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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Patrick Élie : déjà huit ans que le camarade se repose dans les entrailles de sa terre natale. Par Robert Lodimus

Publié par Robert Lodimus sur 13 Février 2024, 13:31pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

 

« Aucun pays ne s’est jamais élevé sans s’être purifié au feu de la souffrance. »

                        (Gandhi)

 Les stations de radio et les journaux du pays ont annoncé le vendredi 12 février 2016 le décès de Patrick Élie, cet ardent défenseur de la souveraineté nationale. En apprenant la triste nouvelle, nous avons tout de suite paraphrasé Périclès : « Par le hasard d’un instant, c’est au plus fort de la gloire et non de la peur que ce patriote nous a quittés. »

 En effet, Patrick Élie est entré dans l’histoire universelle comme un militant scrupuleux, un nationaliste probe et un activiste politique téméraire, qui a sacrifié sa jeunesse dans une Haïti misérabilisée, qu’il a appris malgré tout à aimer avec passion. Sans fausse modestie. Et sans mesquinerie. Le fervent patriote est disparu au  moment où le pays des Haïtiens est en train de rendre son dernier souffle dans les rues insalubres de la capitale et des villes de province.

  Les nouvelles inquiètent au plus haut point. Depuis plusieurs jours, le sang coule partout. Notre pays cherche un Moïse et un Aaron capables de le  sortir des griffes du Pygargue impérial. Comme le rôtisseur dePanurge (1), le personnage rabelaisien, nous n’arrêtons pas « nous-même » de crier : « Dal baroth, dal baroth! » (Au feu, au feu!). Malheureusement, personne n’entend ces cris d’angoisse, de frayeur et d’inquiétude qui déchirent les oreilles. Et pourtant, depuis quelques mois, les marginalisés de la République  continuent de « lever les yeux vers les montagnes » de l’Afrique, d’où ils pensent que leur viendra un secours mitigé, qui tarde étonnamment à arriver?

 

« Philosopher, c’est se préparer à la mort [1] »

     La conviction politique de Patrick Élie s’empreignait d’un « conséquentialisme révolutionnaire ». Contrairement aux tribuns baveux, ces pseudo Cicéron et Démosthène réincarnés sur les ondes des médias locaux, le scientifique n’écartait « aucun moyen » qui serait susceptible de faire avancer la lutte politique, économique et sociale en Haïti. Comme Mark Twain, le professeur d’université, contrairement aux dégonflés, avait compris que « ceux qui sont pour la liberté sans agitation sont des gens qui veulent la pluie sans orage. »

  Patrick Élie – rappelons-le – fut arrêté aux États-Unis le 23 avril 1996 sous des accusations farfelues,  montées de toutes pièces par les autorités de Washington. Il resta 16 mois sans procès dans une prison rurale de Virginie. En Haïti et dans la diaspora, l’ex-secrétaire d’État à la défense bénéficia du soutien sans réserve de ses compatriotes et des camarades étrangers. Des Haïtiens vivant à New York se rendirent en autobus devant la prison de Northern Neck afin d’exiger son élargissement.

Jooneed Khan du quotidien montréalais La Presse enquêta sur l’affaire Patrick Élie. Dans le numéro du jeudi 24 avril 1997, le chroniqueur expliqua :

 « Le 26 novembre, le juge Cacheris ordonna qu'Élie soit libéré sous conditions, statuant que sa détention prolongée et sans jugement «offense la conscience » et « viole ses droits fondamentaux ». Mais le procureur Marcus Davis obtint sa réarrestation, à l'ambassade d'Haïti où Élie s'était réfugié en apprenant le renversement du jugement Cacheris.

 En juillet 1996, Davis avait renouvelé à Élie une offre avancée deux mois plus tôt par Jesse Helms et Ben Gilman, républicains amis du régime Cédras : la clémence en échange d'informations sur l'assassinat de leaders putschistes, dont l'avocate Mireille Durocher-Bertin.

Élie refusa net. Et il reste emprisonné, alors que les généraux putschistes écoulent des jours paisibles au Panama, et que l'ex- chef de l'escadron de la mort du FRAPH, Emmanuel Toto Constant est en liberté aux États-Unis. »

Après sa libération, nous avions interviewé Patrick Élie dans le cadre de l’émission « Ces mots qui dérangent » diffusée sur Radio Plus. Il nous avouait que ses conditions de détention avaient été effectivement abusives et  pénibles. Néanmoins, les tortures psychologiques que l’homme avait subies dans les prisons des Yankees, loin de refroidir son ardeur de militant, loin de l’instiguer au découragement et à la crainte, l’engageait davantage sur la voie du combat pour la « Justice » sociale, pour l’ « Équité » économique et financière. En prison, le biochimiste rencontra des Afroétatsuniens qui lui racontèrent leurs misères et leurs déceptions. La plupart de ces individus qui avaient grandi dans les ghettos noirs des mégalopoles déclarèrent qu’ils étaient détenus pour des crimes qu’ils n’avaient pas commis.

Dans cet échange radiodiffusé, Patrick Élie abordait aussi avec nous la question de la drogue qui ravage la société  étatsunienne. Ses révélations sur la pègre nord-américaine étonnèrent les esprits simplistes. Les mafieux puissants et influents qui s’enrichissent dans  le narcotrafic sont des « intouchables ». Ils sont des pourvoyeurs de l’État bourgeois. Alors que les petits revendeurs de rue sont traqués, exécutés sommairement ou envoyés en prison par la Drug Enforcement Administration of the Us Department of Justice (DEA). La police fédérale cherche à se donner bonne conscience auprès des populations naïves, en les endormant dans une fausse sécurité.

   Patrick Élie est décédé des suites d’une hémorragie interne à l’estomac. Il souffrait d’un ulcère aggravant. Il y aurait fort à penser que les mauvais traitements dont il fut l’objet en milieu carcéral avaient contribué à affecter sa santé qui paraissait pourtant assez robuste.

 Patrick Élie intervenait souvent dans les émissions d’affaires publiques pour  orienter, canaliser les débats sur la dégradation inquiétante de la situation politique en Haïti. Il faisait ressortir la nécessité pour les masses de « prendre en main leur avenir ». De ne pas se fier aux tactiques nébuleuses et aux stratégies improbes des politiciens véreux, louches, douteux… En pensant à ce brave militant, nous croyons entendre cette brillante recommandation de Gandhi : « Là où il n’y a le choix qu’entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence. »  

 La République d’Haïti se souviendra toujours de Patrick Élie qui occupe une place honorable dans les annales de son histoire.

Robert Lodimus

_________________________

Référence

 

[1] Socrate

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