Port-Salut, petite ville côtière au Sud de la république d’Haïti, est réputée pour ses plages attrayantes et son paysage rayonnant comme une carte postale. Depuis plus d’une semaine, elle ajoute un nouvel élément à sa réputation: au moins quatre parmi les militaires uruguayens de la mal nommée Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) qui y sont cantonnés ont violé collectivement Johnny Jean, un jeune garçon de 18 ans.
Si l’acte a été perpétré le jeudi 28 juillet 2011, c’est seulement vers la fin du mois d’août qu’il a commencé à occuper la une de l’actualité. En partie, grâce ou à cause de la vidéo du crime diffusée sur Internet. En effet, les militaires eux-mêmes ont filmé la scène. Ils s’en sont servis après comme film, faisant des projections pour se gargariser de leur prouesse. Qui pis est, en présence de jeunes adolescents de la zone, tous amis de la victime. Et c’est justement l’un d’eux qui a utilisé son téléphone portable pour capter quelques séquences de la vidéo qui a été diffusée par l’agence en ligne Haiti Press Network (HPN). La vidéo n’aura été visible que quelques heures sur le Web. On ne sait pas trop s’il s’agit d’une action diplomatique du gouvernement uruguayen ou de l’ONU elle-même – Youtube ayant argué de sa politique de non-promotion de la haine pour justifier le retrait de la vidéo, étant donné que pas mal de commentaires (plus de 4000) commençaient à fuser pour condamner la barbarie onusienne.
Il a fallu le déploiement des soldats de la MINUSTAH pour sortir Port-Salut de sa posture de havre de paix. En 1995, par exemple, la ville comptait à peine 40 policiers. Tandis que l’effectif de la police nationale n’a cessé d’augmenter, Port-Salut, elle, ne comptait que 7 policiers en 2004. Car, il était presque impossible d’enregistrer un incident plus grave que le vol d’un cabri ou de quelques lots de patates. Pourtant, paradoxalement, depuis cette même année de 2004, avec la nouvelle occupation du pays par la MINUSTAH, il a fallu y déployer un contingent militaire, pour la (dé)stabiliser. Etant donné que la nature a horreur du vide et que, comme on le sait bien, l’oisiveté est la mère de tous les vices, les militaires ont dû faire travailler ce dont ils disposent de méninge pour trouver un artifice capable de justifier leur présence. Petit à petit, ils ont introduit: prostitution de mineurs et de mineures, le «cambiar» — pratique d’échange de nourriture contre des services tels achat de produits hallucinogènes et/ou illicites comme le tabac, l’alcool, la marijuana… Tout cela ressort du rapport rendu public par le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) [1], le lundi 4 septembre 2011.
Le viol du jeune Johnny doit être compris dans ce cadre-là. En effet, pour gagner leur survie quotidienne, pas mal d’adolescents et de jeunes fils et filles de paysans appauvris comme Johnny nouent des relations de proximité avec les soldats onusiens déployés dans différentes régions du pays. Le jeune Johnny s’était particulièrement lié d’amitié avec l’un des soldats du contingent uruguayen, un certain Pocho. Ce dernier apparemment n’a pas pris part à l’acte. Il aurait même été empêché de lui porter secours. Car, les bandits avaient fermé la porte de la chambre dans laquelle ils accomplissaient cet acte criminel pour empêcher que les cris du jeune garçon n’arrivent aux oreilles de son «ami» Pocho.
L’opulence dans laquelle vivent les soldats ounisiens installés en Haïti est, le moins que l’on puisse dire, offusquante. Dans les villes, ils s’installent dans les meilleurs hôtels, ils se pavanent sur les plages en semaine comme en week-end, encore plus à Port-Salut où celles-ci sont particulièrement belles. En contrepartie, ils achètent les plus jeunes, les prostituent et… les violent. Non seulement ces militaires bénéficient d’une impunité absolue qui ne leur inspire aucune retenue ni légale ni de mœurs – leur statut de soldats onusiens les plaçant au-dessus des tribunaux haïtiens –, mais également l’épaisseur de leur salaire représente plus qu’une insulte pour les pauvres policiers et autres fonctionnaires de l’Etat haïtien.
A titre de comparaison: le soldat uruguayen reçoit en Uruguay un salaire équivalent à 400 dollars. Au sein de la MINUSTAH, il perçoit 6000 dollars par mois. Il est vrai que le gouvernement uruguayen en déduit une bonne partie, mais le soldat uruguayen de la MINUSTAH dispose quand même d’assez d’argent et d’autorité pour se croire tout permis en Haïti. En général, ils économisent assez pour qu’au retour dans leur pays, ils puissent s’acheter un bel appartement et… se la couler tranquille. On peut d’ailleurs se demander si la prompte plainte du gouvernement contre ses propres soldats déployés en Haïti ne vise pas d’abord à préserver au sein de la MINUSTAH la présence uruguayenne économiquement rentable pour l’Etat uruguayen. Ce dévouement du gouvernement uruguayen cherche également à faire passer le message que ce viol collectif perpétré contre Johnny Jean n’est qu’un incident inhabituel dont ne seraient coupables que les quatre soldats uruguayens et non un mode d’agir des forces d’occupation. Voilà pourquoi il est toujours utile de raviver la mémoire.
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