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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Qui sont les gens de bien en Haïti ?- Par E. Renoncourt.

Publié par siel sur 5 Novembre 2023, 10:22am

Catégories : #E.Renoncourt chroniques

Qui sont les gens de bien en Haïti ?
J’ai vu circuler sur les réseaux sociaux, un éloge de Aly Acacia, présentant le dernier texte de Frédéric Boisrond (OÙ EST PASSÉE L’ÉLITE D’HAÏTI ?) comme le meilleur texte de ce grand sociologue haïtien. Pour cause, celui-ci semble, dans le contexte actuel, questionner l’absence d’une certaine élite haïtienne et promouvoir l’idée révolutionnaire d’un complot de gens de biens...pour Haïti.
Comme toujours, je vais soutenir un point de vue minoritaire et clivant, en essayant de relier des données éparses qui peuvent offrir un autre angle d’appréciation de cette idée. D’abord, je m’appuie sur la sagesse de Berthold Brecht qui invite à la lucidité devant n’importe quelle idée au-delà de sa pertinence apparente : « Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient ; alors seulement on comprend son efficacité ». Et enfin, je surferai sur la pertinence, non pas du texte, mais de l’idée qu’il promeut.


Moi, étant un adepte de la contextualisation, je me fie à l’enseignement de la nature : chaque fois que les feuilles de l’acacia, habituellement recourbées vers le sol, se dressent, il faut suspecter deux choses : soit elles ont été abondamment arrosées au petit jour ; soit il y a une perversion du climat qui les abrite. Mais pour évacuer ce mauvais humour, venons-en à l’idée promue par le texte du sociologue Frédéric Boisrond ; idée qui vise un complot des gens de bien pour Haïti, à travers le questionnement de l’absence d’une élite haïtienne.


Pour appréhender la pertinence de l’idée et son efficacité pour un changement réel en Haïti, posons- nous la question, en suivant le premier jalon de l’arc problématique proposé par Brecht : qui sont les gens de bien en Haïti ? Sur quels critères objectivants le sociologue fonde-t-il l’appartenance aux gens de bien ? C’est d’autant plus nécessaire que la gangstérisation polymorphe stratifiée dans laquelle Haïti se présente aujourd’hui, avec des PDG de banques privées qui tutoient dans les listes sanctions internationales des gangsters de rue, invite à ligne de démarcation éthique qui ne peut plus se contenter de bonnes intentions. Tentons quelques pistes à partir des strates connues.


Premièrement, si pour désigner les gens de bien, on se réfère aux gens économiquement aisés du pays, ce complot est foutu d’avance. Car les principaux représentants de ces classes sont sur des listes de sanctions internationales pour activités criminelles. Et qu’on ne vienne pas me dire à la manière de l’économiste Fritz Jean que se trouver sur une liste de sanctions ne veut pas dire être coupable, sou prétexte qu’il n’y a pas eu de procès. Assumer cette position, c’est méconnaitre le fonctionnement du renseignement international contre la trans-criminalité. Vouloir que des preuves soient apportées pour étayer les sanctions, c’est ignorer que, dans ces cas-là, les procédures de sanctions que se réservent les États, parce que dotés de puissants moyens de détection des activités criminelles, (sans être démocratiques), ne relèvent pas de tribunaux et de procédures judiciaires ordinaires.


Deuxièmement, si on se réfère au statut académique, au rayonnement intellectuel et au rôle occupé dans la société, le complot est doublement foutu. Pour cause, la grande majorité des lettrés haïtiens est constituée de portefaix des élites économiques crapules et indigentes. C’est du reste pourquoi ni les universitaires doctorés, ni les éditorialistes des grands médias, ni les organisations socioprofessionnelles, ni les organisations de droits humains, ni la société civile n’ont osé, suite aux sanctions contre les puissants hommes d’affaires du pays, constitué un front pour porter plainte pour « crimes contre l’humanité » et « paupérisation des classes moyennes « contre ces gens. En outre, ceux qui sont anoblis culturellement par les instances internationales ne le sont que pour leurs accointances, leurs allégeances et leurs redevances envers les puissances qui font d’Haïti ce territoire d’expérimentation de la déshumanisation. D’ailleurs pour bien dimensionner les postures des gens dans le shithole haïtien, il faut se référer à notre postulat de l’indigence pour tous : L'Occident ne connait qu'un langage : l'imposture ; il n'a qu'une manière d'agir : la barbarie ; il ne croit qu'en une seule valeur : le profit au détriment de l'humain. Tous ceux d'ici et d'ailleurs qui sont anoblis par l'Occident et lui font allégeance portent la marque putride de l'indigence.


Donc, sans rien enlever à la valeur du texte de Frédéric Boisrond, il ne contient pas moins deux grandes faiblesses :
1. La première est que ce fameux appel pour le complot des gens de bien résonne comme une nouvelle imposture pour protéger les structures de l’indigence. Car ce pays ne vit que par des complots ourdis par les gens de bien. Il se trouve hélas que ces gens de bien sont toujours les dindons de la face de ces complots, car il leur manque l’intelligence pour comprendre qu’ils ne sont que des adjuvants choisis pour anoblir les médiocrités. Une fois que la médiocrité est dévoilée, le cachet qui l’enveloppait ne peut plus avoir de valeur. Lyonel Trouillot, Nesmy Manigat, Emmelie Prophète, Magali Comeau Denis, Myrlande H. Manigat, dignes représentants des gens de bien, seront toujours des cachets, des adjuvants pour le triomphe des Martelly, des Jovenel, des Ariel, des Tilapli, des Lanmò san jou.


2. La deuxième est en rapport avec la question posée par le texte : Où est l’élite haïtienne ? La question résonne comme une invitation pour qu'enfin cette élite se manifeste et se réveille Il y a là chez le sociologue une incapacité à comprendre la nature ''gangster-o-gène'' des élites et des prétendus gens de bien qui formeraient la majorité silencieuse du pays. Ces couches sociales ne se reconnaissent pas dans un quelconque projet qui rendrait totalement à la majorité noire du pays son humanité et sa dignité. De fait, le projet anti-occidental, qui a fondé la dignité de cette nation en 1804, a été perverti dès l'origine par un complot de gens de bien vassalisés aux élites néo esclavagistes.


N’est-ce pas un complot de gens de bien qui avait promu le nouveau contrat social de 2004 en désacralisant et en enfumant les commémorations de l’indépendance ? N’est-ce pas un complot de gens de bien (les mêmes de 2004) qui s’était structuré en 2011 autour de Martelly pour promouvoir le banditisme légal ? N’est-ce pas, entre 2018 et 2019, le complot ourdi par le silence d’une grande partie des gens de bien de ce pays et le regroupement de certains autour d’une factice opposition non violente dénommée PetroChallenge qui a offert une passerelle au PHTK pour une sortie ordonnée ?


Rigoureusement, prendre cet appel d’un nouveau complot de gens de bien pour un acte révolutionnaire est sociologiquement et méthodologiquement problématique. Je dois m’empresser de préciser pour les esprits simplistes que problématique veut dire que cela soulève des questions : En effet, il faudrait que l'on sache :
 De quelles couches sociales viendront ces gens de bien ?
 Quelles sont les traces éthiques que ces prétendus gens de bien ont laissé dans leur pratique
sur ces 30 dernières années ?
 Quelle serait la finalité de ce complot ?
 Pour qui serait bénéfique ce complot ?


Si je pose ces questions, c’est parce qu’il m’a été donné d’expérimenter, comme avec beaucoup d’autres, que les postures des gens de bien de ce pays sont toujours des impostures qui deviennent des torrents emportant la dignité nationale. Car au fronton des gens de bien de ce pays se trouvent les lettres d’or du génome de la réussite nationale : : Nul n’entre dans l’anoblissement des gens de bien en Haïti, s’il n’a le profil tatoué comme Crapule Accréditée (CA) ou Couillon Assumé (CA). Car en devenant, virtuellement, phare « CA-CA strophé » sur le toit du shithole, il doit, au vrai, être une faille humaine dérobée qui servira de fumier par où s’érodent la dignité nationale et l’intelligence collective.


Évidemment, je ne saurais finir sans céder à mon ‘‘défaut intelligent’’ de provocation : si monsieur Aly Acacia fait la promotion de ce texte, c’est sans doute qu’il s’estime parmi les gens de bien de ce pays. Après tout, n’est-il pas reconnu comme auteur et éditeur au Nouvelliste ? Le Nouvelliste, n’est-il pas cet organe médiatique appartenant à une famille de gens de biens ? Les propriétaires du Nouvelliste ne sont-ils pas aussi des actionnaires de l’une de ces deux banques dont le PDG est sur la liste des sanctions ?

Tout cela pour dire qu’il n’y a rien de nouveau, sous le soleil du Shithole, à travers ce « chef d’œuvre » de Frédéric Boisrond, appelant à un complot des gens de bien, de nouveau (dans les mêmes formes, pour les mêmes finalités et avec les mêmes acteurs), pour Haïti : C'est le même enfumage qui se renouvelle.
 

Erno Renoncourt,
TIPÉDANT,
Empêcheur intranquille d’enfumer à fond (12/10/2023)

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