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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


A propos de Filiation et pouvoir en Haïti de Leslie Perpignant

Publié par siel sur 23 Novembre 2010, 10:36am

Catégories : #AYITI ACTUALITES

Vous vous souvenez de l'article de Leslie Perpignant qui portait en sous- titre

"Le troisième mariage de René Préval marque 200 ans d’omniprésence des « Latchamimi 1 » au pouvoir;"

 VOIR link

 

Un comnentaire de ce texte avait été fait par Jérôme Dominique dans la revue Tanbou.

Ce commentaire au moment des élections est tout bonnement d'actualité.

Il vient aussi en écho à mes observations sur le feu vert donné à Digitel par

la Banque de la République d'Haïti pour exploiter par mobile le réseau des

transferts d'argent de la diaspora. VOIR L'argent de la diaspora transféré par Digicel

L'analyse du rôle joué par la séduction émotionnelle est tout aussi éclairante.

pour moi, par rapport à la pièce de théâtre que j'écris

autour de la fonction des zen (rumeurs, ragots) sorte de séduction émotionnelle

dans la vie  politique et socio/économique haïtienne

 

Commentaires de l’article de Leslie Perpignant

—par Jérôme Dominique

 

D’après Leslie Perpignant, le mariage du président René Préval et d’Élisabeth Debrosse Delatour est un acte politique. Dans la perspective du nouvel État haïtien à construire, je me propose d’expliciter un peu cette idée. D’abord un gros merci à Leslie Perpignant pour avoir fourni ce magnifique et courageux effort de fouille dans notre traintrain historique récent. Il aura mis en lumière certains faits dont la connaissance échappait à beaucoup d’entre nous. Des faits qui révèlent une réalité si troublante qu’on est fondé à évoquer le retour du duvaliérisme. Il y a là de quoi paniquer, avouons-le, car la diabolisation justifiée du duvaliérisme par le peuple haïtien devrait suffire pour enlever toute chance de résurrection à cette formule politique macoutique et antipopulaire… Mais comme la mémoire est une faculté qui oublie, certains ne se seraient pas gênés pour nous offrir une perspective politique qui, sans porter ouvertement la dénomination honnie du duvaliérisme, en emprunterait volontiers l’esprit et même les acteurs encore vivants.


À ce stade de chaos généralisé qui caractérise notre histoire actuelle, nous devons veiller et prier pour qu’un nouveau séisme, politique cette fois, ne vienne achever l’oeuvre de notre destruction totale. Les classes populaires et pauvres en Haïti, constituant les trois quarts de la population, seront toujours les plus touchées par tout séisme de quelque nature qu’il soit. Mais elles ne se donneront plus en pâture à une organisation politique qui a, durant trente ans, largement contribué à la dégradation de tout notre patrimoine humain et environnemental. Je songe ici en particulier à ce phénomène socio-historique absolument aberrant du départ en terres étrangères de toutes les ressources humaines haïtiennes confrontées à l’insécurité physique, psychologique et matérielle. Je pointe également du doigt ce phénomène non moins renversant de la paupérisation de nos campagnes et de nos villes de province ou de nos populations, face au désespoir de leur situation sociale et économique, se sont vu contraintes de laisser leurs lieux d’origine pour aller vivre à Port-au-Prince, parfois dans des conditions infrahumaines.
Mais outre ce duvaliérisme dont Leslie Perpignant évoque le spectre, son article nous invite à réfléchir sur trois autres points critiques : 1) une certaine rationalité économique, 2) une perversion de notre bourgeoisie nationale, 3) la séduction émotionnelle comme arme de manipulation politique.


Une rationalité économique


Il est évident que la philosophie économique de Leslie Delatour a longtemps dominé et inspire encore une bonne partie de la politique économique de l’État haïtien. Selon la rationalité économique imposée par la Banque Mondiale et le FMI, il faut privatiser sur une base généralisée parce que l’État ne doit pas pouvoir gérer les affaires dans les institutions à vocation économique. Il faut laisser ce rôle à l’entreprise privée. Sauf qu’en Haïti, entreprise privée est souvent synonyme d’entreprise partisane, promotrice de chômage et d’enrichissements privés. Bien que le phénomène de la désétatisation apparaisse donc sous les traits de mesures d’assainissement institutionnel, il met en évidence sa véritable nature rétrograde de production de chômage et de diminution de revenus pour l’État. Il saute donc aux yeux que ce libéralisme économique est foncièrement contraire au développement endogène d’Haïti et que l’État haïtien devrait pouvoir mettre en oeuvre une politique économique visant le développement global de son pays pour arriver à générer des revenus importants à travers une gestion de ces entreprises rationnelle et orientée résolument vers les intérêts du peuple. Mais cette nouvelle rationalité économique, volontiers socialisante, se trouverait devant la tâche énorme pour l’État haïtien de changer de fond en comble la nature de son fonctionnement.


Une perversion de notre bourgeoisie nationale


À vrai dire, on n’apprend rien à personne en alléguant que notre bourgeoisie haïtienne n’a pas encore fait preuve d’existence. Nous avons un petit groupe de bourgeois qui ont pu accumuler des capitaux grâce à leur action assidue dans des industries de production, de consommation et d’import-export. Mais une véritable bourgeoisie nationale, à la tête de grosses industries ou actionnaires dans des multinationales étrangères, mettant en oeuvre des politiques conjointes ou concurrentes d’accumulation de capital, investissant dans des secteurs de pointe en mesure de créer emplois et richesses sur une base nationale, a peine encore à se former en Haïti. La soi-disant bourgeoisie nationale dont nous disposons ne nous donne l’impression que de grappiller des capitaux çà et là pour composer une accumulation de subsistance impossible d’être pour l’État une source d’emprunts d’investissements, mais au contraire comptant sur notre pauvre État pour le gratifier de quelque charité de contrats tant soit peu lucratifs. Donc on ne peut aller nulle part avec cette pauvre bourgeoisie nationale opportuniste. Voilà donc une bourgeoisie qu’on peut qualifier de presque d’inutile en regard de son rôle dans le développement du pays.


La séduction émotionnelle
Dans toutes les sociétés et dans toutes les catégories sociales, la manipulation est utilisée pour arriver à ses fins. Si la manipulation est comprise comme un ensemble de tactiques arrimées aux objectifs poursuivis, la séduction émotionnelle apparaît comme une arme redoutable de succès. En effet, on se met au diapason des besoins affectifs de l’autre à combler et on utilise toutes sortes de moyens licites ou illicites pour l’attirer dans ses filets. Pour réussir dans la séduction émotionnelle il faut savoir observer soit directement soit indirectement les points forts et les points faibles de la personne à séduire et intervenir adroitement. Pareille démarche affective et émotionnelle très complexe et intelligente est très souvent utilisée par nos hommes et femmes politiques d’Haïti en vue de réaliser des alliances politiques gratifiantes.
Nous voyons donc que l’objectif ultime de la séduction émotionnelle c’est le pouvoir. Comme le dit si bien Leslie Perpignant : « Utiliser les relations complexes entre les émotions, le sexe et la politique pour contracter des liaisons amoureuses dans le cadre d’une stratégie d’accumulation de capital et d’hégémonie politique ». Et les chefs d’État haïtiens n’ont pas toujours fait preuve d’intelligence politique dans les approches séductrices dont ils sont l’objet. Et comme ils se rendent compte trop tard de l’erreur commise, il est souvent impossible de revenir en arrière pour corriger les effets néfastes de la séduction émotionnelle pour toute la nation.

—Jérôme Dominique

Sources : http://www.tanbou.com/2010/summer/DiscussionFiliationPouvoirHaiti.htm

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