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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


La métamorphose des sanctions : quand les Héros improbables deviennent des Zéros infréquentables ! - Par Erno Renoncourt

Publié par siel sur 27 Juin 2023, 16:05pm

Catégories : #E.Renoncourt chroniques

Dans une tribune en deux parties, dont celle-ci est la première, j’essaie de voir ce que la société haïtienne aurait pu, sans sa notoire indigence, apprendre des sanctions internationales contre les stratèges et promoteurs du mouvement sociopolitique GNB de 2004. Comment oublier ce large mouvement de 184 secteurs qui s’était lancé à l’assaut du gouvernement de Jean Bertrand Aristide, au nom de la démocratie, de la liberté de la presse et du changement social ?

Le contexte

Rarement, on avait vu pareil consensus en Haïti. Ils venaient de tous les horizons : entrepreneurs, universitaires, intellectuels, artistes, patrons de médias, journalistes, leaders politiques, syndicalistes, militants de droits humains, anciens chefs militaires tortionnaires ou dictateurs en retraite forcée, mercenaires armés et simples quidams. Tous pensaient avoir enfin réalisé la grande unité pour le changement en promettant aux damnés d’Haïti un nouveau contrat social. Ils étaient beaux, forts, puissants, et revendiquaient le statut de héros. Même les trafiquants de drogue et les tortionnaires macoutes apparaissaient sous les projecteurs des médias nationaux et internationaux comme des combattants de la liberté.

Ils étaient 184 et étaient conscients de leur puissance et, de fait, ils avaient de qui tenir. Puisqu’à la vérité, ils ne faisaient que relayer les injonctions écrites par les vrais tuteurs du mouvement : les ambassadeurs des États-Unis, de la France et du Canada qui dirigent Haïti dans les faits depuis toujours. Mais, les représentants de ce mouvement, quoiqu’étant des sous-traitants agissant au nom d’intérêts transnationaux, n’étaient pas moins imbus de leur statut de héros de l’heure. Et fort de leur médiatisation transnationale, ils avaient décidé d’entrer, avec fracas, dans l’histoire en chassant les vrais héros de 1804. Par la voix des ténors de la littérature et de la culture haïtienne, ils avaient lancé le boycott des festivités de commémoration du bicentenaire de l’indépendance du pays en 2004 pour répondre aux exigences de leur tuteurs blancs. Ceux-ci, en effet, n’avaient pas digéré la demande faite en 2001 à la France par Jean Bertrand Aristide de restituer à Haïti le montant de la dette de l’indépendance versé durant des décennies aux représentants des anciens colons et propriétaires d’esclaves de Saint Domingue.

Mais voilà que par un de ces paradoxes dont les écosystèmes complexes sont peuplés, ce sont les mêmes tuteurs blancs qui sanctionnent aujourd’hui pour activités criminelles et trafics de tous ordres la grande majorité des hommes d’affaires et des politiciens de ce mouvement. Une vraie métamorphose qui fait passer les leaders du GNB de : héros improbables à zéros infréquentables. Le moins qu’on puisse dire est qu’il y a quelque chose de paradoxal, c’est-à-dire, à la fois de fascinant et de troublant, dans le fait que l’un des leaders phares du mouvement GNB de 2004 se trouve avec trois chefs de gangs sur une même liste de personnes sanctionnées pour activités criminelles et mafieuses.

C’est encore plus paradoxal quand on sait que cet homme d’affaires était, jusqu’en 2021, avant l’assassinat de Jovenel Moïse (ex président d’Haïti de 2017 à 2021), l’un des principaux bénéficiaires des actions des pouvoirs politiques instaurés en Haïti depuis 2004. Mais au-delà du caractère stratégique du lien implicitement établi entre l’un des fleurons de secteur privé haïtien des affaires et les gangs, on notera que les sanctions internationales imposées par les États-Unis, le Canada et la République Dominicaine à de nombreuses personnalités haïtiennes touchent de larges pans de la vie nationale. S’il est vrai que ces multiples listes de personnes sanctionnées, publiées au compte-gouttes et séparément par chaque pays, répondent à des finalités plus géostratégiques pour ceux qui les émettent que bénéfiques pour Haïti, il reste qu’elles révèlent un fait indéniable : tous les secteurs économiques et politiques influents d’Haïti de ces 30 dernières années sont touchés par ces sanctions.

La problématique 

Et là, on se demande : mais qu’est-ce qui a bien pu se passer, de 2021 à 2023, en Haïti et dans le monde, pour que les donneurs d’ordre internationaux lâchent aussi indélicatement et brutalement dans les poubelles de l‘histoire ceux qui exécutaient, à la lettre et avec zèle, jusqu’en 2021 encore, leurs injonctions de A à Z ? Si cette question reste pleine d’intérêts, elle n’invite pas moins à se demander aussi pourquoi la société haïtienne, et notamment ses couches les plus influentes, les plus aisées et les plus instruites, accueille ces sanctions internationales avec cette relative indifférence et ce total détachement ? Car quoi qu’on puisse penser du caractère cosmétique de ces sanctions, elles ne restent pas moins une bombe à multiples charges explosives.

En effet, n’est-il pas explosif qu’une société découvre que deux de ses anciens présidents, trois de ses anciens premiers ministres, une demi-douzaine de ses sénateurs, une bonne vingtaine de ses députés, les plus riches et les plus influents hommes d’affaires soient tous sanctionnés pour activités criminelles durables, blanchiment d’argent, escroquerie et autres menées mafieuses ? N’est-il pas alors paradoxal que cette société reste passive et indifférente devant ce miroir qui renvoie la laideur horrible de ceux et celles qui ont été médiatisés, célébrés, vénérés comme des modèles de réussite ? Chaque année, tous ces hommes ont fait la une des plus anciens journaux et des prestigieux magazines du pays comme les plus influents, les plus brillants. Pendant longtemps, ils ont été présentés comme des modèles qui inspirent et qui forcent le respect. Comment une société qui suit depuis 219 ans la trajectoire d’une abjecte misère et reste impuissante devant la défaillance totale et continue de ses institutions, peut-elle se retrouver à vénérer ces fossoyeurs ?

SUITE dans le lien .

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