaine de massacres commis entre novembre 2018 et aujourd’hui ne représentent pas plus une ligne rouge.

De même, le dépassement par Jovenel Moïse du terme de son mandat présidentiel, en février 2021, suivies par plus de deux années de passivité, de complicité et de gâchis du gouvernement et la descente aux enfers du pays ne composèrent pas d’échéance. Il n’y a pas de dead line. Ariel Henry se contente d’annonces sans effet autour de prétendus dialogues avec l’opposition, de prochaines élections, d’appels à un consensus national, et de participer à de vagues sommets internationaux [24]. Et on voit mal ce qu’il pourrait faire de plus – de pire – pour perdre le soutien indéfectible de la communauté internationale. Cette dernière est engagée dans une course sans retour : il n’y aura ni évaluation ni remise en question.

Peu importe les échecs passés, l’impasse actuelle et la chronique annoncée des prochains massacres et démonstrations de la faillite du gouvernement d’Ariel Henry, la seule limite à la fuite en avant de la communauté internationale est l’anéantissement d’Haïti.

EN GUISE DE CONCLUSION

La situation haïtienne est dramatique. Pas incompréhensible. Et il s’agit d’un cas extrême ; pas d’un cas à part. La crise actuelle renvoie à une histoire inédite et à une géopolitique particulière. Mais, elle relève également de dynamiques et d’enjeux communs, ainsi que d’une révolte mondialement partagée contre les inégalités, l’autoritarisme et l’accaparement d’une classe dominante qui s’est reproduite à l’échelle internationale.

« Si vous n’êtes pas à la table, vous êtes probablement au menu » dit le proverbe. Or, cela fait bien trop longtemps que Kenyan·nes et Haïtien·nes sont au menu de pouvoirs nationaux et internationaux qui les oppriment et les méprisent. Il ne s’agit pas de passer à table, mais bien de ne plus rester à sa place et de renverser l’ordre du monde pour que chacun·e mange à sa faim

Haïti représente un marqueur de l’impérialisme – de sa puissance, de sa continuité et de son renouvellement – et de la solidarité internationale ; de sa faiblesse, de ses ratés et, ces dernières années, de son intensification, même si elle demeure encore largement en-deçà de ce qu’exige la justice. Haïti constitue aussi un défi à notre intelligence, à notre courage et à notre soif de liberté et de dignité.

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