Haïti: Frère Jacques , je t'écris de nulle part
D'un tambour kata oublié dans un péristyle à Fonds -Parisien
D'un pays qui n'existe plus à force de mal exister.
Aujourd'hui, ta terre d'Haïti Toma
Quisqueya aux seins mûrs
N'est plus étincelante de merveilles
Elle est la rouillée
Entre des parenthèses de sang
Et les oeillades d'Apocalypse.
Depuis ton départ sa marche s'est arrêtée
Comme la voix du vieux vent caraïbe
Fatiguée de conter nos légendes aux étoiles
Sans les arbres musiciens
abattus, réduits au silence pour raison d'Etat
Papa Jacques, depuis 50 ans
Rien n'a vraiment changé
seuls les mots, les formats et les formes
crois-moi, les blancs ne débarquent plus ,ils se font inviter
et envahissent nos marchés, nos hounforts ,
nos cimetières, nos bidonvilles, nos salons et nos cuisines
il y a encore un pays en dehors
coupé de ses papas loas, ses papas bois d'Orme
un pays enseveli sous le manteau de l'aide humanitaire
un pays à l'encan ouvert et vendu sans papier
aux sans-papiers Yankees onusiens.
En passant, depuis la chute du Mur
Il y a le devoir d'ingérence des grands
Dans les affaires des petits pays rebelles à leurs dictées
Et la CPI pour juger les non-alignés
Mon Compère
L'espace d'un cillement
nous avons durci la glaise forgeuse d'une autre nation
l'espace d'un ruban de silence
dans notre cupidité nous avons éteint et enterré
les folies de Caucho et de Nina
les délires d'Hilarion et de Désirée
les revers muets de Gonaïbo et de Harmonise
Général sans armées ni troupes
Avec l'arme de la plume acerbe et rutilante
Qui viendra crier justice pour ton kidnapping
Qui viendra te confectionner une sépulture d'allégorie
Et dans quelle cathédrale en ruines chantera-t-on tes obsèques
Frère compère général, Companero
Les camarades sont dispersés
Ils ont changé de plume, de couleur et de camp.
Nous ne savons plus dans nos yeux collectionner
Les papillons et les soleils de la Saint Jean.
A force de perdre nos mémoires nous avons perdu la mémoire.
Nous ne devons pas oublier
Même si nous nous enfonçons au plus épais de la nuit.
Le soleil délire à force d'attendre là-bas dans le devant-jour
Juste sur la frontière du rêve.
Texte non signé lu dans le journal haïtien Le Nouvelliste
que je reproduis ici, afin que nous n'oublions pas que cette année
marque le 50ème anniverssaire de l'assassinat par des macouto/militaro/duvaliéristes
de notre brillant, généreux et courageux, médecin, militant et écrivain, Jacques Stephen Alexis.
A ce sujet, voici une petite anecdote qui illustre
bien la riche personnalité d'Alexis.
Elle m'a été rapportée par le poète et écrivain Gérard Chenet.
C'était sous Lescot, au moment de la révolution de 1946.
Les leaders de ce mouvement revendicatif
se trouvaient en prison dans des cellules séparées.
Ils n'avaient, on s'en doute, vu les conditions de vie
dans les prisons haïtiennes, guère le moral.
Pour les aider à tenir le coup, Jacques Stephen Alexis, s'est appliqué de sa cellulle à leur faire un séminaire
sur la notion de relativité d'Einstein.
D'après Chenet, c'était la première fois qu'il entendait une explication aussi limpide.
Tel était Jacques Stephen Alexis, qui dans les moments les plus difficiles
avait recours à l'intelligence pour combattre l'obscurantisme.
Et ce don de l'esprit ne lui a jamais été pardonné.
La bête immonde, comme on dit, ne tolérait pas la lumière.
Et ça continue, son ventre étant encore fécond, comme dit Brecht.
Commenter cet article