Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Le budget des missions diplomatiques dilapidé ! -Par Sergo Alexis et Huguette Grenz

Publié par Sergo Alexis et Huguette Grenz sur 3 Juillet 2024, 10:59am

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #AYITI ECONOMIE

 

Malgré les péripéties d’Haïti, la diplomatie haïtienne jouissait jadis d'un certain prestige grâce à un personnel hautement qualifié et souvent composé d'intellectuels et d’éminents écrivains, animés d’un vrai sens patriotique. Cependant, depuis quelques décennies, à l’instar d’autres institutions administratives de l’État, elle se dégrade au même rythme que les problèmes sociopolitiques internes : agents diplomatiques peu performants et amorphes, personnel pléthorique coûtant la rondelette somme de 60 millions de dollars US par an. Un fardeau pour le budget de l'État pendant que des millions de citoyens des masses populaires croupissent dans la misère et l’ignorance.

Les diplomates sont souvent choisis en fonction de leurs accointances avec les femmes et les hommes qui dirigent l’État - l’Exécutif et le Législatif en particulier -  plutot que sur les compétences que nécessite la fonction. Cette situation est aggravée par des pratiques de corruption, où des postes sont même vendus par certains politiciens véreux. Même quand le fonctionnaire est diplômé, le titre universitaire ne garantit pas non plus que celui-ci sera un bon diplomate en l’absence d’une directive gouvernementale et sans une conscience patriotique. C’est ainsi qu’ils viennent embouteiller les bureaux sans rien faire, à part pianoter à longueur de journée sur leur Iphone, soit pour converser avec leur petit (e) ami (e) ou pour écouter des « zen » sur les réseaux sociaux.

Pourtant, ce n’est pas le travail qui manque. Les thèmes aussi. Prenons le fameux sujet « Haïti vue comme une République des ONG », tant critiqué par des Haïtiens. Ou encore la relance d’une coopération basée sur les échanges économiques et le transfert de technologie, sur lesquels des diplomates dignes de ce nom pourraient se pencher pour remettre Haïti sur les rails de la modernité contemporaine.

La diplomatie haïtienne est actuellement quasi inexistante et souffre de nombreux problèmes structurels, dont l'absence d'une politique étrangère bien définie, et la formulation de nos attentes envers la communauté internationale, laquelle décide pour nous. Le responsable de cette descente aux enfers est l’État lui-même qui n’a pas défini des directives aux différents ministres des Affaires étrangères. Les diplomates des ambassades sont là pour davantage exécuter les affaires courantes : représenter Haïti dans une cérémonie officielle ou faire acte de présence dans une représentation culturelle de la communauté haïtienne où ils sont en poste.

 

Il n’existe pas de vrai projet de promotion culturelle de la part des missions diplomatiques ni une coopération étroite avec leur communauté respective pour faire rayonner la culture d’Haïti à l’étranger. Les grands artistes et sportifs d’origine haïtienne, par exemple, qui évoluent en Occident hésitent à travailler avec les missions à cause de la corruption et de la médiocrité de l’État haïtien. Et ceux qui s'engagent ne le font que par des actions citoyennes individuelles, comme Wyclef Jean, qui a réussi à rehausser l'image d'Haïti dans le monde et libérer les artistes et sportifs haïtiens du complexe lié aux réalités dégradantes de leur pays d'origine.

La nécessité de réforme

La nouvelle ministre, Dominique Dupuy, qui bénéficie de la sympathie et de la confiance de la population haïtienne en raison de ses engagements et de son indépendance vis-à-vis des partis, -comme elle n’a de cesse de le rappeler - semble déterminée à faire le ménage. Elle a rappelé de nombreux diplomates et envisagerait de révoquer ceux qui n'ont pas rempli leurs responsabilités de manière satisfaisante.

La nouvelle chancelière a aussi demandé à la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSCCA) de réaliser un audit administratif et financier sur la gestion du ministère et des missions diplomatiques et consulaires du 1er octobre 2021 au 30 juin 2024. Transparence oblige, Dominique Dupuy devrait toutefois répondre au soupçon de « conflit d’intérêts » émis contre elle dans les médias, pour n’avoir pas demandé l’expertise à la CSCCA que sur les deux derniers mois que Claude Joseph dirigeait ce ministère. De plus, l’honnêteté nous oblige toutefois à rappeler que si la diplomatie a besoin d’un bon nettoyage, l’État doit procéder avec légalité, c’est-à-dire que les personnes rappelées ou révoquées doivent, comme le veut la loi, obtenir comme compensation un mois et demi de salaire pour leur retour au pays, ainsi que celui de leur  famille. Ce qui n’est pas le cas.

En outre, il est impératif de réformer les deux niveaux des missions étrangères. En effet, les services consulaires sont également en proie à de graves problèmes de corruption et d'incompétence. Des centaines de passeports, bien que payés, n'ont pas été livrés ; les documents administratifs nécessaires à la régularisation des expatriés sont marchandés en Haïti. Ce dysfonctionnement entraîne des délais d'attente prolongés pour l'obtention d'un document. De plus, les consulats n'entretiennent aucune relation avec les associations haïtiennes de développement, alors que celles-ci pourraient apporter une contribution précieuse aux communautés locales d’Haïti, etc.

Pour améliorer cette situation, il est essentiel d'élever le niveau intellectuel du personnel en assignant aux agents diplomatiques des tâches spécifiques, clairement définies par le ministère. En d'autres termes, la nouvelle équipe dirigeante doit redéfinir les objectifs de la politique étrangère haïtienne et sélectionner soigneusement le personnel approprié. Il est également crucial de renforcer les compétences des diplomates par une formation continue, que ce soit en matière de législation locale ou de géopolitique, afin qu'ils comprennent mieux et exécutent efficacement leurs missions.

Dans le contexte international, la présence de diplomates compétents et engagés sur la scène géopolitique mondiale est essentielle. Haïti en a besoin qui soient capables de comprendre l’ordre mondial et ses mutations ; c’est-à-dire le mode de production du capitalisme et de construire ses rapports de force international à l’intérieur du système, avec l’appui d’autres États et d’autres peuples. Ils doivent savoir que tout affrontement populiste jusqu’au-boutiste avec notre grand voisin américain se soldera par un échec.

Les dirigeants doivent promouvoir une diplomatie d'affaires axée sur le développement et les relations multilatérales, attirant ainsi les investissements étrangers. Il existe une main-d’œuvre haïtienne courageuse et intelligente mais sous-payée dont il faut revoir néanmoins les conditions sociales.

Pour compenser notre manque de ressources naturelles, nous devons miser sur la culture dont nous sommes si riches, que ce soit au niveau de la peinture, des belles-lettres, de la musique et de l’artisanat. Si nous structurons une diplomatie saine, nous pourrons compter aussi sur l’apport financier des sportifs et musiciens renommés dans la réalisation des projets d’intérêt public. C’est en améliorant l'image du pays à l'étranger qu’Haïti fera entendre mieux sa voix sur la scène internationale et tirer profit des relations bilatérales, multilatérales et de la coopération décentralisée.

Avant toute chose, le gouvernement doit créer un agenda de réformes sérieux, dégager une vision stratégique claire et un cadre opérationnel, comprenant la mise en place de mécanismes de contrôle des dépenses et de gestion des ressources pour toutes les missions !

 

Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents