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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Robert Berrouet-Oriol et les hautes exigences de la poésie. Par H. Saint-Fort

Publié par siel sur 17 Juillet 2013, 13:00pm

Catégories : #H.SAINT-FORT chronique



Découdre le désastre 
suivi de 
L’ile anaphore 

Poésie par Robert Berrouet-Oriol 
Editions Triptyque, Montréal, 2013 

Robert Berrouet-Oriol a la poésie dans le sang. Il vit par et pour elle. 
Le monde de la poésie lui rend bien cette passion pour un art qui de tout 
temps a toujours été d’une exigence maximale. Il suffit pour s’en convaincre 
de rappeler les multiples récompenses qui lui ont été attribuées par les 
hautes institutions non seulement de son pays d’adoption, le Canada, mais 
aussi par la France. En effet, en 2010, il a obtenu le très convoité Prix 
de poésie du Livre insulaire à Ouessant, en France. 
Dans Découdre le désastre, suivi de L’ile anaphore, sa plus récente 
fiction poétique, Berrouet-Oriol nous captive d’abord par le côté majestueux et 
le côté somptueux de sa langue. Par définition, le fictionnel est ce qui n’
existe pas, ce qui a été inventé. C’est pourquoi il se déroule le plus 
souvent dans des textes narratifs forgés de toutes pièces par des auteurs qui 
nous mènent au fil de leur intention. Mais, comment la poésie lyrique 
peut-elle constituer de la fiction ? Quel type de rapport avons-nous avec la 
fiction ? En fait, tout se passe au niveau de l’œuvre elle-même, de la langue 
ou du langage du texte. C’est elle qui nous rattache avec la fiction. Peu 
importe la nature du genre littéraire en question, roman, poésie, théâtre, 
nouvelle… On comprend dans ce cas la vraie nature de notre commerce avec la 
fiction. 

La poésie de Berrouet-Oriol nous introduit dans l’univers de la 
littérature fictionnelle d’abord par le biais du langage. La poésie est langage, le 
langage est poésie. D’où l’importance de la maitrise des pratiques 
linguistiques de la littérarité : 
Oyez oyez ma langue en rut 
à sourdre mortifères failles 
cadavéreuses de pile en pile 
draine carnaval de mots 
contre la matrice bavarde des alphabets 
à l’encan halluciné 
aux tarlatanes de la scène-séisme 
Et que dire de cette strophe dont la splendeur semble se perdre dans un 
lointain inconnu pour réapparaitre toujours plus proche et plus vive : 
flambée de glaise 
mes jets de migrance 
artillent muettes raies 
majestueuse 
lactescente oblation 
pour ma leste ardeur à cantiquer feulement 
ô salines suintées de haute prosodie 

L’absence totale de ponctuation qui est devenue l’une des règles de la 
poésie contemporaine se donne libre cours dans la poésie de Berrouet-Oriol et 
semble ne gêner nullement l’expression linguistique tout au long du 
recueil. 

Si Découdre le désastre est entièrement rédigé en vers libre, L’ile 
anaphore qui le suit est formé de longs poèmes en prose qui semblent nous plonger 
au cœur de la poésie fictionnelle. En voici un passage : 
un jour qui ne ressemble à aucun autre jour un dire-à-deux a proféré ses 
grêles leurres sans crier gare et la neige amie mal-aimée a recouvert de 
tendresse ce dé qui roule vers son destin il n’eut pas lieu rien rien hors l’
extinction de ta voix un détour de page logicielle mène mêmement à l’écho 
de toi 

Au terme de cette lecture, certains pourraient taxer la poésie de 
Berrouet-Oriol d’impénétrable ou d’incompréhensible ou peut-être même d’obscurité. 
Pour le premier reproche, il y a certainement matière à discuter. Un texte 
peut être impénétrable sans pour autant être incompréhensible car c’est le 
propre de la poésie contemporaine de ne pas se laisser « ouvrir » 
facilement et de réclamer des « clés ». Quant au reproche d’obscurité, je doute qu’
il puisse tenir le coup. En effet, la poésie est par-dessus tout lumière. 

Hugues Saint-Fort 
New York, 21 juillet 2013

 

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