Dans mon film « La Ronde des Vaudou", l’artiste peintre et houngan (prêtre vaudou), André Pierre déclarait sur ce ton lyrique qui lui était propre : "L’agriculture c’est le commencement de tout. Sans agriculture, pas de santé, pas d’éducation, pas de culture, pas d’arts, pas d’architecture… » Et il déclinait ainsi différents aspects de la vie qui, selon lui, dépendaient de l’agriculture.
Cette véritable ode à l’agriculture André Pierre l’a déclamée en 1989.
Aujourd’hui, on peut constater au vu de la situation socio-économique d’Haïti à quel point il avait raison. Mais, ce n’est pas seulement en Haïti que la question de l’agriculture, de la nourriture donc, se place au centre de tous les débats.
Dans un article intitulé :"There is No Box: Big Ideas About Urban Agriculture and Local Food Systems" publié sur CommonDreams, l’auteur passe en revue les différents échanges autour de l’agriculture allant de l’agro-industrie aux jardins urbains, à partir de colloques auxquels elle a participé.
Elle note qu’un certain conférencier Mc Williams a introduit son discours en affirmant que l’organisation du système de nourriture est l’une des tâches les plus urgentes pour le pays.(USA)
Est-ce qu’en Haïti cela ne devrait pas être également la tâche la plus urgente ?
Qu’est-ce qui s’est passé depuis que Jacques-Edouard Alexis avait declaré que le gouvernement se préparait à travailler sur le développement de l’agriculture en visant à long terme une autonomie alimentaire ?
Pourquoi ce programme déterminant et urgent pour Haïti a-t-il été enterré avec l’éjection d’Alexis ?
Quelqu’un m’a dit, je dis quelqu’un pour ne pas embarrasser cette personne, qu’aborder le sujet du développement de l’agriculture est aussi dangereux que de parler du trafic de drogue. Comment serait-ce possible ?
Comment en serait t-on arrivé au point qu’un gouvernement, qu’un individu qui militent pour le reboisement d’Haïti, pour le développement de l’agriculture, pour l’implantation d’usines d’agro-transformations, puissent craindre d’être renversé ou d’être physiquement éliminé ?
Comment-serait-ce possible qu’il soit interdit à un pays, à un Etat, à un gouvernement de s’organiser pour nourrir sa population ?
Est-ce, finalement André Pierre qui aurait vu juste en situant l’agriculture comme « tête» du développement d’un pays comme Haïti ?
Est-ce que, justement, le silence lourd, l’ormeta autour de la question de l’agriculture ne serait pas révélateur d’une volonté absolue de maintenir le pays dans le cycle de la pauvreté et de la dépendance ?
Est-ce que, précisément, le plan Collier, du nom de son auteur, surgit comme un diable qui sort de sa boite, n’aurait pas été concocté pour faire barrage au programme de développement de l’agriculture ?
Existerait-il des personnes, des lobbys nationaux et internationaux qui s’opposeraient à un programme d’autonomie alimentaire en Haïti ?
Si ce n’était pas le cas, comment expliquer au citoyen lambda, Haïtien du dedans comme du dehors et étranger, qu’un projet aussi vital et totalement faisable puisse ne pas être la première préoccupation des gouvernants dans un pays en pleine crise alimentaire?
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